« C'est de plus en plus l'opinion qui mène le monde » disait Tocqueville dans son livre La démocratie en Amérique. En effet, aujourd'hui, nous ne pouvons que constater le rôle de plus en plus important qu'a cette notion d'opinion publique dans la vie démocratique, là où le peuple est devenu la source de la légitimité du pouvoir. Nous entendons ce terme dans les médias, dans les discours des politiques : bref, sur tout sujet public, nous avons des chiffres sur « ce que pensent les Français ».
On pourrait définir basiquement le concept d'opinion publique comme l'ensemble des représentations, construites socialement, de ce qu'est censé penser l'ensemble de la population sur les questions d'actualité (Dictionnaire de Science Politique).
Dès lors, les politiques, dans le cadre de la démocratie représentative, utilisent l'opinion publique comme moyen de légitimation de leur politique, ou au contraire, comme moyen de critiques à l'égard des gouvernants. En effet, la politique perçue comme légitime est celle qui correspond aux attentes de l'opinion publique : elle est devenue un réel enjeu politique.
Avec notre première constatation, nous pouvons établir un lien de fait : les politiques basent une partie de leur légitimité durant leur mandat par le biais des sondages.
L'importance de l'opinion publique, mesurée et matérialisée par les sondages, nous amène à nous demander de quelle manière elle est utilisée par le discours politique et médiatique, sans oublier de vérifier les contestations quant à son existence, sa mesure et son utilisation.
Dès lors, il s'agit au préalable de comprendre l'importance de l'opinion publique telle qu'elle est aujourd'hui, ainsi que la matérialisation établie par les sondages (I) afin d'expliquer les dangers que peut constituer l'utilisation politique et médiatique de l'opinion publique dont la réalité reste en débat (II).
[...] Supposons que parmi les gens qui étaient défavorables avaient mûrement réfléchi à ce sujet tandis que parmi les gens qui étaient favorables ont répondu au hasard / sans connaître le sujet / pour faire plaisir aux sondeurs / par crainte de dévoiler ses opinions politiques, etc. Et bien, il y aurait, parmi les gens ayant réfléchi sur le sujet, plus de personnes défavorables à la mesure . Pourtant, on dira quand même que la mesure est acceptée par l'opinion publique . Pour résumer, les questions posées ne sont pas des questions qui se posent réellement à toutes les personnes interrogées. [...]
[...] Un sondage d'opinion est une technique d'investigation reposant sur le principe d'une enquête par interviews standardisées, auprès d'un échantillon restreint, dans des conditions telles que les résultats en soient extrapolables à l'ensemble de la population représentée (Dictionnaire de Science politique). L'échantillonnage est une technique qui consiste à sélectionner des personnes dites représentatives de la population. Pour cela, on constitue l'échantillon de façon proportionnelle sur différents critères (age, sexe, milieu social, etc.) à la population visée. Les résultats du sondage constituent alors la mesure de ce que pense la population sur une question à un moment précis. [...]
[...] Il y a donc des réponses produites par ce que Bourdieu appelle l'éthos de classe c'est-à-dire le système de valeurs intériorisées depuis l'enfance (lié à sa classe sociale, sa génération, son niveau d'instruction, etc.), et qui ne correspond pas à l'interprétation du politique ou par le journaliste. La neutralité et l'objectivité voulues par les sondages sont en ce sens contestables. Par ailleurs, les enquêtes d'opinion sont commandées par des journalistes ou par des politiques. De fait, la problématique n'est pas désintéressée. En effet, les premiers cherchent à trouver des sujets qui font vendre c'est-à-dire avec des résultats chocs tandis que les derniers cherchent à légitimer leurs actions (ils vont demander des enquêtes en tentant d'obtenir des résultats qui les arrangent). [...]
[...] Loïc Blondiaux dira que les sondages ont réussi à transformer la notion d'opinion publique de concept ambigu en construit mesurable Les médias alors, n'hésiteront pas à personnifier l'opinion publique (laquelle, selon les circonstances, désapprouverait, approuverait, resterait mitigée . au point que celle-ci devienne un acteur jouant un rôle en politique, et utiliseront les résultats de sondage comme des données sûres. La place prépondérante de l'opinion publique dans le monde politique 1. L'opinion publique : un nouvel acteur politique qui s'est imposé progressivement La recrudescence des sondages politiques dans les années 60 en France est intimement liée à l'arrivée du Général de Gaulle au pouvoir. [...]
[...] L'opinion publique n'est alors qu'une minorité, alors que l'opinion du public émanait du peuple dans sa globalité. Notons que cette dernière opinion était déconsidérée et ignorée par les élites. Mais, avec l'émergence de la démocratie représentative, on a progressivement considéré que l'opinion publique émanait du peuple, et, de fait, les parlementaires ont prétendu parler en son nom. Pour autant, la presse s'est petit à petit revendiquée comme le porte-parole de l'opinion publique. Néanmoins, en 1930, le premier institut de sondage apparait aux États-Unis et, American Institute of Public Opinion fondé par M. [...]
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