Il semblerait que la définition de l'Etat moderne soit en perpétuelles évolution et complexification, ce qui tombe finalement sous le sens étant donné que la vision de la modernité selon Max Weber était différente de celle que peut avoir aujourd'hui Pierre Sadran. Le terme même d'Etat « moderne » succède au terme d'Etat, concept lui aussi en perpétuel remaniement. La naissance de l'État, au sens large du terme, coïncide avec l'avènement de la civilisation. Pour la majeure partie de son existence, l'espèce humaine, nomade, vivait de cueillette et de chasse. C'est l'invention de l'agriculture vers 9000 ans avant Jésus Christ qui infligea un changement à ce style de vie, en obligeant les hommes à s'installer de façon permanente près des zones qu'ils cultivaient. Le contrôle de la terre devenant problématique, c'est ainsi qu'est née la propriété privée. Ce sont ensuite les cités-États de la Grèce antique qui ont été les premières à établir des États dont les pouvoirs étaient clairement définis par la loi. Beaucoup d'institutions étatiques trouvent leur origine dans la Rome antique qui a hérité ses traditions de la Grèce et qui les a développées par la suite. La chute de l'Empire romain et, avec elle, l'idée que le monde devait être uni sous un seul Etat-Empire, ainsi que les grandes migrations ont changé la politique en Europe. Les royaumes barbares qui ont suivi furent éphémères, peu organisés et n'avaient que peu de ressemblance avec le concept moderne de l'État. Le royaume de Charlemagne étant chancelant, le Traité de Verdun de 843 le partagea en trois royaumes, plus vastes possessions de terre que véritables royaumes. L'Etat devint de nouveau l'expression d'une vaste propriété terrienne et il faudra attendre l'époque féodale pour développer une nouvelle conception : la conception de l'Etat moderne qui s'installe, selon Norbert Elias, au terme d'un processus (du latin pro cessus, aller vers l'avant, avancer) historique particulier.
Cette approche historique du concept d'Etat nous conduit inéluctablement à nous interroger sur l'essence même de ce concept, c'est-à-dire à savoir si le phénomène lui même obéit à une évolution historique comme le soutient Norbert Elias, ou, au contraire, à une logique évolutionniste, courant théorique qui présuppose l'existence de lois immanentes à l'œuvre. Il convient dès lors de savoir si la formation de l'Etat est comparable à ce qu'Amitaï Etzioni appelle « l'épigenèse », théorie qui stipule que le développement de l'Etat se ferait de manière de plus en plus complexe à partir d'un embryon, en opposition à la théorie de la préformation qui verrait l'Etat comme une « miniature » où tous les organes seraient déjà présents. En d'autres termes, l'Etat résulte-t-il vraiment d'un processus historique ?
Nous nous attacherons ainsi à démontrer que l'Etat est bel et bien le fruit d'une construction sociale et historique, en constante évolution, et non du cadre naturel de l'activité politique. En effet, nous verrons que les théories plaçant l'Etat comme « phénomène normal », immanent et non historique ne peuvent que mener à l'acceptation du processus de « sociogenèse » de l'Etat (première partie), permettant d'envisager l'Etat comme un phénomène historique consacré, en construction permanente, voire même remis en cause (seconde partie).
[...] Il nous reste maintenant à voir comment ce modèle s'est maintenu et transformé, évolution permanente consacrant finalement l'historicité du phénomène. II- De la consécration de l'Etat à sa remise en cause Nous venons de démontrer le phénomène historique d'apparition de l'Etat. Il convient désormais d'analyser le phénomène de consécration du monopole étatique, c'est-à-dire l'histoire de l'Etat en elle-même, de son imposition à ses transformations, voire même jusqu'à sa remise en cause. A. La consécration du monopole étatique L'administration est la dernière caractéristique permettant la mise en place d'un système étatique. [...]
[...] Ces différentes transformations montrent la complexité des trajectoires historiques qui ont débouché sur la construction de l'Etat dit moderne. Si l'on peut considérer les bases de cette construction comme achevées, obéissant à sa logique historique, son évolution se perpétue, prenant aujourd'hui de nouvelles formes. B. Les nouvelles évolutions du phénomène étatique : mutations et remises en en cause L'Etat résulte d'un processus historique qui n'est en rien figé ou achevé. Les sociétés, les représentations et les différentes variables qui régissent la géopolitique moderne changent en permanence, ce qui influe directement sur les modes d'organisation politique. [...]
[...] En Europe, les États se désengagent de l'économie en privatisant les entreprises publiques, la Sécurité sociale voit son rôle diminuer et les directives européennes s'imposent dans de plus en plus de secteurs d'activité. Les États n'interviennent plus autant dans la prise de décision publique ; ils perdent de leur pouvoir par le haut avec la construction européenne. En France, l'État perd de son pouvoir par le bas avec la décentralisation et l'augmentation du pouvoir des régions, alors que justement ce qui permettait de la qualifier d'Etat fort. Conclusion Il existe des sociétés sans pouvoir centralisé ni, a fortiori, Etat. [...]
[...] Le principe de laïcité doit être clair, renforçant la sécularisation, le droit public doit protéger les ressortissants à l'extérieur des frontières de l'Etat, la citoyenneté doit être une conception forte afin de rattacher au maximum les citoyens au concept de nation. Il s'agit bien en effet de l'évolution des notions et critères de bases évoqués plus haut, la définition de monopole de la violence légitime de Max Weber ne suffisant plus. Les facettes de l'Etat sont variées et susceptibles de changer. On peut observer quatre principales dynamiques : le passage du maintien de l'ordre à la prévention de risques, de l'Etat entrepreneur à l'Etat régulateur, de l'Etat providence à l'Etat solidaire, de l'Etat manager à l'Etat partenaire. [...]
[...] Durkheim quant à lui l'analysait comme un phénomène normal qui résulte des progrès mêmes de la division du travail stade ultime d'un processus universel de développement politique. Dans cette logique, l'Etat ne doit en aucun cas se concevoir comme quelque chose qui devient, qui évolue et qui disparaît ou se transforme. L'Etat est et, finalement, n'est que la version amplifiée et institutionnalisée du politique. L'Etat peut être aussi perçu, dans une optique marxiste, comme le simple instrument d'une classe dominante qui lui permettrait d'exercer une coercition absolue et qui disparaîtrait simplement une fois que le capitalisme aurait été renversé. [...]
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