Selon Georges Balandier, « les sociétés humaines produisent toutes du politique ». On peut définir le politique comme ce qui permet à la société de tenir ensemble (Marcel Gauchet). Georges Balandier souligne l'extrême diversité des formes de réalisation du politique, dont l'Etat ne serait pas la forme exclusive. L'Etat, qui a étymologiquement pour but de faire « tenir debout » une société est un corps politique souverain rassemblant les individus constituants le peuple sous un même pouvoir. Pourtant, force est de constater qu'actuellement l'Etat est la forme de réalisation de loin la plus répandue du politique. Toutes les sociétés tendent-t-elle à devenir des Etats ? L'Etat est-il consubstantiel au politique ? Auquel cas, les « sociétés sans Etat » seraient des formes inachevées d'organisation politique, vouées à devenir elles aussi des Etats. Ou au contraire, le politique peut-il se réaliser hors du cadre étatique ? Plus largement, il convient d'étudier le rôle de l'Etat. Pourquoi s'est-il imposé ? L'Etat fait aujourd'hui face à des nombreuses critiques. Si l'on peut estimer que l'Etat n'est pas consubstantiel, c'est-à-dire inséparable, au politique, il ne semble aujourd'hui pas exister d'alternative à l'Etat, même si historiquement les sociétés humaines ont connu d'autres modes d'organisation. Comment envisager le politique dans le cadre étatique après la dérive totalitaire ?
Pourquoi, malgré les liens contingents qui existent entre l'Etat et le politique, l'Etat s'est-il imposé comme seul horizon du politique ?
L'Etat n'est pas consubstantiel au politique : il n'est que la forme moderne institutionnelle d'organisation du pouvoir politique.
[...] Miguel Abensour souligne qu'il faut se détacher de l'idée selon laquelle l'Etat est le dernier mot de la politique. La vraie démocratie reposerait au contraire sur le refus de tout commandement. Les anarchistes revendiquent quant à eux la liberté et refusent l'asservissement vis-à-vis de l'Etat. Proudhon souligne la nécessité de supprimer l'Etat et souhaite le remplacer par de libres associations d'individus. Berdiaev dénonce l'Etat comme la plus grande séduction de l'histoire L'histoire est parsemée de mythes (volonté générale) afin de mieux faire accepter la domination de l'Etat. [...]
[...] Paris : Pluriel BALANDIER, Georges, Le politique des anthropologues Traité de science politique I., dir. M. GRAWITZ, Paris : PUF pp 309-334 CLASTRES, Pierre. La société contre l'Etat. [...]
[...] Elle illustre, comment, dans les sociétés dites primitives le politique existe en dehors du cadre étatique, c'est-à- dire que l'Etat n'est pas consubstantiel au politique. Ainsi, Pierre Clastres, dans La société contre l'Etat, prend le contre- pied d'une vision qu'il décrit ethnocentriste selon laquelle on ne pense pas de société sans Etat, ou du moins sans l'avènement perçu comme nécessaire de l'Etat. Pour lui, l'absence d'Etat n'est pas une déficience, l'Etat n'est pas le résultat d'un processus que doivent connaître toutes les sociétés. [...]
[...] Historiquement, l'Etat n'est pas consubstantiel au politique, comme l'illustrent les études des anthropologues, notamment de P. Clastres. Le politique existe bien dans des sociétés sans Etat Au contraire, l'Etat est apparu à un certain moment de l'histoire en réponse à une crise particulière : la féodalité. Il est un mode parmi d'autres de réalisation du politique, même s'il est prédominant aujourd'hui. La forme étatique a été importée par les anciennes colonies et est aujourd'hui la pierre angulaire de la construction internationale. [...]
[...] Selon Berdiaev, L'Etat doit défendre la liberté et le droit et c'est en cela que consiste la justification de son existence Il doit être enfermé dans certaines limites Les théoriciens du contrat social ont étudié les conditions de légitimité de l'Etat : il doit garantir la sureté (Hobbes), la liberté (Rousseau). La notion de l'Etat de droit s'inscrit dans l'idée de limite au pouvoir politique : l'Etat de droit doit protéger le droit naturel opposable au droit positif, combattre des gouvernants qui franchiraient certaines limites. La pensée de H. Arendt permet de considérer le politique après l'Etat totalitaire. Pour Arendt, le totalitarisme est en fait une dénaturation du politique, il a conduit à la destruction de la politique au sens moderne. [...]
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