On peut entendre par société tout ensemble d'individus regroupés sur un même territoire et rassemblés par les différents types d'échanges et de liens (linguistiques, économiques, culturels, religieux …) que la vie en commun tisse entre eux ; c'est ce que Hegel appelait la « société civile ». Pris en son sens politique, l'Etat (alors écrit avec une majuscule) désigne une instance de pouvoir (le souverain) qui s'exerce sur la société elle-même à travers un ensemble d'institutions politiques, juridiques, judiciaires, économiques, administratives, militaires … Le rapport de l'Etat à la société (civile) est donc un rapport de pouvoir.
C'est donc d'abord la nécessité de l'État et l'étendue de ses pouvoirs qui sont en question dans toute réflexion politique. Mais cette question en présuppose une autre, plus fondamentale : qu'est-ce qui fait du pouvoir souverain incarné par l'État non pas une simple force qui s'exerce de fait, mais une autorité légitime qui s'exerce de droit. Car, ainsi que le souligne Rousseau, « la force ne fait pas droit et (...) on n'est obligé d'obéir qu'aux puissances légitimes » (Contrat social, I, 3).
Qu'est-ce qui confère alors à l'État et à ses pouvoirs le statut de « puissance légitime » qui en fait ce qu'on appelle aujourd'hui un État de droit ? L'on comprendra aisément que c'est la liberté des hommes qui est ici en jeu : pour être légitime, tout pouvoir ne doit-il pas s'exercer dans le respect de la liberté de ceux qui lui obéissent, de sorte que cette obéissance ne soit pas soumission ou assujettissement ? Mais dès lors que l'État exerce son autorité souveraine sur la totalité du groupe social, son pouvoir ne se présente-t-il pas, vis-à-vis des individus et de leurs libertés, comme totalitaire ? Le totalitarisme est-il alors une perversion de l'État ou bien est-il contenu dans son essence même ? À quelles conditions un État peut-il ne pas être totalitaire ? Telle est la question à laquelle les analyses qui suivent vont tenter de répondre.
[...] par exemple la dictature chilienne sous Pinochet). [Fondé sur la libre concurrence, sur l'absence de règlementations économiques et sociales contraignantes, sur un État réduit à ses seules fonctions régaliennes ou d'arbitre du marché, le libéralisme ne peut manquer de renvoyer au tableau de Hobbes présentant l'état de nature comme un état de guerre de tous contre tous. Le spectacle qu'offre l'économie politique libérale n'est donc pas sans faire penser à ce que certaines théories politiques avaient conçu comme un "état de nature", état invivable hors duquel, précisément, l'organisation politique de la société en État avait pour but de faire sortir l'humanité.] Au terme de ces analyses, il semble donc possible d'affirmer la nécessité de l'État comme seul garant de l'équilibre et de l'harmonie des sociétés. [...]
[...] Pour pouvoir remplir sa fonction, la puissance de l'État doit être sans limites. Car si une autre puissance la limitait, la puissance de l'État risquerait de n'être plus suffisante pour assurer l'ordre public et la paix sociale sans cesse menacés par les passions des hommes par nature insociables. Limiter le pouvoir de l'État, pense Hobbes, c'est prendre le risque de revenir à l'état de nature et à l'insécurité qui y règne en permanence, et lorsque la paix et la sécurité ne sont pas assurées, aucune liberté ne peut exister. [...]
[...] L'essentiel de l'éducation est plutôt de faire accéder l'homme à son humanité. Son contenu est ce que l'on appelait autrefois les Humanités lesquelles, nous le rappelle Alain, ne peuvent être que classiques : "il n'y a pas d'humanité moderne, car la modernité coupée du passé n'est rien". C'est cette tâche d'enseigner l'Humanité à l'humanité que la philosophie, pour la part qui lui revient, s'efforce de prendre en charge : s'assignant pour tâche de former des hommes, elle contribue à en faire aussi, et comme par surcroît, des citoyens. [...]
[...] Par l'obéissance, si j'y consens, je respecte l'ordre, qui est nécessaire ; mais par le mépris, la liberté est sauvée. Un mépris obéissant est roi déclare Alain. Mais ce mépris est difficile, car on ne sait pas obéir sans approuver. On n'a pas ce courage dont parlait Jaurès de "ne pas faire écho de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques". Cette faiblesse des citoyens fait la force des tyrans et l'on comprend que la démocratie soit toujours perdue pour les citoyens qui acceptent de "bêler selon le ton et la mesure". [...]
[...] Reste cependant à déterminer la portée exacte de la critique marxiste de l'État. Cette critique vaut-elle, en effet, pour tout État possible et pensable ou seulement pour telle forme effective d'État, en l'occurrence l'État bourgeois capitaliste tel qu'il est apparu dans les grandes nations européennes au moment de la première révolution industrielle ? La réponse à la question nous engage à rechercher à quelles conditions un État peut se révéler capable, par sa forme d'organisation et de fonctionnement, d'exercer son pouvoir au nom d'un bien commun dans le respect des droits et des libertés individuelles. [...]
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