Faut-il gouverner avec les sondages, Nicolas Sarkozy, affaire des sondages de l'Élysée, instituts de sondage, gouvernance par sondage, opinion publique, légitimité démocratique, perception du peuple, stratégie politique, Kent Weaver, stratégie d'évitement du blâme, Emmanuel Macron, Pierre Bourdieu, article 27 de la Constitution
"Dans le monde d'aujourd'hui, nous agissons sous le regard informé et vigilant de l'opinion publique nationale et mondiale", disait Nicolas Sarkozy, le 28 février 2007, au cours de la campagne présidentielle. Quelques mois après débutait son quinquennat, marqué par l'affaire des "sondages de l'Élysée", qui révélait entre autres les larges dépenses consacrées aux sondages par la présidence. Les questions du rôle des sondages dans le processus de décision des gouvernants et de la nature de la relation entre ces derniers et les sondeurs ne datent pas de 2007. Elles ne sont pas spécifiquement françaises. Ainsi, R. Eisinger, dans "The Use of Surveys by Governments and Politicians" (2008) révélait qu'aux États-Unis, depuis l'élection de J. F. Kennedy, l'institut de sondage proche du candidat devient l'institut partenaire de la présidence, une fois ce dernier élu.
[...] Tout d'abord, les sondages permettent de mieux évaluer la perception que les gouvernés ont des décisions que souhaitent prendre (ou ont pris) les gouvernants, et ainsi permettre une « régulation » de la gouvernance. Dans La gouvernance de l'opinion publique (2003), G. Le Gall souligne que pour les gouvernants, les sondages d'opinion constituent un « résultat d'action, ( ) une mesure de l'effet de la politique suivie ». Il ajoute que ces derniers « contribuent à une régulation de la politique » et que les gouvernants peuvent alors « adapter, en fonction de l'état de l'opinion » leur programme politique. [...]
[...] Faut-il gouverner avec les sondages ? « Dans le monde d'aujourd'hui, nous agissons sous le regard informé et vigilant de l'opinion publique nationale et mondiale », disait Nicolas Sarkozy, le 28 février 2007, au cours de la campagne présidentielle. Quelques mois après débutait son quinquennat, marqué par l'affaire des « sondages de l'Élysée », qui révélait entre autres les larges dépenses consacrées aux sondages par la présidence. Les questions du rôle des sondages dans le processus de décision des gouvernants et de la nature de la relation entre ces derniers et les sondeurs ne datent pas de 2007. [...]
[...] Elles leur permettent d'affiner leur mise sur agenda et leur stratégie politique, notamment pour éviter le « blâme » des gouvernés-électeurs. Cependant, cela demeure une pratique critiquable, d'abord parce que la notion d'opinion publique présente des biais et parce qu'une influence trop importante des sondages sur le processus de décision politique pose des problèmes démocratiques fondamentaux. En somme, l'utilisation des sondages par les gouvernants est légitime si elle est utilisée comme une information à caractère démocratique pour répondre le plus efficacement possible aux attentes des gouvernés ; elle devient un problème quand elle emprisonne le gouvernant, qui laisse les sondages dicter sa politique, sans accorder de crédit à la force impérative du vote et du programme sur lequel celui-ci a été élu. [...]
[...] Ainsi, l'idée que les gouvernants puissent construire leur gouvernance autour d'un outil tel que les sondages au motif que ces derniers seraient une fidèle représentation de l'opinion publique pose problème, puisque les contours de cette notion sont flous et la prétention des sondages à mesurer l'« état de l'opinion » peut être nuancée, parce que les interrogés ne se sentent pas toujours concernés par les questions qu'on peut leur poser, ou peuvent mentir en y répondant. Par ailleurs, gouverner avec les sondages pose un problème quant à la nature du mandat que les gouvernants se voient confier. On peut considérer que l'utilisation et l'importance que les gouvernants accordent aux sondages d'opinion des gouvernés peuvent contrevenir à la nature du mandat que les premiers ont reçu des seconds. [...]
[...] Aussi, la gouvernance par les sondages remet en cause la force impérative du vote en période d'élection, les gouvernants étant élus sur un programme politique particulier, et non pas pour gouverner à coup de sondages une fois élus. Il est donc important que les gouvernants parviennent à se détacher des sondages, de gouverner selon le programme sur lequel ils ont été élus, et de ne pas accorder une importance excessive aux sondages, qui connaissent des biais intrinsèques et ne sont qu'une photographie de l'opinion à un moment donné. Pour conclure, la légitimité des sondages comme un outil de gouvernance pose question. [...]
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