Depuis quelques années, la référence aux experts est de plus en plus fréquente dans les débats politiques et les commentaires journalistiques. La multiplication des missions d'expertise et la visibilité toujours plus accrue des experts a provoqué leur émergence en tant qu'acteur de et dans l'espace public. Il convient donc d'examiner les rapports de l'expert et du pouvoir politique. Pour ceci nous devons préalablement déterminer ce qu'est un expert.
M. Restier-Melleray donne une définition de l'expert en cinq éléments : C'est un individu ou un groupe d'individus, qui ne tient pas de lui-même sa légitimité (mais qui est conférée par une instance d'autorité qui le mandate), choisi en fonction de la compétence qui lui est reconnue, dont le rôle est d'apporter des éléments permettant la formulation d'un jugement ou d'une décision et qui est extérieur ou indépendant de l'instance commanditaire.
Depuis les années 50, le rôle d'expert s'est vu étroitement lié à la décision publique notamment dans le cas de traitement de questions particulières présentant de nombreuses incertitudes (OGM, bioéthique). L'expertise publique s'est ainsi érigée en activité pré décisionnelle, oeuvrant en amont de l'arbitrage politique, ayant pour fin de produire un avis sur lequel le mandataire se fonde afin de légitimer ses choix. L'expertise entretient donc des rapports ambigus avec les politiques puisqu'elle semble détenir une influence toujours plus grande sur les décisions finales et est en même temps victime d'une triple déstabilisation basée sur la légitimité de l'expert et son indépendance, la relation connaissance-décision et la question des conflits d'expertise.
Nous allons donc nous demander si l'expert possède un pouvoir effectif d'influence dans les décisions publiques et s'il peut être ainsi intégré comme acteur dans le jeu politique.
Si l'action publique semble aujourd'hui largement déterminée par les avis et recommandations des experts menant à une expertise participante, nous verrons que les controverses autour des expertises tendent à affaiblir leur portée et à les réduire à une « illusion nécessaire » selon la formule de François Ewald.
[...] Elle est ainsi un moyen récurrent utilisé par l'Etat pour expérimenter, conditionnant la prise de décision. L'expertise participante ou d'incitation La deuxième forme d'expertise concerne la prise en compte de la nécessité de réformes d'urgence dans le cadre de la crise de l'Etat providence. L'expertise intervient dans ce cas, afin de définir et de mettre en œuvre certaines politiques et réformes voire à exprimer et formuler la demande même. La politique de la ville en France illustre cette participation des experts. [...]
[...] Il est incontestable que l'expert tient aujourd'hui un rôle prédominant dans le jeu politique. Son pouvoir d'influence en fait un interlocuteur privilégié de l'Etat et lui confère une place importante dans le processus décisionnel. Cependant, apparaissent des limites théoriques et pratiques à cette aspiration au pouvoir. La divergence des experts et leur dépendance relative à des groupes d'intérêt a conduit en partie à la remise en cause de leur légitimité. En outre, les critiques se font d'autant plus sévères que l'expertise semble être une des causes des maux de la société. [...]
[...] Si les experts semblent faire partie intégrante du pouvoir politique A. L'imbrication de l'expert et du politique En amont La demande d ‘expertise impliquant l'Etat répond aujourd'hui à deux schémas majeurs. L'expertise de décision L'intervention de l'expert peut être conçu comme un outil de gestion des situations normales : l'expert est utilisé afin d'observer là où le professionnel dépendant de l'Etat ne peut ou n'a pas le temps de voir. Il s ‘agit essentiellement de concevoir l'expertise comme une mesure d'accompagnement d'une politique publique ou de la production privée d'un service qui répond à une exigence de rationalité des activités bureaucratiques tout en restant peu visible. [...]
[...] La confiscation de l'expertise par le politique Chaque domaine donne lieu à une expertise pluraliste qui engendre de vives querelles entre les experts. Le cas de la politique énergétique en France semble être une exception. En effet, les contradictions entre les expertises amèneraient-elles les pouvoirs publics à changer de politique ? rien n'est moins sûr. Mais il est certain que les divergences auraient mis en lumière les prises de parti qui sur déterminent les analyses des experts. De ce fait, l'objectivité et la véracité de ces conclusions auraient été immédiatement remises en cause, ce que ne peuvent permettre les politiques. [...]
[...] Cependant, certaines affaires récentes ont montré les limites de l'expertise et tant qu'acteur du jeu politique. La controverse autour des médicaments anti-inflammatoires qui a mis en lumière la divergence possible des expertises et le procès à la suite de l'accident du tunnel du Mont –Blanc ont permis de poser de nouvelles questions sur leur rôle dans la décision publique notamment quant à leur indépendance et à l'absence possible d'effets politiques effectifs suivant une expertise juste. Dernièrement, l'affaire d'Outreau a renforcé la crise de l'expertise et sa critique. [...]
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