Depuis le début des années quatre-vingts, les périphéries urbaines semblent être devenues le théâtre d'une exclusion croissante. La montée de violence et d'insécurité (petite délinquance, économie souterraine, dégradation des équipements collectifs…) montre en effet, une certaine remise en cause des liens sociaux ainsi qu'une diminution de la cohésion nationale dans la France actuelle. Le « jeune de banlieue» s'affirme donc, comme une figure symbolique de la remise en question du « lien social ». Sur ce fond, de situation de misère sociale et d'appauvrissement des quartiers de banlieue, la question du rôle de l'Etat providence prend finalement tout son sens.
Personne ne conteste la fonction de l'Etat gendarme dans la société, qui est d'assurer les services publics de la sécurité (Police), de la défense (Armée), et de l'éducation nationale (Education pour tous). Cette conception de l'Etat veille, en effet, à mettre en place des services publics pour servir l'intérêt général et à surveiller le bon fonctionnement de l'économie libérale pour la libre circulation des biens et des hommes. Cependant, cette conception de l'Etat gendarme a montré ses limites dans les périodes de crise économique, du fait de son incapacité à rétablir une situation économique et sociale stable.
Apparaît ainsi les débuts de la conception de l'Etat providence dont la notion actuelle correspond au terme anglais de Welfare state (« littéralement état de bien être »), forgé dans les années 40, et qui coïncide avec l'émergence des politiques keynésiennes d'après-guerre. Contrairement, à l'Etat gendarme dont l'action se limite aux fonctions régaliennes de l'Etat, l'Etat providence intervient pour assurer le consensus social en redistribuant les revenus. Cette expression d'Etat providence désigne ainsi l'ensemble des interventions de l'Etat dans le domaine social, qui vise à garantir un niveau minimum de bien-être à l'ensemble de la population, en particulier à travers un système étendu de protection sociale. L'opposition couramment utilisée de cet Etat providence à celle « d'Etat gendarme ou protecteur » où l'intervention de l'Etat est seulement limitée à ses fonctions régaliennes est critiquée. En effet, l'Etat providence ne substituerait pas à l'Etat gendarme mais d'après Pierre Rosanvallon serait, en réalité, « une extension et un approfondissement ».
Pourtant en France, l'Etat s'est longtemps limité à un rôle d'assistance. Jusqu'au début du XXème siècle, la bienfaisance publique a remplacé la charité de l'Eglise mais demeure réservée aux personnes dans l'incapacité de travailler (enfants, vieillards et infirmes). La protection des travailleurs repose alors sur la prévoyance individuelle, ou sur une protection collective d'initiative privée (mutuelle de salariés, institutions patronales).
La mise en place de l'Etat providence, dans les pays occidentaux au lendemain de la seconde guerre mondiale, va ainsi se distinguer sur trois modèles types de protection sociale. Le modèle libéral avec une protection réservée aux plus démunis (présent notamment aux Etats-Unis), le modèle social-démocrate de conception universaliste avec une protection sociale de haut niveau, financée par les impôts (par exemple dans les pays scandinaves) et enfin, le modèle conservateur-corporatiste (bismarckien) où les prestations sont proportionnelles aux cotisations versées, d'où un système paritaire plus ou moins centralisé (c'est le cas en Allemagne notamment).
Le fonctionnement du système français de protection sociale initié par le juriste Pierre Laroque en 1945 repose finalement sur un compromis d'inspiration universaliste (pour tous) mais qui va se traduire par un système corporatiste puisque chaque profession a ses propres caisses d'assurance sociale et qu'il faut cotiser pour pouvoir en bénéficier.
L'étude du système de protection sociale est donc de voir en quoi et comment il favorise une certaine cohésion sociale. Notre système actuel construit en grande partie après la seconde guerre mondiale et accompagnant la croissance des Trente glorieuses est entré en crise (déficit de la sécurité sociale, problèmes du financement des retraites…) et est désormais, plus ou moins remis en cause par les réformes entreprises pour le « sauver ».
La question est donc de savoir si le système de protection sociale est facteur d'intégration sociale, de solidarités. Et quelles sont, alors, les conséquences de sa crise sur la société, sur sa cohésion ?
[...] Ainsi, le développement de l'Etat providence, qui s'inscrit dans une logique keynésienne, va soutenir les revenus des consommateurs et protégés les salariés par un système de protection social fort. Ce modèle social mis en place durant la période dite des Trente Glorieuses, reposait sur une base de plein-emploi (système d'assurance ouvert avant tout aux travailleurs et à leur famille). L'apparition du chômage pose ainsi le problème du financement de la protection sociale (moins de cotisations car moins d'actifs occupés mais des besoins en augmentation) et remet en cause la logique assurancielle à la base du système. [...]
[...] A partir de ces constats on voit, ainsi, se développer depuis une vingtaine d'années, un nouveau régime de la protection sociale en direction des laissés-pour-compte des protections classiques. Il s'est, en effet, mis progressivement en place aux marges du système à travers la promotion de mesures successives : multiplication de minima sociaux, développement de politiques locales d'insertion et de politiques de la ville, de dispositifs d'aide à l'emploi, de secours aux plus démunis et de lutte contre l'exclusion Ces dispositions paraissent dessiner un nouveau référentiel de protections qui ne se caractérise plus par l'hégémonie des protections classiques fondées sur le travail. [...]
[...] D'abord, le problème de la déstabilisation des stables. Une partie de la classe ouvrière intégrée et salariés de la petite classe moyenne est menacée de basculement. Il ne suffit donc pas, ici, de traiter la question sociale à partir de ses marges. De plus, la deuxième spécificité de la situation actuelle, est l'installation dans la précarité. Le travail aléatoire (alternance chômage et travail précaire) représente une part de plus en plus grande des actifs. Le chômage récurrent constitue donc une dimension importante du marché de l'emploi. [...]
[...] Le chômage remet en cause l'accès au confort matériel mais il peut aussi être à l'origine d'une remise en cause de la position occupée dans la famille (par exemple, l'autorité du père de famille se légitime par les ressources apportées et les femmes redeviennent au chômage exclusivement mère de famille Ainsi, par rapport au politiques d'intégration qui prévalaient jusqu'aux années 1970, les politiques dites d'insertion se mettent en place, afin d'essayer de résoudre les fractures qui se sont creusées depuis. Finalement, dans une période caractérisée par une remontée du libéralisme et par la célébration de l'entreprise, jamais les interventions de l'Etat, en particulier dans le domaine de l'emploi, n'ont été aussi nombreuses, variées, insistantes. Mais plus encore d'un accroissement du rôle de l'Etat, c'est la transformation des modalités de ses interventions qu'il faut être sensible. [...]
[...] Cette conception de l'Etat qui sous-tend la protection sociale est complémentaire d'un rôle d'acteur économique assumé par la puissance publique, qui s'épanouit également après la Seconde Guerre mondiale. L'intervention de l'Etat en tant que régulateur de l'économie afin de prévenir les déséquilibres qui pourraient venir d'un laisser-faire excessif fait alors figure d'innovation. Il impose une politique volontariste à la fois pour définir les grands équilibres et choisir les domaines privilégiés d'investissement, et pour soutenir la consommation par des politiques de relance. [...]
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