Le début du XXe siècle a été le théâtre de la métamorphose de l'Etat-gendarme en État-providence. Abandonnant le dogme du libéralisme économique, de grands auteurs de doctrine ont systématisé dans des théories nouvelles ce renouveau de l'État. Léon Duguit (1859-1928), doyen de la faculté de Bordeaux s'érige en fer de lance d'un mouvement de démystification de l'État. Grâce au décret du 24 juillet 1889 introduisant l'enseignement du droit constitutionnel en licence, Duguit se spécialise en droit public. Dès lors, il axe son œuvre sur l'élaboration d'une pensée qui formera par la suite l'école du service public.
Les opposants de Duguit l'ont « accusé » de soutenir notamment les mouvements anarchiste, marxiste ou encore syndicaliste. Néanmoins, il centre plus son analyse sur la question de l'organisation de la société que sur le phénomène de lutte des classes. Ce qui marque le plus la vision duguiste de l'Etat, c'est son goût prononcé pour le positivisme sociologique. Il adhère aux thèses de Durkheim et de Comte car le réalisme sociologique épouse une rigueur scientifique nécessaire, pour lui, au domaine juridique.
Duguit va donc chercher des moyens de limiter la puissance de l'Etat et des arguments expliquant le fondement même de l'Etat. Il s'agit dès lors de savoir comment Léon Duguit entend l'Etat à travers le prisme du droit et de la sociologie.
[...] L'usage du pouvoir est en direction de l'intérêt social d'où une légitimation du pouvoir. Cependant, pour Duguit : Le pouvoir politique, quelle que soit sa forme, n'est jamais légitime par son origine. Monarchie, aristocratie, démocratie, royauté, république, ces différentes formes du pouvoir politique ne sont que le produit de l'évolution et n'ont pas plus l'une que l'autre, en elles-mêmes, le caractère d'un gouvernement légitime L'Etat, le droit objectif et la loi positive. Ce n'est donc que par l'orientation de pouvoir vers l'intérêt social que ce dernier est légitimé. [...]
[...] C'est la rationalité objective. D'ailleurs, Eisenmann souligne que Duguit incite les juges à ne pas appliquer la loi positive qui ne serait pas conforme au droit. Le droit positif, en tant qu'ensemble de règles juridiques d'un Etat à un moment donné, n'est pas autonome dans la théorie duguiste. Le droit positif dépend du droit objectif, il s'adapte aux faits sociaux. Selon Comte, les faits sociaux tendent spontanément vers un ordre. L'ordre n'est pas induit par le droit mais par les faits sociaux. [...]
[...] L'interdépendance sociale est un substrat social constitué des individus et des gouvernants. Pour Duguit, l'individuel et le collectif se confondent, car le lien social est d'autant plus fort que l'individu est plus libre, et l'individu est d'autant plus libre que le lien social est plus fort. L'Etat n'est donc point cette personne collective, représentant contre l'individu, les droits de la collectivité L'Etat, le droit objectif et la loi positive. Ainsi l'Etat, pour nous, c'est l'homme, le groupe d'hommes, qui, en fait, dans une société, sont matériellement plus forts que les autres. [...]
[...] Il convient dès lors de circonscrire plus précisément la notion de droit telle qu'elle est entendue par Duguit. Le droit objectif c'est la limitation de l'Etat par une norme sociale. Littéralement, c'est le droit relié à l'objet, en dehors du sujet. Le droit objectif est par conséquent le droit dépouillé de toute subjectivité, hors de l'individu. Le droit objectif n'est pas pour Duguit une référence à l'individualisme mais à un ensemble d'individus, au collectif, à la société. Si ce n'est pas un individu, ce sont des individus qui créent le droit par la mise en œuvre du pouvoir politique. [...]
[...] Et par là même ma théorie de l'Etat se trouve achevée Léon Duguit, Traité, II, 3e éd. Le service public est une réalité, c'est une obligation juridique des gouvernants. C'est une obligation de droit objectif. Le service public est la traduction matérielle du droit objectif. Duguit donne d'ailleurs une définition du service public dans son Traité de droit constitutionnel, t.2 : On aperçoit dès lors que le service public c'est toute activité dont l'accomplissement doit être assuré et contrôlé par les gouvernants, parce que l'accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l'interdépendance sociale, et qu'elle est de telle nature qu'elle ne peut être réalisée complètement que par l'intervention de la force gouvernante Pour Duguit, le service public est entendu dans un sens organique et matériel. [...]
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