représentation, Etat, Balandier, monarchie, pouvoir, mise en scène, légitimité, Bourdieu
Comme le faisait remarquer Émile Durkheim :« On ne peut toucher ou voir un État. Il ne peut être représenté que sous forme symbolique et cette représentation devient alors l'objet d'un culte ». Il est en effet difficile de définir clairement un État. Cette difficulté à définir les termes du sujet apporte déjà un élément de réponse : si l'État se représente, c'est qu'il est par définition insaisissable.
Une façon courante de définir l'État est de l'assimiler à un territoire. Par exemple, l'État français n'est rien d'autre que la France. Cependant, cette définition est peu heuristique. En sociologie comme en science politique, l'État est surtout analysé comme un instrument du pouvoir institutionnalisé sous la forme d'une personne morale.Max Weber définit quant à lui l'État comme « une communauté humaine qui, dans les limites d'un territoire déterminé, revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime ».Viens ensuite la notion centrale de la « représentation ». Cette notion sous-entend un décalage entre la réalité de l'État et sa perception par les citoyens. Comment expliquer ce décalage ? Est-il nécessaire ?
On note dans l'intitulé du sujet deux questionnements à différencier : tout d'abord, pourquoi l'État se représente-t-il ? Nous distinguerons plusieurs types d'explications possibles, empruntées successivement à Pierre Bourdieu, Claude Rivière et Georges Balandier. Deuxième partie de la question : comment l'État se représente-t-il ?
[...] Marcel Gauchet disait : Qu'est qu'un Roi en effet, sinon un concentré de religion à visage politique La société d'Ancien Régime est une société hétéronome : elle obéit à des lois extérieures. Le pouvoir du Roi vient du divin et non pas des gouvernés. Par ailleurs, le sacre est un élément central de la représentation du pouvoir politique au temps de la monarchie. C'est un rite, c'est-à-dire une pratique strictement réglée et à fort caractère symbolique. La monarchie va transformer le sacre en spectacle : la cathédrale de Reims en est la scène, les Français en sont les spectateurs. [...]
[...] Aujourd'hui encore, l'investiture du président de la République montre qu'il y a une continuité historique en termes de représentation du pouvoir. Un auteur, Kantorowicz, dans son ouvrage Les Deux Corps du Roi (1957), permet justement de comprendre le lien entre représentations sous l'Ancien Régime et représentation actuelle de L'Etat. Ainsi, Kantorowicz part d'un mythe moyenâgeux : les deux corps du Roi. Le corps naturel est mortel, sensible, soumis aux infirmités. Le corps politique est au contraire divin, ne se trompant jamais et incarnant le royaume tout entier. [...]
[...] Aucun pouvoir n'est séparable de sa mise en scène. Plus généralement d'ailleurs, les faits sociaux ne sont jamais des faits de nature, c'est-à-dire de simples rapports de force, mais des faits de communication et de langage, des faits symboliques. Le livre montre qu'il n'y a pas de pouvoir qui n'implique une théâtralisation, une mise en scène, un apparat. Il n'y a pas de pouvoir nu et muet. Mais Balandier va plus loin : le théâtre qui accompagne le pouvoir n'est jamais un habit qui s'ajoute à la réalité du pouvoir pour le dissimuler. [...]
[...] Pourquoi l'Etat se représente-t-il ? Pierre Bourdieu : représentation et légitimation sont deux notions liées Notons avant toute chose que l'ouvrage de Pierre Bourdieu intitulé Les Rites comme actes d'institution, publié en 1982, ne traite pas spécifiquement de la figuration et du rite politique. Cependant, un passage de son ouvrage aborde la question de la représentation de l'Etat et apporte des éléments de réponse quant à la fonctionnalité de la mise en scène du politique. Ainsi la thèse de Pierre Bourdieu peut être résumée succinctement : tout rite tend à consacrer ou à légitimer L'effet majeur du rite est celui qui passe le plus inaperçu : en traitant différemment l'avant et l'après, le rite consacre la différence. [...]
[...] Il existe ainsi des lieux du pouvoir à vocation politique : la Place Rouge (pouvoir autoritaire) ; la Place Saint-Pierre (pouvoir religieux) ; Versailles (pouvoir monarchique) . etc. On pourrait ajouter l'exemple de la Place Tahrir en Egypte : les journalistes emploient couramment l'expression symbole de la contestation politique ou théâtre d'affrontement et maintenant place de la liberté à propos de ce lieu. La thèse de Balandier est donc passée dans le langage courant. Autre constat de Balandier : l'univers de la représentation politique s'inscrit dans la longue durée. L'histoire est constituée d'une continuité de symboles historiques que l'on reprend. [...]
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