Le 26 septembre 2006, le Sénat Américain vota une résolution non contraignante proposant la partition de l'Irak en trois entités, un projet qui, selon le premier ministre Irakien al-Maliki « serait catastrophique non seulement pour l'Irak, mais pour toute la région ». La volonté de diviser l'Irak repose sur sa structure ethnique et confessionnelle. Avec 23% de Kurdes, 21% d'Arabes Sunnites et 52% d'Arabes Chiites, l'Irak est donc un État identitairement fragmenté.
En deçà de la partition, il y a le fédéralisme, c'est-à-dire la division de l'Etat unitaire en unités fédérées sous le contrôle d'un État fédéral. Au niveau de la science politique, une tel système se caractérise par un principe de fédération, les compétences sont partagées entre les entités fédérées et l'Etat fédéral, par un principe d'autonomie, chaque entité peut légiférer dans les domaines qui lui sont délégués, et un principe de participation, les entités fédérées participent aux décisions de l'Etat fédéral. Les États-Unis, comme la Suisse en sont de bons exemples. Ce système politique devrait-il alors être adopté par un Irak déchiré par la guerre qui n'a jamais réussi à construire une identité nationale dépassant les allégeances communautaires et confessionnelles ?
Tel est théoriquement déjà le cas. Selon la Constitution Irakienne, adopté le 15 octobre 2005 par référendum, « le régime Irakien est un régime républicain, fédéral, démocratique et pluraliste ». Le fédéralisme est donc inscrit dans la Constitution. Ce fédéralisme affirme que chaque province peut s'allier avec d'autres pour former une entité de l'Etat fédéral, avec une large autonomie financière et administrative. Cependant, si la Constitution reconnaît que la région Kurde doit posséder un statut à part, elle ne donne pas moins les limites des autres provinces… Les modalités de ce fédéralisme et les frontières entre autonomies devaient être tracées fin 2007 ; mais de telles décisions sont si lourdes de conséquences et de tensions que chaque parti semble tout faire pour les retarder.
En effet, le fédéralisme ne fait pas cause commune. Si les Kurdes, mais aussi quelques courants chiites, sunnites et les populations assyro chaldéennes et Turkmènes sont favorables à son instauration, les sunnites / anciens baasistes et les chiites radicaux autour de Muqtada al-Sadr y sont farouchement opposés et veulent conserver un Irak unitaire et centralisé…
Le but premier est la sécurisation et la pérennité de l'Etat Irakien. Le système politique mis en place doit être celui qui servira, sur le long terme, le mieux ces objectifs.
Dès lors, un État fédéral serait-il mieux approprié pour assurer la survie de l'Etat qu'un système unitaire ? Le fédéralisme permettrait-il de mettre fin à des conflits décennaires entre chiites, sunnites et Kurdes ? Un Irak fédéral est-il une source de stabilité ou entraînerait-il d'autres tensions ? Finalement, l'allégeance nationale n'a-t-elle plus aucun espoir pour se contraindre à diviser le pays ? Peut on encore concilier les intérêts de peuples différents dans un projet, des symboles communs ?
Il faut tout d'abord noter que l'Histoire de l'Etat Irakien, de sa formation à son évolution, pousserait à légitimer le fédéralisme, comme seul moyen de séparer des peuples que tout divise. Nous verrons alors qu'un fédéralisme appuyé sur la division confessionnelle / communautaire entraînerait plus de tensions, au niveau du pays comme de la région, que de stabilité. Dès lors, si un État Fédéral doit être adopté, c'est dans un soucis d'efficacité du pouvoir, et non de division.
[...] Finalement, il n'y a pas eu de tentative pacifique d'unir l'Irak, mais seulement de l'arabiser, et militairement. Est-ce qu'alors une politique plus apaisée permettrait de recréer une union nationale autour de la reconstruction ? Peut-être. Tel fut éphémèrement le cas au lendemain de la prise de pouvoir par Kassem. Les divergences entre Irakiens apparurent alors comme simplement politiques. Comme le dit Pierre-Jean Luizard, l'appartenance confessionnelle semble alors une simple survivance d'un passé révolu [ ] les illusions nationales irakiennes n'ont jamais été plus fortes que sous le régime de Kassem Kassem mena en effet une politique irakiste, plus qu'arabe. [...]
[...] L'Irak : un État colonial créé de toute pièce. L'Irak n'est pas, comme la France ou la Grande-Bretagne, un État-Nation séculier. L'Irak ne s'est pas bâti de lui-même, aux aléas des guerres. C'est une construction coloniale menée par les Britanniques. La domination anglaise sur l'Irak remonte au lendemain de la Grande Guerre lorsque, le 11 mars 1917, l'armée britannique rentra dans Bagdad. Suite à l'occupation, les oulémas chiites demandèrent la création d'un État irakien arabe et islamiste. Mais la conférence de San Remo entérina l'occupation britannique. [...]
[...] Bibliographie : Hassan AL-HAYAT, La partition, une idée qui progresse dans les têtes, article paru dans Courrier International du Jeudi 19 octobre 2006. n°833 Sultan BARAKAT, Post Dassam Iraq: deconstructing a regime, reconstructing a nation. Third World Quaterly.Vol Special Issues: reconstructing post Saddam Iraq. Philippe BOULANGER, Géopolitique des Kurdes. Ed Ellipses Hamit BOZARSIAN, Le Kurdistan d'Irak aujourd'hui. Article de Critique Internationale, n°29. Ed des Presses de SciencesPo Adeed DAWISHA, Karen DAWISHA, How to build a democratic Iraq. Foreign Affairs NYC 2003. Gabrielle LAFARGE et Alexandra NOVOSSELOFF, La reconstruction de l'Irak aura-t-elle lieu ? [...]
[...] Car si la Turquie intègre l'union, une sécession serait improbable. Devant de telles revendications, il est probable que la Turquie ne reste pas les bras croisés. Elle a manifesté à plusieurs reprises le désir de rentrer militairement en Irak, officiellement pour chasser les membres du PKK, officieusement pour déstabiliser le nouveau régime kurde. Cela ne veut pas dire que la création d'un Kurdistan Iranien, Syrien ou Turc qui se rassembleraient dans une grande nation kurde, serait une mauvaise chose, mais simplement qu'elle serait dangereuse, car basée sur une identité. [...]
[...] Les plus importantes conséquences d'un fédéralisme irakien seraient liées à la position d'un Kurdistan quasi-autonome. Le peuple kurde est présent en Turquie, en Irak, en Iran et en Syrie. Un Kurdistan irakien, souverain, qui pourrait devenir indépendant, accentuerait les revendications du PKK en Turquie et des Kurdes en Iran pour créer un Kurdistan rassemblant toute la nation kurde, au-delà des frontières préétablies. En d'autres termes, les gouvernements nationaux craignent une jurisprudence fédéraliste comme le dit Philippe Boulanger. Si les revendications d'autonomie sont anciennes, la situation actuelle marque une évolution de taille. [...]
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