Le schéma classique de définition du cycle de vie d'une politique publique repose sur une conception linéaire articulée autour de trois étapes principales : la mise à l'agenda, la mise en œuvre et l'évaluation. La trajectoire imprimée par cette summa divisio est foncièrement graduelle, une étape ne pouvant commencer que si l'étape précédente est complètement aboutie. De même, chaque niveau sert de miroir et de point de contrôle à celui qui le suit. La mise en œuvre est censée refléter la mise à l'agenda et permet d'en vérifier la réalité ; l'évaluation est censée attester du bon déroulement de l'implémentation et permet de s'assurer de la conformité de la mise en œuvre avec les objectifs découlant de la mise à l'agenda. Aussi, il ressort que la relation entre les différentes phases de la vie d'une politique publique est transitive (mise à l'agenda en relation avec mise en œuvre, mise en œuvre en relation avec évaluation, donc mise à l'agenda en relation avec évaluation). Dans cette logique le lien entre ces différents moments est unidimensionnel, asymétrique, et est toujours impulsé par la dynamique de mise à l'agenda. Le flux est toujours descendant.
Cette vision rigide du cycle de vie des politiques publiques, fortement inspirée par les courants de pensée rationaliste et de planification, apparaît quelque peu contestable au regard de la réalité. Elle suppose en effet, un contrôle total des paramètres d'incertitude liés à l'interaction avec l'environnement, et la minimisation ou l'élimination de limites endogènes et exogènes propres à une politique. Conditions rarement réalisables de fait dans le champ politique.
Tout au contraire, l'observation empirique révèle que les relations entre ces étapes sont plus riches et symétriques que dans le modèle précédent, ces dernières se définissant et s'influençant mutuellement. Ainsi en est-t-il de l'implémentation qui est considérée comme le niveau opérationnel ou concret de l'existence d'une politique publique. Dans le schéma classique l'implémentation a pour but de mettre en œuvre les objectifs fixés au moment de la conception. Elle n'intervient que lorsque ces derniers ont déjà été fixés. Limitée dans les objectifs, elle l'est aussi dans les moyens, prédéfinis dans la politique. Pressman et Wildavsky (1984) ont une perspective toute différente en soutenant que l'implémentation doit être perçue comme un processus d'interaction entre la définition des buts et les actions mises en œuvre afin de les réaliser. Loin d'être rigide et de suivre une trajectoire prédéterminée, l'implémentation se caractérise par une capacité d'adaptation et d'apprentissage continu. Elle constitue une entreprise évolutive qui se redéfinit sans cesse en informant les autres phases du processus.
La position de Pressman et Wildavsky a été déclarée « pessimiste » en ce sens qu'elle soutient que l'implémentation est rarement achevée et réussie du fait de la complexité des liens qu'elle couvre. Cependant, elle demeure fondamentale et a été constitutive d'une nouvelle approche de l'implémentation, plus flexible et « ouverte ». Notamment, le regard a été déplacé vers tous les éléments concrets ayant une influence sur le phénomène (les participants, les processus, les objectifs). Néanmoins, en dépit de sa pertinence, elle recèle d'importantes limites, théoriques et pratiques.
Dans ce travail, on s'intéressera aux difficultés de l'implémentation et à sa nature évolutive. On pourra constater ainsi que celle-ci est suggérée par les nombreux obstacles inhérents non seulement à la politique, mais aussi, souvent, par de nombreuses conditions exogènes, non statutaires ou institutionnelles (I). Puis, on s'attachera à présenter les limites d'une telle conception « ouverte » de l'implémentation, en insistant notamment sur la difficulté d'avoir une variable dépendante pour l'analyse (II).
[...] En effet, si les acteurs qui en ont la responsabilité ont moins recours aux indications fournies par le projet de mise en œuvre et la conception, il ya plus de risques de détournement et d'instrumentalisation. La mise en œuvre, si elle est un moment important d'une politique publique n'en est cependant pas le plus riche ni le plus déterminant. Limites de l'approche Bottom-Up Bien que suggérant de façon pertinente une réorientation du regard analytique, les approches de type Bottom-Up) ont reçu nombre de critiques. [...]
[...] Les acteurs du niveau opérationnel sont également des évaluateurs. À ce titre, ils ont pour rôle d'envoyer un feedback aux acteurs du sommet de la hiérarchie et de décider de l'orientation de la politique. L'incertitude créée par l'environnement, et leur spécialisation leur confère une grande discrétion. Ce qui entraîne que ces agents se départissent souvent des directives hiérarchiques et font une interprétation propre des tâches à effectuer fondée sur leur expérience concrète du terrain. Il pourrait en résulter une relation asymétrique entre ces deux niveaux de la hiérarchie dans la mesure où les acteurs du bas, maîtres de l'information cruciale, pourraient décider de ce qu'il faut transmettre ou pas, et ipso facto, de ce qu'il faut faire ou pas, échappant ainsi au contrôle des autorités hiérarchiques. [...]
[...] Essai de réflexion sur la mise en œuvre des politiques publiques Mots-clé : mise en œuvre, street-level bureaucrats, évaluation. Le schéma classique de définition du cycle de vie d'une politique publique repose sur une conception linéaire articulée autour de trois étapes principales : la mise à l'agenda, la mise en œuvre et l'évaluation. La trajectoire imprimée par cette summa divisio est foncièrement graduelle, une étape ne pouvant commencer que si l'étape précédente est complètement aboutie. De même, chaque niveau sert de miroir et de point de contrôle à celui qui le suit. [...]
[...] Il en résulte que la mise en œuvre reposerait sur des facteurs par trop irréguliers. Cela a pour conséquence d'accentuer l'asymétrie des rapports agent-principal et pourrait affecter, comme on l'a relevé plus haut, le sens même de la mise en œuvre, ou de la politique tout court. Bien qu'avérée, la marge de manœuvre et la discrétion des agents de terrain (street level bureaucrats) restent largement tributaires d'éléments tels la volonté politique, les éléments formels (design législatif) dont la précision peut varier selon les politiques à appliquer et selon leur sensibilité. [...]
[...] Il apparaît en effet, contradictoire, ou à tout le moins sclérosant, de prôner comme solution à un problème le problème de cette solution. Inéluctablement, l'entreprise est vouée à l'aporie. Deuxièmement, si l'opération se fait ex post, cela entraînerait une implémentation plus réactive et flexible. Certes, mais le focus est toujours mis sur les résultats (outcomes) d'une politique comme dans la perspective planificatrice, car le but avoué est toujours d'amener les concepteurs à trouver des moyens plus directs d'accomplir les fins désirées (Pressman et Wildavsky, ibid. p. 143). Il pourrait pourtant, être fructueux, comme le suggère Winter (ibid. p. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture