La laïcité est un concept politique, instaurée par une décision des peuples, chacun à un moment précis de son histoire. Bien que ce ne soit pas systématique, elle est souvent une étape chronologique, un stade nécessaire à franchir mais en constante évolution.
Il s'agit de bien comprendre ce statut : elle n'est pas protégée par le droit international, étant une conception subjective propre à chaque pays, de la séparation stricte ou non des religions et de l'Etat, du degré d'implication de ce dernier dans la vie matérielle des religions, etc.…
Elle implique une tentative d'application pratique d'un universalisme concernant les comportements religieux dans la sphère publique. Il s'agit de discerner quel universalisme est le plus approprié à chaque période, compte tenu du contexte social, économique, culturel… afin de pouvoir en tirer les conséquences pratiques de réglementation incombant à l'Etat.
La laïcité est ainsi manifestement au cœur des débats concomitants entre individualisme et holisme, mondialisation et atomisation, universalisme et différencialisme, car elle mène dans la praxis à un des points d'achoppements et enjeux les plus décisifs quant à la liberté démocratique.
C'est justement dans son aspect pratique que nous considérons la laïcité, après l'avoir resituée dans le débat contemporain et précisé sa nature nécessairement adaptable. La laïcité telle que l'Etat doit faire en sorte de la maintenir, nécessite de sa part une réglementation afin qu'effectivement la liberté de conscience soit assurée, dans les limites de l'égalité entre tous. Or, cette réglementation, depuis l'origine et ses premières mises en place que nous verrons, évolue, voire même remet en cause les principes originels.
Cela est-il une dénaturation de la laïcité ? Nous connaissons l'importance de ce stade conceptuel qu'elle représente, mais savons également qu'elle est vouée à se plier aux exigences du réel.
Que devons-nous faire en sorte de conserver dans cet héritage, et quelle en est la part vouée à une évolution qui ferait partie de la nature même du concept ? Dans quelle mesure peut-on alors parler de dénaturation ?
Laïcisme exacerbé, ingérence du public dans des charges et des décisions qui incombent à la sphère privée, communautarisme dû à des excès de relativisme ; on est forcé de constater les dérives auxquelles la laïcité doit faire face au fil de l'histoire.
[...] Cette théorie de l'établissement du fondement des valeurs communes, bien que controversée, permettra alors à un État instigateur d'une laïcité bien comprise, de remplir son rôle de promulgation de la liberté dans la tolérance, et de répondre aux défis du pluralisme culturel. Conclusion Nous avons ainsi vu en quoi depuis l'origine, le droit des cultes et la réglementation des comportements ont connu une évolution progressive. Évolutions législatives et d'application, conceptuelles et de connotation . On a pu s'inquiéter de ces changements graduels, quand on a constaté nombre de difficultés pratiques auxquelles leur concrétisation menait. [...]
[...] Nous avons décrit les travers dans lesquels l'État laïc a tôt fait de tomber : excès ou défaut d'engagement de sa part conduisent également à des contradictions. Laïcisme, républicanisme, ingérence, ethnocentrisme, communautarisme ; malgré les nombreux écueils qui la guettent, elle se doit d'un cheminement difficile entre le Charbyde des engagements particularistes et le Scylla d'une justice citoyenne abstraite. Les engagements particularistes sont issus du contexte multiculturaliste qui caractérise nos sociétés depuis la fin de la Guerre Froide, quant à la justice citoyenne abstraite et universelle, elle est le fondement de nos États-nations républicains, de l'égalité des conditions des individus qui les composent. [...]
[...] La constitution de 1946 confirme le principe de neutralité et de laïcité. En 1958, l'art de la constitution dit : la France est une république laique. Elle assure l'égalité devant la loi, de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Les étapes de la laïcisation de l'enseignement : 1793 : liberté pour tout citoyen habilité, d'ouvrir une école 1806 : nul ne peut ouvrir d'école et enseigner publiquement sans être membre de l'Université 1814 : critique par les libéraux de la pénétration de l'Université par les catholiques 1830 : écoles privées et publiques coexistent 1833 : loi Guizot : liberté de l'enseignement primaire 1850 : Loi Falloux : liberté de l'enseignement secondaire 1875 : liberté de l'enseignement supérieur, monopole de la collation des grades par l'État IIIe République : les Lois Ferry : 1880 : nécessité pour les congrégations d'obtenir une autorisation ; 1881 : gratuité de l'enseignement primaire ; 1882 : substitution de la morale civique à la morale religieuse ; 1886 : laïcisation du personnel enseignant dans le primaire (interdiction à tout congréganiste d'enseigner dans les écoles primaires publiques) Depuis 1945 : l'État se réserve le droit de surveiller les écoles libres 1959 : Loi Debré : subvention de certains établissements à des conditions définies Conseil d'Etat, avis du 27 novembre 1989 : Dans les établissements scolaires, le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n'est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité, dans la mesure où il constitue la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses, mais que cette liberté ne saurait permettre aux élèves d'arborer des signes d'appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions par lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève ou d'autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient l'ordre dans l‘établissement ou le fonctionnement normal du service public. [...]
[...] Ce qui pose véritablement problème est l'interprétation du droit à la différence et sa tension entre liberté et égalité. : la loi sur le voile du 15 mars 2004 en est l'illustration parfaite et récente. Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit dit maintenant la législation. En effet, les garanties données à tel ou tel groupe quand ne suffisaient pas celles des Droits de l'Homme pour donner à leurs membres les conditions de possibilité de la citoyenneté, ces garanties constituent les ambiguïtés du droit à la différence Certains ont pu vivre cette loi sur le voile de 2004 comme un véritable pas en arrière sur des acquis de reconnaissance de la diversité, comme une menace de transformation de la laïcité en républicanisme ; d'autres l'ont défendue, car elle représentait un cran d'arrêt à la désintégration nationale.[9] Trop mince, trop tolérante et trop formelle, est-ce la faiblesse de notre morale laïque qui veut à tout prix garantir le droit à la différence ? [...]
[...] Raymond Aron, L'opium des intellectuels, Paris, Hachette Ce contre quoi s'insurge Yael Tamir, Ancienne Ministre israélienne de l'Intégration (1999-2001), professeur de philosophie à l'Université de Tel- Aviv : Personne ne devrait être forcé de limiter l'expression de son identité particulière à sa vie privée Un débat sur la laïcité, Paris, Ed. Stock article paru dans une tribune libre de l'Humanité du 4 mai 2007 Dictionnaire de l'Académie française, 8e édition, 1932-1935. cf. Barbier M., La laïcité, Paris, l'Harmattan p 215-216 : problème de la représentativité des musulmans Un débat sur la laïcité, Paris, Ed. Stock p 18 HAARSCHER G., La laïcité, Paris, PUF, coll. [...]
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