Les auteurs de la Constitution de 1958 n'imaginaient pas lorsqu'ils ont créé le Conseil Constitutionnel la place que celui-ci prendrait dans nos institutions et les effets que son existence aurait sur l'application des normes constitutionnelles.
Il n'était pas dans les intentions des constituants, comme en attestent les travaux préparatoires, d'instaurer un système juridictionnel de contrôle de la constitutionnalité des lois. L'ambition était plus limitée. La mission essentielle du Conseil Constitutionnel était de faire respecter par le Parlement la délimitation du domaine de la loi mise en place par l'art.34 et d'empêcher, d'une manière générale, que le Parlement n'en revienne aux attitudes du passé dans ses rapports avec le gouvernement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les lois organiques et réglementaires des assemblées sont soumises obligatoirement au contrôle du Conseil Constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel est un organe créé par la Constitution du 4 octobre 1958. Du fait de l'autorité dont sont revêtues ses décisions et de l'indépendance dont il fait preuve, le Conseil s'est progressivement imposé comme le garant des libertés publiques et du fonctionnement régulier des institutions.
Alors que le contrôle de la constitutionnalité des lois s'est affirmé rapidement aux États-Unis, en raison de l'autorité acquise par la jurisprudence de la Cour suprême, la tradition politique et juridique française s'est longtemps opposée à tout mécanisme susceptible de censurer la loi. En effet, la tradition politique issue de la Révolution française, fortement influencée par Rousseau, conférait à la loi un caractère presque sacré. Émanation de la volonté générale, elle apparaissait en pratique comme incontestable et vertueuse.
De plus, la pratique institutionnelle française a discrédité l'idée du contrôle de constitutionnalité, dans la mesure où toutes les tentatives faites en ce sens ont eu toujours pour ambition de limiter l'influence de la représentation nationale. C'était clairement l'intention de Sieyès, l'un des rédacteurs de la Constitution de l'an VIII (décembre 1799), qui confiait au Sénat le contrôle de la constitutionnalité des lois, disposition reprise par la Constitution du 14 janvier 1852. Ces deux expériences ont discrédité le principe d'un contrôle émanant de l'intérieur même du système institutionnel, car il semblait toujours motivé par le désir d'entraver l'action du législateur en fragmentant la procédure d'élaboration de la loi.
C'est avec la Constitution de la IVe République (27 octobre 1946) que s'est dessinée une première ébauche, encore timide, d'un contrôle de la loi par un organe créé spécialement pour l'accomplissement de cette mission, le Comité constitutionnel. L'existence de ce Comité a été finalement pérennisée lors du changement de régime qui a accompagné l'accession au pouvoir du général de Gaulle, la nouvelle Constitution du 4 octobre 1958 consacrant son Titre VII (articles 56 à 63) à cette institution. La création du Conseil constitutionnel en France est considérée par certains auteurs comme un élément de rupture dans la tradition française, la subordination de la loi à la Constitution, longtemps purement théorique, faisant l'objet pour la première fois d'une mise en pratique effective à travers une institution.
L'intérêt du sujet est d'autant plus intéressant qu'il permet d'analyser la nature ambiguë qui caractérise le Conseil Constitutionnel. Durant des longues années, la doctrine s'est interrogée sur le point de savoir si, en raison de sa composition et de son mode de fonctionnement, le Conseil constitutionnel devait être regardé comme un organe politique ou comme un organe juridictionnel. Plaide en faveur du caractère juridictionnel le fait que le Conseil constitutionnel tranche sur la base du droit avec autorité de la chose jugée des différends. Fait preuve du caractère politique le mode de nomination des juges et l'absence d'une procédure contradictoire.
Quelle est la légitimité du Conseil Constitutionnel ? Quelle est sa place parmi d'autres institutions politiques ? Comment le rôle de cet organe s'est-il transformé tout au long de la Ve République ? Forme-t-il un véritable troisième pouvoir ?
Il s'agira donc de montrer dans un premier temps que le Conseil Constitutionnel était perçu au début de son fonctionnement comme un organe plutôt contesté (1) pour comprendre, dans un second temps, comment cette institution, grâce à son évolution, a réussi de se légitimer (2).
[...] Après l'extension des normes pendant son contrôle de constitutionnalité aux droits et libertés du Préambule, le Conseil Constitutionnel est suspecté d'être un gouvernement des juges. Le chien du garde de l'exécutif Le Conseil a été créé par les constituants pour contenir l'action du législateur dans les bornes délimités à l'art.34 de la Constitution et de protéger ainsi les compétences du pouvoir réglementaire. A deux occasions la protection de l'exécutif change de nature et confie à la soumission du Conseil. Tout d'abord, appelé à donner son avis sur le déclenchement de l'art.16 accordant les pleins pouvoirs au Président après le putsch des généraux à Alger, le Conseil Constitutionnel reprend mot par mot les justifications avancées par le Président de Gaulle et justifie ainsi son initiative (avis du 23 avril 1961). [...]
[...] La mission essentielle du Conseil Constitutionnel était de faire respecter par le Parlement la délimitation du domaine de la loi mise en place par l'art.34 et d'empêcher, d'une manière générale, que le Parlement n'en revienne aux attitudes du passé dans ses rapports avec le gouvernement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les lois organiques et réglementaires des assemblées sont soumises obligatoirement au contrôle du Conseil Constitutionnel. Le Conseil constitutionnel est un organe créé par la Constitution du 4 octobre 1958. [...]
[...] Celle-ci le contraint à justifier les nouveaux droits, libertés et principes produits en les rattachant à des dispositions constitutionnelles écrites. La référence à des textes est devenue le gage suprême de ses décisions, ex : l'énonciation du principe de dignité de la personne humaine a été rattachée au premier alinéa du Préambule de la Constitution (1994) ; la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent a été soutenue par une référence au principe de dignité aux alinéas 10 et 11 du Préambule de 1946 (1995) ; l'objectif de l'accessibilité de l'intelligibilité de la loi a été présenté comme la résultante de la combinaison des articles et 16 de la Déclaration de droits de l'homme de 1789 (1999). [...]
[...] Le Conseil Constitutionnel une institution légitimée Tout au long des années 1980 et 90, le Conseil Constitutionnel essaie de contenir les accusations qui sont portées en développant deux images légitimant son contrôle : celle du juge de défenseur des droits et des libertés, ainsi du juge non maître des sources du droit constitutionnel, mais qui surveille la Constitution. Le défenseur des droits et des libertés L'image du surveillant ou du protecteur des droits et libertés s'est développée après la décision du 16 juillet 1971 déclarant l'inconstitutionnalité pour violation du principe de la liberté d'association des dispositions législatives qui soumettaient la formation des associations à une procédure d'autorisation administrative préalable. Depuis, le Conseil Constitutionnel multiplie les références aux droits et libertés du Préambule pour apprécier la constitutionnalité des normes soumises à son contrôle. [...]
[...] Émanation de la volonté générale, elle apparaissait en pratique comme incontestable et vertueuse. De plus, la pratique institutionnelle française a discrédité l'idée du contrôle de constitutionnalité, dans la mesure où toutes les tentatives faites en ce sens ont eu toujours pour ambition de limiter l'influence de la représentation nationale. C'était clairement l'intention de Sieyès, l'un des rédacteurs de la Constitution de l'an VIII (décembre 1799), qui confiait au Sénat le contrôle de la constitutionnalité des lois, disposition reprise par la Constitution du 14 janvier 1852. [...]
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