Ingeniérie, Etat, territoire, démocratie, domaine, judiciaire, économique
L'histoire de la science est indissociable de celle de l'Etat, qui a cherché à l'exploiter dans une perspective d'unification nationale et de rationalisation de l'action publique. Les ingénieries d'Etat, autrement dit les savoirs d'expertise, s'inscrivent ainsi historiquement dans la modernisation et la complexification des sociétés occidentales et des Etats.
L'essor et l'institutionnalisation de ces « sciences d'Etat » s'est opérée dans des domaines très variées, devenus progressivement prérogatives de l'Etat : la sécurité, la justice, l'administration, la gestion des risques environnementaux et sanitaires, la politique extérieure de l'Etat… Une véritable bureaucratisation de l'Etat s'est alors progressivement instaurée, notamment autour des grands corps de l'Etat, afin de répondre aux commandes publiques. Depuis les années 1970 1980, l'Etat est régulièrement remis en cause, trop souvent considéré comme omnipotent et inefficace. On retrouve tout un courant critique, de droite comme de gauche, notamment autour de P.Rosanvallon , visant à mettre en lumière les carences de l'Etat et de son ingénierie. N.Sarkozy aujourd'hui tente d'épurer une fonction publique trop molle à son goût, trop importante, trop coûteuse et manquant d'efficacité dans la réalisation de l'intérêt collectif. On peut ainsi constater dors et déjà, que les Sciences de l'Etat et le pouvoir politique se nourrissent mutuellement dans une relation complexe : les sciences sont la source de nombreuses politiques publiques et elles constituent un argument de légitimation des orientations étatiques. De son côté, l'Etat a tenté durant tout son processus de construction et de modernisation, de garantir le développement de l'ingénierie d'Etat par sa puissance financière, structurelle et logistique, malgré des remises en question sur l'efficacité d'un tel fonctionnement.
Mais cette relation complexe entre pouvoir et scientificité n'est-elle pas aussi porteuse d'un certain nombre de dangers, de limites, de contradiction ? Une partie de la Science n'a-t-elle pas perdu son âme et sa fonction première, en s'adonnant à l'Etat, dont les intérêts sont souvent jugés trop proches des grandes entreprises, au détriment de l'intérêt collectif ? Peut-on critiquer la légitimité des experts ? Assiste-on à une nouvelle confiscation du pouvoir entre les politiques et les experts, enfermés dans une tour d'ivoire et une spirale infernale que les citoyens ne peuvent plus contrôler ? N'y a-t-il pas un danger à la confiscation du savoir scientifique par l'Etat ? L'ingénierie d'Etat est-elle toujours morale et rationnelle ?
A toutes ces questions, nous tenterons d'y trouver des réponses. Nous verrons ainsi dans une première partie comment l'Etat s'est construit progressivement autour de l'ingénierie d'Etat, en prenant plusieurs exemples éloquents. Nous nous interrogerons ensuite longuement sur les dérives et les dangers que comporte une telle évolution. A cet égard, nous tenterons de formuler plusieurs recommandations pour que la démocratie et l'ingénierie d'Etat soient réellement le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Autrement dit, nous nous essaierons du mieux possible de lancer des pistes de réflexion autour de la réorganisation de l'Etat, de son ingénierie, et des rapports qu'elles entretiennent mutuellement.
[...] - Entre savoir et décision, l'expertise scientifique Philippe ROQUEPLO éditions INRA. - Agir dans un monde incertain de M.Callon, P.Lascoume et Y.Barthe - Articles extrait du Dossier L'expert garde-fou incontrôlé ? Le Mensuel de l'Université Février 2008 : - «L'expert face au citoyen - Le citoyen, l'expert d'en bas - L'expert dit-il le droit ? - L'expertise, source de légitimité pour l'action publique - L'incertitude scientifique, rarement synonyme d'inaction politique - L'expertise économique en France : l'emprise du modèle anglo-saxon - Le rôle des experts dans l'affirmation de la précaution dans l'action publique sanitaire - L'expert dans le procès aux Etats- Unis : si loin, si proche - Recours à l'expertise et rôle du juge - Rapport pour C.Gilbert dans le cadre du cours du master STD L'interdisciplinarité à l'épreuve des risques -Eléments de cours d'H.Oberdorff dans le cadre du cours fondamental dispensé en 3°année sur les libertés publiques et fondamentales - Film Le monde selon Monsanto -Mémoire de année et toutes les lectures qui en découlé. [...]
[...] La République des experts un danger pour la démocratie et les citoyens ? Nous avons pu constater dans notre première partie, que le recours aux experts était devenu systématique au cours du processus de construction des Etats. Face à la démagogie et l'opportunisme des politiques au pouvoir, certains considèrent même que les experts incarneraient les derniers gardes fou de la démocratie, leurs recommandations aux tenants du pouvoir étant apolitiques, indépendantes et objectives. Pourtant, une telle affirmation paraît erronée, loin de la réalité, tant la République des experts incarne une nouvelle facette cachée du fonctionnement de l'Etat. [...]
[...] Par ailleurs, l'exemple suivant traitant du cas de l'ESB, montre en quoi le rôle des experts est de plus en plus prépondérant, la décision des politiques français de maintenir l'embargo sur le bœuf britannique à la fin des années 1990, ayant était calquée sur les conclusions des experts français, malgré l'avis défavorable des instances européennes. Le 23 juin 1999, la Commission européenne, décide de lever sous condition l'embargo sur la viande bovine britannique. Cette décision est donc censée s'appliquer pour tous les pays membres de l'Union Européenne. Néanmoins l'Allemagne et la France refusent de lever l'embargo sur le bœuf britannique suivant les recommandations de leurs experts nationaux, préconisant de continuer d'appliquer le principe de précaution suite à la crise de la vache folle. [...]
[...] Une partie de la Science n'a-t-elle pas perdu son âme et sa fonction première, en s'adonnant à l'Etat, dont les intérêts sont souvent jugés trop proches des grandes entreprises, au détriment de l'intérêt collectif ? Peut-on critiquer la légitimité des experts ? Assiste-on à une nouvelle confiscation du pouvoir entre les politiques et les experts, enfermés dans une tour d'ivoire et une spirale infernale que les citoyens ne peuvent plus contrôler ? N'y a-t-il pas un danger à la confiscation du savoir scientifique par l'Etat ? [...]
[...] Notre propos viendra plutôt illustrer, confirmer son analyse, plutôt que la contrecarrer. En effet, face à une société de plus en plus nombreuse et le passage d'une démocratie censitaire à une véritable démocratie représentative, le travail de l'Etat est devenu plus conséquent. Il recouvre aujourd'hui de multiples enjeux : la sécurité, la justice, la gestion et l'orientation de l'économie, la prévention et la gestion des risques environnementaux et sanitaires, la politique d'immigration, ou encore la politique étrangère et diplomatique de l'Etat. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture