Parler de champ politique, c'est dire que le champ politique est un microcosme, un petit monde social relativement autonome à l'intérieur du « grand » monde social. On trouve un grand nombre de propriétés, de relations, d'actions, de processus que l'on trouve dans le monde global, mais ils prennent dans le champ politique une forme particulière.
C'est pour cela que l'on peut parler d'autonomie : un champ est un microcosme autonome à l'intérieur d'un macrocosme social.
Autonome, étymologiquement, veut dire qui a sa propre loi, qui a en lui-même le principe et la règle de son fonctionnement. C'est un univers dans lequel sont à l'œuvre des critères d'évaluation qui lui sont propres et qui ne valent pas dans un microcosme voisin. Et donc, quelqu'un qui entre en politique, comme quelqu'un qui entre en religion, doit opérer une transformation, une conversion qui lui est tacitement imposée, la sanction en cas de transgression étant l'échec ou l'exclusion du champ.
[...] Avec de bons sentiments on fait de la mauvaise politique. Il faut apprendre la langue de bois, les trucs, les rapports de forces, comment traiter avec des adversaires. C'est une culture spécifique qu'il faut maîtriser sur le mode pratique. C'est une culture qui s'apprend, pour grande partie dans les écoles spécialisées, type Sciences Po, mais aussi sur le tas, à travers des confrontations. Par exemple, la forme la plus savante de cette culture est le droit constitutionnel. Il y a des moments où, si on n'a pas un minimum de culture en droit constitutionnel, on est exclu de toute une série de débats. [...]
[...] Autrement dit, les principes de division n'ont rien de gratuit. Ils sont constitutifs de groupes, et donc de forces sociales. Les idées en politique fonctionnent comme des idées-forces, elles fonctionnent comme forces de mobilisation. Donc qu'est-ce que la force dans un champ ? On peut dire que dans chaque champ, un certain type de pouvoir est opérant. L'idée, l'argent, les connaissances, la coercition peuvent être considérés comme des capitaux qui permettent de se positionner et de remporter des trophées dans les champs sociaux. [...]
[...] Voilà une proposition tacite du champ politique. D'ailleurs, les citoyens ont une certaine suspicion à l'égard de ces professionnels, qu'on accuse de complicité, une complicité préalable à leur désaccord. Par ailleurs, dire qu'il y a un champ politique, c'est dire que les gens qui s'y trouvent font et disent des choses qui ne sont pas déterminées par leurs relations avec les votants, mais avec les autres membres du champ. Un homme politique dit ce qu'il dit (sur la sécurité, la délinquance ) non pas pour répondre aux attentes de la population ou de ceux qui lui ont donné leur voix, mais par référence à ce que d'autres dans le champ disent ou ne disent pas, pour se différencier ou pour s'approprier le monopole de la représentation d'une idée et donc priver ses concurrents de ce privilège (le nationalisme pour Le Pen). [...]
[...] Chaque espèce de capital est lié à un champ et a les mêmes limites de validité que le champ dans lequel elle opère. Le pouvoir politique (le capital politique) est un capital relationnel qui est lié à la notoriété, au fait d'être connu et reconnu, notable, d'où le rôle très important de la télévision, qui a tout changé. Le capital politique est donc un capital réputationnel, symbolique, lié à la manière d'être perçu. [C'est volontairement que je ne parle que du capital politique, et pas des autres capitaux sociaux qui ont de la valeur dans le champ, ce qui montre la porosité des frontières du champ politique]. [...]
[...] Il est clair que dans ces cas, la prise de position est liée à l'occupation d'une position dans le champ politique. On peut donc en conclure que le fonctionnement du champ produit un effet de fermeture : plus un espace politique s'autonomise, plus il avance selon sa logique propre, plus il tend à fonctionner conformément aux intérêts inhérents au champ, plus la coupure avec les profanes s'accroît. On peut dire que cette coupure entre profanes et professionnels est due à l'existence même d'un champ politique, qui est le lieu de production et de mise en œuvre d'une compétence spécifique, d'un sens du jeu propre à chaque champ. [...]
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