Il y a un mois environ, des forces spéciales colombiennes ont franchi la frontière séparant leur pays de l'Equateur pour éliminer Raul Reyes, numéro deux des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie, qui s'était alors réfugié à l'intérieur du territoire équatorien. La crise diplomatique qui s'en est ensuivie a – d'une certaine manière – mis aux prises deux théories opposées. La première, la plus classique, fut défendue par le président équatorien Rafael Correa et mettait en avant l'indéniable violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de son pays. A l'opposé, Alvaro Uribe arguait que l'Equateur ne pouvait accueillir sur son territoire les membres d'une organisation considérée comme terroriste par l'Union Européenne, les Etats-Unis et en guerre ouverte avec Bogota.
Cet incident montre bien les défis auxquels doit faire face l'Etat souverain, figure héritée de l'âge classique européen et du traité de Westphalie : face à des menaces qui sont globales et transnationales, comment la souveraineté de l'Etat doit-elle s'exercer ? La forme étatique demeure-t-elle malgré tout la plus pertinente : est-ce que la mondialisation ne renforce pas la nécessité d'une gouvernance efficace que seul l'Etat-nation saurait garantir ? Ou bien au contraire, faut-il admettre que la société mondiale est aujourd'hui suffisamment développée et organisée pour rendre le gouvernement étatique superflu ?
Sans se lancer dans une analyse de science politique qui viserait à comprendre d'où procède la souveraineté de l'Etat, il s'agit plutôt de mettre en avant son évolution moderne afin de mettre en évidence que l'Etat ne possède qu'une liberté relativement restreinte pour agir chez lui, même s'il faut reconnaître les différences politiques entre les niveaux d'intégration des différents Etats.
[...] Le développement d'une société internationale démocratique va justifier les interventions au nom de la collectivité et de ses valeurs. La nouvelle révolution technologique des techniques de communication, l'expansion du tissu associatif mondialisé participe aussi de l'apparition d'une opinion publique mondiale informée de tout ce qui se passe dans le monde : les Etats n'ont alors guère d'autre choix, lorsqu'ils sont soumis à une pression de la communauté internationale, que de se soumettre. L'action d'un Etat sur son propre territoire est alors dans une certaine mesure conditionnée à ses répercussions sur la scène internationale : les violences à l'égard des moines dont s'est rendu coupable le régime militaire cambodgien ont conduit à son éviction du jeu international, tout comme l'apartheid sud-africain avait mené au boycott de cet Etat souverain. [...]
[...] Aujourd'hui, l'invocation de la souveraineté de l'Etat contre les ingérences est le fait de pays du Sud et fait partie du discours politique dénonçant l'hégémonie de l'Occident. Déjà, la doctrine Calvo du nom d'un juriste argentin des années 1920 fut employée pour prévenir tout usage de la protection diplomatique par les Etats industriels Au-delà de l'interdépendance matérielle induite par la mondialisation, une interdépendance morale s'articule donc autour des droits de l'homme. L'imbrication, l'interdépendance croissante des Etats souligne l'existence d'enjeux et de problèmes communs à l'humanité toute entière : l'Antarctique, l'espace, le réchauffement climatique sont autant de sujets qui appellent une gestion au niveau global en partenariat avec le niveau local : mais l'échelon étatique apparaît de moins en moins pertinent, et les acteurs se constituent en communautés de responsabilités. [...]
[...] Traditionnellement, nous l'avons bien vu dans la présentation précédente, la souveraineté est définie par Bodin comme une puissance ultime et perpétuelle qui constituerait en réalité le fondement même de la République : selon cette définition pure, est souverain celui qui n'est soumis à aucun pouvoir vertical, qui décide de manière parfaitement autonome. Cette souveraineté est par conséquent l'attribut exclusif de l'Etat et constitue la clef de voûte de son organisation politique et administrative. Pour reprendre les travaux de Max Weber sur l'Etat souverain, nous pouvons le faire reposer sur quatre principes fondamentaux : 1. Principe de souveraineté : l'Etat possède le monopole de l'usage de la force légitime, qui est placée entre les mains des agents de l'Etat 2. [...]
[...] Un contrôle de conformité de la loi aux conventions est assuré par le juge, qui limite alors la souveraineté de l'Etat au regard des obligations contractées. La Cour Internationale de Justice à la condition qu'elle soit saisie par les deux parties n'hésite pas non plus à condamner la violation du droit international par la pratique de l'un des Etats membres des Nations Unies sur son propre territoire : ainsi, l'attaque de l'ambassade américaine à Téhéran et la prise d'otages qui y fait suite est condamnée en 1979 comme violation de toutes les obligations envers les missions diplomatiques étrangères. [...]
[...] En 1991, un département des affaires humanitaires est créé à l'ONU sous l'autorité du Secrétaire-Général. Le jus cogens ou droit impératif sont affirmés par l'article 53 de la Convention de Vienne et dans la jurisprudence de la CIJ : il existe des actes qui échappent à toute considération de souveraineté et pour lesquels tous les Etats ont compétence, comme la torture, les génocides, les actes de piraterie La Chambre des Lords a ainsi refusé à Pinochet toute immunité souveraine réservée aux chefs d'Etat et des mandats d'arrêt internationaux ont été délivrés contre lui. [...]
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