Selon Agamben, « l'état d'exception moderne est une création de la tradition démocratico-révolutionnaire, et non pas de la tradition absolutiste », introduit pour la première fois le 22 frimaire an VIII puisqu'évidemment il s'agit de la suspension de la constitution. Par état d'exception il s'agit alors de penser comment les pleins pouvoirs ont été accordés à l'exécutif aux dépens du législatif en raison d'une situation de nécessité et d'urgence. L'abolition de la séparation entre exécutif, législatif et judiciaire serait ainsi la marque d'un état d'exception où l'exécutif, comme dans l'état de nature, tient lieu en même temps du pouvoir législatif en émettant des décrets.
Or, rien ne saurait garantir que les pouvoirs d'urgence soient effectivement utilisés afin de sauvegarder la constitution ; aussi, toute démocratie qui a recours à l'état d'exception est potentiellement totalitaire. La République, en devenant gouvernementale et non plus parlementaire, aurait oublié les principes qui la fondaient. Cependant, si parfois Agamben semble parfois nostalgique d'une tradition parlementaire où les pouvoirs de l'Assemblée priment sur l'exécutif, sa critique est beaucoup plus radicale et remet en cause le pouvoir législatif (et d'autant plus la notion même de loi ou de droit). C'est qu'Agamben décèle dans l'état d'exception une sorte de complicité secrète entre le législatif et l'exécutif dans le sens où celui-là délègue les pleins pouvoirs à celui-ci.
Par cette délégation, le pouvoir souverain du président devient le pouvoir d'une chef de guerre qui, face à l'état d'urgence, doit prendre les mesures adéquates pour combattre l'ennemi (Agamben évoque notamment les pouvoirs étendus de Wilson à la fin de la Première Guerre mondiale, ou encore ceux de Roosevelt en 1933 pour faire face à la crise économique). Or, dès que la situation d'urgence devient la règle, « la distinction même entre la paix et la guerre (et entre guerre extérieure et guerre civile mondiale) devient impossible »
[...] Non seulement il n'est pas de religion sans séparation, mais toute séparation contient ou conserve par-devers soi un noyau authentiquement religieux. Le dispositif qui met en œuvre et qui règle la séparation est le sacrifice : il marque dans chaque cas le passage du profane au sacré, de la sphère des hommes à la sphère des dieux, à travers une série de rituels minutieux qui varient en fonction de la diversité des cultures et dont Hubert et Mauss ont fait l'inventaire.[29] Aussi, le terme de religion ne dérive pas, selon une étymologie aussi fade qu'inexacte de religare (ce qui lie l'humain et le divin), mais de relegere, qui indique l'attitude de scrupule et d'attention qui doit présider à nos rapports avec les dieux, l'hésitation inquiète (l'acte de relire face aux formes et aux formules qu'il faut observer pour respecter la séparation entre le sacré et le profane. [...]
[...] Selon Agamben, la Loi est réduite à une Loi sans signification qui ne vit que par l'exception. Aussi selon lui, nous pouvons comparer la situation de notre temps à celle d'un messianisme pétrifié ou paralysé qui, comme tout messianisme, réduit la Loi à rien, pour ensuite, cependant, la maintenir comme rien de la révélation dans un perpétuel et interminable état d'exception, l' état d'exception dans lequel nous vivons (Agamben, La puissance de la pensée, p.225). Agamben, Le temps qui reste, p.167. Agamben, Le temps qui reste, p.176. Agamben, L'état d'exception, p.97. Agamben, L'état d'exception, p.144. [...]
[...] Meuli, K., Gesammelte Schriften, Bâle-Stuttgart, Schwabe vol.1, p.473, cité par Agamben, L'état d'exception, p Agamben affirme que la politique a subi une éclipse politique durable parce qu'elle a été contaminée par le droit. (L'état d'exception, p.148) mais on se demande bien quand put exister le politique qu'il conçoit. Le messianisme représente le point de plus grande proximité entre la religion et la philosophie. Aussi les trois grandes religions monothéistes ont-elles toujours cherché à contrôler et à réduire par tous les moyens leurs propres instances messianiques essentielles, sans jamais vraiment y réussir tout à fait. (Agamben, La puissance de la pensée, p.216). [...]
[...] Or la société sans classe est une sécularisation du temps messianique à laquelle seul le prolétariat permet d'accéder dans le sens où il incarne la fracture entre l'individu et sa figure sociale. Aussi, de la même manière que l'appelé, crucifié avec le messie, meurt au vieux monde pour ressusciter à une nouvelle vie (Rm le prolétaire ne peut se libérer que dans la mesure où il s'autosupprime : la "perte intégrale" de l'homme coïncide avec son rachat intégral.[23] Le vrai matérialisme historique consisterait alors non pas à concevoir l'histoire sur le mode sécularisé du temps chrétien comme a pu le faire Marx mais à envisager l'histoire sur un mode kaïrologique, où toute révolution authentique consiste à interrompre le temps et la chronologie, introduisant ainsi une mutation qualitative du temps[24]. [...]
[...] Ainsi, cette même philologie qui nous interdit d'accéder au mythe peut permettre de reconstruire avec lui un rapport authentique, c'est-à-dire un rapport libre.[28] Ce rapport libre peut s'effectuer pour Agamben grâce au jeu et à la profanation. Il s'agirait alors d'établir un nouveau rapport entre le sacré et le profane, rapport qui suppose aussi un rapport au politique. Rappelons en effet que pour Agamben, la souveraineté étatique est toujours liée au religieux dans le sens où elle soustrait l'homo sacer à la communauté. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture