Certains voient dans les élections américaines une opposition entre un crétin qui ne peut pas lire plus de deux heures de suite et un technocrate dont l'utilisation répétée des chiffres est fatigante. Mais qu'entend-on par le terme de technocratie ?
« La définition du technocrate n'existe pas puisqu'elle reste étroitement conditionnée par l'image ou la fonction qu'on veut lui attribuer » (Luc Rouban). Cette assertion est tout à fait exacte : la technocratie est un terme “routinisé”, une catégorie vague aux multiples facettes. Essayons cependant d'en définir les traits principaux.
Au sens étymologique, c'est une forme de pouvoir qui mêle la connaissance technique et son usage dans la résolution des problèmes politiques. Le terme est également beaucoup utilisé par les journalistes pour désigner les membres et les pratiques d'une élite politico-administrative, généralement les hauts fonctionnaires, dont la principale caractéristique serait la faible affiliation partisane ou idéologique et la détention d'une compétence technique, le plus souvent administrative ou économique.
C'est l'utilisation la plus fréquente de terme technocratie, mais il y a plusieurs types de technocratie selon le contexte historique ; la constante est que les technocrates veulent rationaliser l'organisation politique, économique et sociale, qu'ils prônent la modernisation et l'efficacité de la technique et qu'ils sont méfiants à l'égard des partis politiques et des passions. Mais ils plaident pour des compétences aussi variées que le sont leur origine professionnelle ou leur formation.
Il n'y a donc pas de définition objective, et, on le voit, la technocratie est souvent un jugement, la dénonciation d'un certain type de pouvoir (légitimé par la technique) par opposition au vrai pouvoir (légitimé par les citoyens).
Devant cet imbroglio sémantique, cet afflux de définitions, nous privilégierons l'acception française de ce terme et nous essaierons de nous poser trois questions principales :
Comment historiquement la technocratie a-t-elle été théorisée ?
Quelles sont les manifestations réelles de la technocratie et les problèmes qu'elles induisent ?
Le danger technocratique n'est-il qu'un mythe utile ?
[...] Cf l'eurocratie (plus haut) : la complexité des institutions européennes facilite l'assimilation de l'Europe à un pouvoir technocratique éloigné des citoyens. Conclusion Luc Rouban défend la thèse de la fin des technocrates et conclue pourtant son ouvrage par ceci : La France a grand besoin d'innovations en matière d'expertise et d'évaluation qui puissent enfin mettre la gestion au cour du politique Non, ce n'est pas contradictoire, car la technocratie dont il avance la disparition, c'est la technocratie comme pouvoir semi- occulte de hauts fonctionnaires qui prendraient le pas sur le pouvoir politique légitime. [...]
[...] Les mouvements français de l'entre-deux guerres Deux mouvements très différents prennent leur essor dans la France en crise des années 1930 : -X-crise, mouvement formé de jeunes polytechniciens sous Jean Coutrot : la solution à la crise doit être technicienne, le pouvoir doit appartenir aux compétences technique en dehors de tout engagement politique. L'économie est érigée en science légitime. Fort antiparlementarisme : les passions et non la rationalité gouvernent. -Un groupe de hauts fonctionnaires et de juristes qui veulent allier technique, bureaucratie et démocratie libérale : il préconisent une rationalisation de l'appareil d'Etat avec une distinction nette gestion- décision. [...]
[...] Qu'est-ce que la technocratie ? Introduction Certains voient dans les élections américaines une opposition entre un crétin qui ne peut pas lire plus de deux heures de suite et un technocrate dont l'utilisation répétée des chiffres est fatigante. Mais qu'entend-on par le terme de technocratie ? La définition du technocrate n'existe pas puisqu'elle reste étroitement conditionnée par l'image ou la fonction qu'on veut lui attribuer (Luc Rouban). Cette assertion est tout à fait exacte : la technocratie est un terme “routinisé”, une catégorie vague aux multiples facettes. [...]
[...] Mais la rationalité technique est purement immanente : problème de la question du sens, des fins de la politique (le progrès technique uniquement -Quelle légitimité ? Parler de légitimation technique de la politique qui serait l'application d'une science, c'est refuser la participation politique de la masse ignorante. Idée aussi d'un pouvoir technique non légitime (hauts fonctionnaires) qui prend le pas sur le pouvoir élu. Une compétence politique réelle des techniciens ? -Les technocrates considèrent la politique et les politiciens comme inutiles : le pluralisme démocratique est le bavardage de gens irresponsable. [...]
[...] Saint Yves d'Alveydre et la synarchie Saint Yves d'Alveydre a fortement influencé la postérité technocratique et en particulier le planiste français Coutrot, rédacteur d'un Pacte synarchique dans l'entre-deux-guerres. -Idée d'initié : les initiés (dont il fait partie) sont les hommes que ont accès aux vérités suprêmes du monde, lesquelles sont conservées par de petits groupes et transmises de génération en génération. -Idée de synarchie : ordre nouveau (contraire à l'anarchie) où les initiés ont le pouvoir. Essor de l'idée de technocratie dans l'opinion dans l'entre-deux-guerres : une théorie désormais prête à l'action Technocracy, un mouvement américain des années 30 Le mouvement est principalement développé par Howard Scott à partir de 1932. [...]
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