Le sol au sens de pays, de territoire a une valeur affective pour les individus et les groupes. C'est un objet distinct d'identification spatiale. Cette constante des populations à se rattacher à leur sol natal n'est en aucun cas nouvelle. Déjà sous l'antiquité, la vision du sol était mystifiée. Rappelons-nous qu'à la prise de Carthage, on rasa la ville et déversa du sel sur le sol pour marquer l'éradication de cette puissance méditerranéenne.
L'identité spatiale est ainsi une réalité. Elle est souvent l'émanation des représentations, des images, des significations que donnent les groupes, les individus à leurs « sols », leurs « terres ». Cette identité est donc la plupart du temps construite par les populations qui occupent ces fameux « sols ».
D'ailleurs, Michel Lussault écrit dans son Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des sociétés que « c'est souvent au nom de l'identité spatiale que les individus et les groupes agissent, et en bien des occasions de façon polémique ». Il signifie par là que l'identification spatiale joue un rôle important aujourd'hui dans nos comportements politiques. Ainsi, explique-t-il ensuite, là où la rhétorique politique l'utilise fréquemment, le conservatisme et la protection d'une identité commune du sol, de la mystique de la « terre », prédominent.
Les exemples ne sont que trop nombreux pour confirmer cela. Il suffit de jeter un œil aux scores du FN, particulièrement accrochés à ce type d'argument, dans les régions attachées à leur sol pour voir que le sens du sol, du pays joue un rôle essentiel. Idem pour les indépendantistes corses ou basques.
La question serait donc plus de savoir si c'est le sol qui influence le comportement politique, ou plutôt la représentation que l'on s'en fait.
[...] A la question de savoir si le sol influence le comportement politique ou non, il nous faut donc répondre qu'il ne faut pas prendre le sol comme tellurique mais comme construction sociale. Ensuite, il est indispensable de dire, à l'instar de Montesquieu et André Siegfried que le comportement politique ne s'explique pas uniquement, loin de là, par le facteur sol mais par une intrication de facteurs influant sur l'esprit de chacun des individus et configurant des comportements politiques ne pouvant être généralistes. [...]
[...] Le sol, facteur tellurique ? Le sol tel quel est inextricable. L'on ne peut en aucun cas se faire une représentation objective de celui-ci, comme le démontrent les travaux de Fernand Braudel[3] ou Paul Vidal de la Blache[4]. Le sol est l'unique résultante d'intersubjectivités qui construisent le lieu et le mythe qu'il en ressort. Ainsi le comportement politique des différents acteurs de la société est influencé non pas par le sol en tant qu'objet minéral, végétal ou climatique mais en temps que représentation, en tant qu'histoire construite au cours du temps pas les comportements sociaux des différents individus et groupes y ayant résidé Le mythe du sol en politique Les politiques utilisent continuellement, sans que l'on s'en rende obligatoirement compte, la mystique du sol. [...]
[...] Et plus encore, pourquoi villes et banlieues proches, tout aussi urbanisées et peuplées ne votent-elles pas pareil? Le facteur tellurique est pourtant le même. Cartes des résultats des élections cantonales de 2008 La mystique du sol existe bel et bien en politique. Cette mystique est marquée par la dénaturation du sol et sa production sociale qui entraine un certain nombre de discours de sauvegarde du sol. Mais pour autant, le sol ne parait pas jouer un rôle compréhensible actuellement dans les comportements politiques des différents acteurs de la société. [...]
[...] La théorie de Siegfried est donc contrée par ces quelques contre- exemples. Cependant, il ne mise pas tout sur la géologie des sols, il souligne aussi nécessairement le rôle des structures sociales voire des classes sociales dans l'importance de la construction des comportements politiques des différentes populations. Siegfried tente le mariage entre la sociologie et la géographie pour expliquer les comportements électoraux, mais ce travail est extrêmement complexe. Ses travaux sont mis à l'écart chez les sociologues durkheimiens comme chez les géographes vidaliens. [...]
[...] Pourquoi entre deux villes comme Chambéry et Annecy existe-t-il une si forte différence de couleur politique? Ce sont pourtant deux villes riches, sans chômage, de même taille, de même sol au sens tellurique du terme, ainsi, pourquoi, Chambéry est si ancrée à gauche et Annecy à droite ? La réponse n'est pas dans le sol. Celui-ci est identique aux deux villes. Ce vote n'est pas aussi dû à la représentation du sol que l'on a. Les deux villes partagent un certain régionalisme autour de l'histoire savoyarde. [...]
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