Identités individuelles, identités collectives, évolution, transformations des territoires, Europe, histoire contemporaine, redéfinitions des territoires, constructions identitaires, XIXe siècle, homogénéisation culturelle, dissolution des Empires, nations européennes
"Les identités nationales ne sont pas des faits de nature, mais des constructions", allègue Anne-Marie Thiesse dans "La création des identités nationales". Elles sont des émanations de mutations économiques et sociales et accompagnent toutes les transformations qui les suivront. Elles sont également élaborées par les États modernisateurs et des nationalismes. On cherche alors à enrichir un territoire donné de symboles, de particularités distinctes qui permettront aux individus de s'y reconnaître et s'y identifier. Néanmoins, c'est par l'affirmation pour le moins paradoxale, "Rien de plus international que la formation des identités nationales", qu'elle entamera son ouvrage, ouvrant la voie à une série de questionnements ; la singularité des identités nationales et les phénomènes aussi bien sociaux que politiques qui en découlent et les traversent, constituent à la fois racines et genèse des affrontements les plus meurtriers, et des débats les plus houleux.
L'identité, elle, n'est jamais "qu'un état de choses simplement relatif et flottant " (Weber, "Essais sur la théorie de la science"). L'identité est elle aussi un concept d'autant plus ambigu qu'elle marque la différence, tout autant qu'elle ne marque la ressemblance. De ce fait, différence et ressemblance s'octroient l'une l'autre un sens à la fois opposé et qui s'interpénètre. C'est cette transversalité ou malléabilité de la notion d'identité qui mène les individus à se questionner sur leur appartenance et leur identité, qui se construisant dans la durée à l'instar de définitions et redéfinitions des territoires et nations, se perd, se réaffirme et se reconstruit dans le temps.
[...] Les citoyens voient la nation s'effacer laissant place à un État-nation qui ne semble plus vraiment autonome, et au sein duquel les droits acquis à travers les compromis pour l'indépendance s'avèrent caducs. L'Europe, semble faire défaut aujourd'hui de tout ce qui rapporte à la nation : l'identité collective, l'attachement fort à un territoire commun (qui en soi, existe, mais qui est bien trop large pour être le foyer d'une solidarité assez solide), le partage idéal d'une fraternité. C'est donc sans trop de mal qu'une Europe unifiée se rejoint plus ou moins dans l'ambition d'éjecter un pays de son union, ou qu'un autre décide en quelques mois d'abandonner cette union qui préconise depuis tant de temps la solidarité au sein de son territoire. [...]
[...] Cette question soulève des doutes des individus vis-à-vis de leur identité et de sa correspondance au territoire auquel ils appartiennent. On observe en effet dans des pays anciennement colonisés une discohérence du fait des appartenances successives des individus à des ensembles différents (incohérences culturelles, linguistiques . Il est intéressant de remarquer combien de fois certains groupes ethniques situés en Amérique latine ou en Afrique ont pu changer de nationalité. Les populations construisent finalement des identités intermittentes et parallèles, entraînant une double identité, laquelle soit se résoudra par le refus d'une d'elles, soit laissera l'individu dans une sorte d'anomie identitaire. [...]
[...] Ainsi l'« identité devient très vite un thème majeur des débats menés sur la scène politique et des heurts idéologiques dans un bon nombre de sociétés contemporaines, dans le cadre des mutations territoriales qui traversent les siècles, ce qui nous mène à nous interroger sur l'évolution de la place des identités aussi bien individuelles que collectives à travers les transformations historiques et contemporaines des territoires. Afin d'apporter une réponse à cette interrogation, nous nous pencherons tout d'abord sur les constructions identitaires au cours du XIXe siècle, avant de faire part de la question de l'homogénéisation culturelle, puis de ses effets paradoxaux. [...]
[...] Comme souligné par Renan, les nations semblent se former en même temps que la construction d'une identité collective qui se réunit autour d'éléments exogènes à la configuration du sol (Ernest Renan, Qu'est-ce qu'une nation Un espace économique physique n'implique ipso facto qu'un sentiment d'identité partagée parmi les individus qui y prennent part. D'où la nécessité de leur accorder le sentiment d'appartenance. Lors de la Révolution française, la façon d'appréhender l'individu est bouleversée par une nouvelle organisation. En effet, la relation entre les individus évolue, donc la relation État-individu suit. [...]
[...] Ainsi, même si on devait admettre que la mondialisation serait encore à un stade trop superficiel pour engendrer un aplatissement des identités nationales, comment expliquer un essor de revendications identitaires ? Tocqueville met l'accent sur le développement d'une civilisation mondiale. La transmission des modes de vie est stimulée par la démocratie préconisant l'égalité des conditions entre les individus qui y prennent part. Il observe ainsi un mouvement inverse à la tendance moyenâgeuse ; Les peuples semblent marcher vers l'unité Ainsi, aujourd'hui l'insurrection des identités vient du fait que Lorsque les conditions diffèrent peu, les moindres avantages ont de l'importance (Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique.) Chaque individu inséré dans cette organisation globalement homogénéisée cherche à se distinguer parmi ses nouveaux semblables ; il fait preuve d'orgueil et s'attache de pied ferme aux particularités les plus infimes que lui octroie son appartenance nationale et les défend opiniâtrement. [...]
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