La République de Turquie, créée à la suite du démembrement de l'Empire ottoman considérablement affaibli par la Première Guerre mondiale, tente de se rapprocher concrètement des pays ouest-européens depuis le début des années 1950. À cette époque, un projet de modernisation de la société, modelé par la volonté du général Mustapha Kémal, a été mis en œuvre pour construire le nouvel État de Turquie. Après la proclamation de la République en 1923, le chef réformateur, alors surnommé Atatürk ou « Pères des Turcs », a institué les principales mesures de séparation de la religion et de l'État, mesures qui devaient « amarrer son pays à la modernité européenne » . Héritière de l'idéologie kémaliste, l'armée turque a toujours veillé scrupuleusement au respect de la Constitution laïque et de la République . En dépit des interventions militaires et de plusieurs décennies de laïcité, l'islam n'a cessé néanmoins de revenir dans le champ visible de la société civile et politique. Issu de l'ancien parti islamiste Refah, le Parti de la justice et du développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan a fait une entrée fracassante sur la scène politique nationale, après sa victoire aux élections législatives de 2002. Le nouveau parti a remodelé le paysage politique turc en évinçant seize des dix-huit partis en lice pour les législatives, dont les trois membres de la coalition sortante dirigée par Bülent Ecevit . Cependant, la victoire d'un parti issu de la mouvance islamiste pose de nombreuses questions aux observateurs étrangers et au camp laïque de Turquie, notamment sur l'identité de l'AKP et ses véritables ambitions politiques. Ce travail étudie l'évolution du principe de laïcité en Turquie et du parti « islamo-démocrate » AKP, ceci en vue de répondre à la question qui se dégage à savoir, dans quelles mesures l'avènement de l'AKP pourrait-il menacer la laïcité ou, au contraire, consolider les fondements démocratiques de la Turquie ? Il est ici possible d'émettre l'hypothèse selon laquelle; au regard des évolutions de l'AKP, le parti islamiste turc démocratiquement élu, s'impose comme la force conservatrice, démocrate et réformatrice de la République de Turquie depuis 2002. La première partie de ce travail se consacrera à l'évolution de la laïcité et au retour de l'islam politique en Turquie. Une deuxième partie analysera l'avènement du parti islamiste AKP sur la scène politique turque. Nous nous intéresserons à l'histoire et à la nature du parti, ainsi qu'à son leader Recep Tayyip Erdogan. La troisième partie, malgré le manque de recul historique, tentera de rappeler les raisons de la réélection de l'AKP et la contestation de l'opposition laïque précédant la victoire législative de 2007. Finalement, on s'interrogera sur la capacité de la Turquie à s'imposer comme un rempart contre l'islamisme, dans le cas d'une éventuelle intégration à l'Union européenne.
[...] Les normes et valeurs empruntées aux pays européens ont servi à laïciser et rationaliser le droit, un calendrier grégorien a été instauré, la langue restructurée, l'alphabet latinisé, la religion musulmane a été turquisée et placée sous le contrôle de l'État. L'islam des confréries était considéré comme une entreprise réactionnaire contraire à la laïcité et au progrès, mais aussi, de par sa diversité, comme une menace pour l'unité nationale[12]. Comme le précise Ernest Gellner, la laïcité turque est une laïcité didactique En voulant imposer un mode de vie occidental laïcisé, elle se présente comme un principe moraliste et pédagogique. [...]
[...] ANONYME, En Turquie, le parti islamique triomphe aux élections législatives Le Monde novembre 2002, p.2 Fondé par Mustafa Kemal Atatürk en 1923, le CHP (Cumhuriyet Halk Partisi) est un parti politique turc de type social-démocrate et laïque. L'AKP, fondé le 14 août 2001, est un parti politique turc de type religieux et conservateur qui s'inspire de la Sharia islamique. ANONYME, En Turquie, le parti islamique triomphe aux élections législatives Loc.cit. Éric, BIEGALA, Les islamistes écartés de la course électorale Le Figaro septembre 2002, p.4 Nicole, POPE, En Turquie, Recep Tayyip Erdogan est nommé premier ministre Le Monde mars 2003, p.3 ANONYME, Islamiste, démocrate, conservateur, comment qualifier l'AKP ? [...]
[...] Il est ici possible d'émettre l'hypothèse selon laquelle; au regard des évolutions de l'AKP, le parti islamiste turc démocratiquement élu, s'impose comme la force conservatrice, démocrate et réformatrice de la République de Turquie depuis 2002. La première partie de ce travail se consacrera à l'évolution de la laïcité et au retour de l'islam politique en Turquie. Une deuxième partie analysera l'avènement du parti islamiste AKP sur la scène politique turque. Nous nous intéresserons à l'histoire et à la nature du parti, ainsi qu'à son leader Recep Tayyip Erdogan. [...]
[...] À ce sujet, il est aussi intéressant de rappeler les propos d'Eyüp Fatsa, député de l'AKP à l'occasion du congrès refondateur en 2003 : Nous sommes sincèrement occupés à établir une vraie démocratie en Turquie. La religion doit rester un choix personnel et en aucun cas une obligation [ Aujourd'hui, notre priorité, c'est de rejoindre l'Europe en démocratisant la Turquie Murat Belge, apporte son appui en précisant que l'AKP ne représente plus un danger d'islamisation pour la Turquie, il affirme que nous vivons la dernière étape d'un mouvement de domestication de l'islam politique»[45]. [...]
[...] LELANDAIS, Gülçin Erdi, L'énigme de l'AKP : regards de la crise politique en Turquie Politique étrangère 2007/3, Automne, pp.547-560. MARCOU, Jean, La laïcité en Turquie, une vieille idée moderne Confluences Méditerranée, printemps 2000, p. ? MARCOU, Jean, Islamisme et post-islamisme en Turquie Revue internationale de politique comparée, volume pp. 587-609 NEZAN, Kendal, La Turquie, plaque tournante du trafic de drogue Le Monde diplomatique, juillet 1998, p.13 OBERLE, Thierry, Les islamistes réélus triomphalement à Ankara Le Figaro juillet 2007, p.3 PERONCEL HUGOZ, Jean-Pierre, Il y a cinquante ans la disparition de Mustapha Kémal, le père des Turcs Le Monde novembre 1988, p.2 PÉROUSE, J.F, La Turquie en marche : les grandes mutations depuis 1980, Paris, La Matinière p.196 POPE, Nicole, En Turquie, Recep Tayyip Erdogan est nommé premier ministre Le Monde mars 2003, p.3 ROULEAU, Éric, Ce pouvoir si pesant des militaires turcs Le Monde diplomatique, septembre 2000, p.8 et 9 VANER, Sémith, Une année-test pour la Turquie Études, Tome p. [...]
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