L'Etat - Nation est une entité politique qui s'est constituée à partir d'un modèle issu des révolutions de la fin du 18ème siècle. Les nations modernes telles qu'elles se constituent à partir de la fin du 18ème siècle sont en effet le résultat d'un long processus dont la dernière étape est l'organisation d'un Etat qui institutionnalise la Nation en faisant coïncider les frontières politiques et administratives, avec les frontières symboliques de l'identification nationale. Ce modèle fait coïncider l'instance politique qu'est l'Etat, comme pouvoir disposant de la souveraineté, et l'instance culturelle que représente la nation, caractérisée par un sentiment d'appartenance au sein d'une communauté d'individus partageant des valeurs et principes communs. Dans ce modèle, l'identification au pouvoir a été rendue possible par le sentiment d'une identité commune. La définition de l'Etat comme « la nation juridiquement organisée » pose le problème du rapport entretenu par ces deux concepts (l'Etat et la nation) dans un tel modèle : cette formule implique que la nation serait une réalité première que l'Etat viendrait seulement organiser ; or à l'inverse, l'Etat peut se définir comme l'instrument principal d'émergence de la nation, à travers la conscience identitaire qu'il contribue à forger. Ainsi, l'historien Hobsbawm montre qu'en Europe au 18ème siècle « en termes ethniques, linguistiques ou autres, la plupart des Etats de quelque étendue n'étaient pas homogènes, et ne pouvaient donc se résumer simplement à une nation. » Un premier niveau de problématique lié à la notion d'Etat - Nation se situe donc autour de la question de la souveraineté, de la nature même de la nation : qu'est-ce qui fait la nation ? Cette tension inhérente à l'idée de nation, entre identité politique et identité culturelle, entre une idée de la nation comme totalité organique et une conception privilégiant les volontés individuelles plutôt que l'appartenance culturelle, apparaît au grand jour dans le débat qui oppose Lumières et romantisme. Suite notamment aux travaux de L.Dumont, deux idéaux typiques de la nation sont en effet fréquemment distingués : la « nation révolutionnaire » correspondrait aux Lumières et à l'idéologie de la révolution française, et donnerait lieu à des conceptions dites électives de la nation ; par opposition, la « nation romantique » se définirait par une représentation « culturaliste » de la nation et correspondrait à des conceptions dites ethnoculturelles.
[...] Dans quelle mesure cette conscience nationale peut-elle s'accorder avec l'idée de l'État démocratique ? La nation moderne, comme unité politique, se définit par sa souveraineté, à l'intérieur, pour intégrer les populations, et à l'extérieur, en affirmant son existence par rapport aux autres unités politiques. Cela implique donc deux niveaux de problématique : à un premier niveau, les démocraties modernes se trouvent aujourd'hui encore confrontées à la question de savoir comment construire des sociétés solidaires dans le respect de la diversité des populations qui les composent. [...]
[...] Finalement, faut-il remettre en cause le principe de nation ? Selon Schnapper, il n'existe qu'une seule idée de la nation moderne, caractérisée par l'ambition, par définition impossible à réaliser pleinement, de créer une société politique qui transcende par la citoyenneté les enracinements concrets. Dans cette perspective, la nation moderne est essentiellement civique. Cependant, elle prend dans chaque nation des formes singulières, en fonction du projet politique qui est à son origine. Bibliographie indicative Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, Tome 1. [...]
[...] Kant, Critique de la faculté de juger, paragraphe 83 Kant, Idée d'une Histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique, proposition 7. Ernest Renan, Qu'est-ce qu'une nation ? Éric Hobsbawm, Nation et Nationalisme depuis 1780, Paris, Gallimard p.28 Éric Hobsbawm, Nation et Nationalisme depuis 1780, Paris, Gallimard p.28 Ernest Renan, Qu'est-ce qu'une nation ? Kant, Critique de la faculté de juger, paragraphe 83 Kant, Idée d'une Histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique, proposition 7. Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, Tome 1. [...]
[...] Un second niveau de problématique est induit par la notion d'État –nation : c'est le problème de la souveraineté interne. L'opposition au 18ème siècle entre défenseurs et détracteurs de l'idée nationale, se retrouve en effet encore aujourd'hui dans le débat qui oppose les partisans d'une approche universaliste de la citoyenneté, approche souvent qualifiée de modèle français et ceux pour qui les minorités ou communautés ethniques, religieuses ont des différences dont l'expression et la préservation constituent un droit qu'il appartient à l'État de garantir et d'aménager. [...]
[...] L'humanité est en effet dispersée et polymorphe, par conséquent l'universalité doit être pensée dans la diversité, non dans l'unicité. De ce fait, la nation est l'unité naturelle des peuples en ce qu'elle est la traduction politique légitime de leur spécificité. Et l'universalisme est une réalité qu'il suffit de reconnaître en reconnaissant la valeur de chaque individu et de chaque culture qui l'exprime à sa manière. Face à un individualisme valorisant l'individu et les droits de l'homme, Herder valorise cette autre entité qu'est le groupe, et procède ainsi à une individualisation du collectif. [...]
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