« L'homme est né libre et partout il est dans les fers. » Par cette célèbre citation, Rousseau dénonce l'état d'aliénation qu'introduit toute forme de pouvoir illégitime. Puis, en disant :« Les esclaves perdent tout dans leur fers, jusqu'au désir d'en sortir . », il semble vouloir dire que l'être humain qui est victime d'injustice au quotidien, l'intériorisera comme quelque chose de naturel, sans envisager, ni même espérer, l'avenir d'une situation meilleure. La Boétie va dans le même sens en pointant du doigt l'état de servitude dans lequel les hommes adhèrent volontairement. Cela illustre toute la complexité que les Hommes entretiennent dans leur relation avec l'injustice. En effet, certains vont la déceler, et la jugeant inacceptable, protesteront à son encontre. Tandis que d'autres, garderont dans leur for intérieur l'injustice et la souffrance qu'elle engendre, comme si elle était inéluctable. Cette situation est intolérable dans des sociétés occidentales qui se font défenseurs de valeurs telles que la démocratie et la promotion des droits de l'homme. Il apparaît alors indispensable que face à de tels phénomènes un soutient soit apporté.
[...] L'expérience de l'injustice est liée au mépris institutionnalisé des identités. L'argument général du livre est que l'expérience de l'injustice induit des dynamiques pratiques et cognitives de différentes natures, au sein d'un continuum défini par la polarité de deux directions opposées :lutte contre des situations injustes et critique de ces justifications d'une part, et l'adaptation à une situation et à la non- conscience de son injustice, d'autre part. L'injustice vécue et ressentie est différente de l'injustice subie et non ressentie comme telle, qui induit de la souffrance sociale et psychique. [...]
[...] Les émotions, les sentiments, les affections sont à réhabiliter dans une théorie de la justice qui refuse une orientation strictement rationaliste de la justice. La perspective de l'expérience de l'injustice dans ce qu'elle a de qualitatif en ayant comme vocation d'abolir l'injustice, de référentiel en prenant en compte des situations particulières et d'affectif en s'intéressant aux sentiments dans leur double dynamique, peut seule redonner sa dimension proprement politique à la théorie de la justice. La fin de l'ouvrage se conclut sur un appel à une participation plus large des usagers pour contrôler les processus décisionnels et les applications de ces décisions. [...]
[...] Elle permet donc à la philosophie de critiquer la politique. Il propose de doter la théorie de la reconnaissance d'un horizon social et économique, ce qui le conduit à considérer le déni de reconnaissance comme produit du fonctionnement même des institutions sociales, ainsi qu'à définir la souffrance psychique à partir de la souffrance sociale. Le concept de reconnaissance sert dans l'ouvrage d'opérateur fondamental, pour élaborer une redéfinition de la justice qui tienne compte de l'expérience de l'injustice. Il permet d'éviter l'écrasement du concept de justice sociale sur celui de justice distributive. [...]
[...] Cette reconnaissance, qui fournit la base de la dignité et de l'estime de soi, apparaît désormais indispensable à toute vie humaine. D'où le nouveau visage que prennent de nos jours de nombreux conflits :celui de luttes pour la reconnaissance. Sur la scène du travail et celle de l'exclusion notamment, la théorie de la reconnaissance permet de prendre en charge des problèmes sociaux et politiques fondamentaux. Constatons tout d'abord que différents débats politiques mettent aujourd'hui le thème de la reconnaissance en jeu : reconnaissance des génocides, de la participation de l'Etat français aux épisodes sombres de l'esclavage et de la colonisation, ou du couple homosexuel dans le cadre des débats concernant le Pacs, le mariage homosexuel et l'homoparentalité. [...]
[...] C'est l'enjeu de la théorie de justice comme de la théorie de la reconnaissance que de formuler ces formes d'injustice. Le cadre normatif socialement institué provenant des dominants, il ne peut correctement faire part des situations d'injustice que vivent les dominés et les démunis. Un divorce est donc opéré entre le langage politique et certaines expériences sociales politiquement décisives Il est nécessaire d'adapter le vocabulaire de la justice aux situations vécues, de manière à pouvoir les caractériser et les dénoncer. [...]
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