Comment fonder le droit de résistance ? Cette question porte en elle-même les germes d'un paradoxe qu'il convient de ne pas négliger. En effet, si le droit assure traditionnellement l'ordre social, la résistance conduit, quant à elle, à s'opposer à une autorité en considérant qu'elle n'est pas légitime. Le droit de résistance conduit donc à affirmer la possibilité de renverser l'ordre social, de désobéir à un ordre établi. Il pourrait donc y avoir une contradiction à penser les fondements du droit de résistance assimilé au « droit de désobéir ». Toutefois s'abstenir d'une réflexion sur le droit de résistance n'est-ce pas porter atteinte à la liberté de l'homme quand celui-ci est confronté à l'oppression, quand la loi se fait arbitraire à son encontre ? Face à l'oppression, le droit ne s'exprime pas alors nécessairement dans la loi : ce qui est légal n'est pas forcément légitime. S'intéresser à la manière dont se fonde le droit de résistance invite, en ce sens, à réfléchir en quoi, au nom du droit naturel, s'opposer au droit positif peut être fondé. Le peuple tient-il de la nature le droit de s'opposer à ses gouvernants, de leur résister au motif que ceux qui sont chargés du gouvernement utilisent le pouvoir qui leur est confié pour opprimer le peuple ? Si la tyrannie et l'oppression sont douloureuses la remise en cause de l'ordre établi n'est –elle pas un danger supérieur ? Fonder, c'est à la fois justifier et instituer. Par conséquent, réfléchir aux fondements du droit de résistance invite à s'intéresser aux évolutions conceptuelles qui, depuis le Haut Moyen Age, ont contribué à former les représentations qui en assurent le « bien fondé », cela invite également à réfléchir aux formes de son institutionnalisation dans le cadre légal. Il conviendra donc de suivre l'évolution de l'idée de droit de résistance dans la philosophie en montrant comment les réajustements ont permis la formulation définitive qui se trouve à l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme.
Aussi, après s'être interroger sur le droit de résistance comme devoir religieux, il conviendra de s'intéresser à la résistance comme droit naturel puis comme droit civil.
[...] C'est donc en vertu de la seule loi de la nature et d'une raison divine que la communauté détient le droit de résister à ses oppresseurs, puisque le pacte d'association ne se matérialise pas dans une institution capable de sauvegarder les droits des membres de la société. L'institutionnalisation et la légalisation récente du droit de résistance, héritière de la pensée lockéenne, fondent donc un peu plus encore ce droit qui a été institutionnalisé dans le cadre de la loi civile. B. L'institutionnalisation et la légalisation du droit de résistance Les démocraties modernes se sont inspirées des principes lockéens. [...]
[...] Théodore de Bèze développe également le prolongement institutionnel de sa théorie du devoir de résistance dans le Droit des Magistrats. Il appartient aux magistrats supérieurs (qui sont les représentants naturels du royaume tels les éphores de Sparte) de déposer le roi s'il trahit les exigences d'équité. Avec les monarchomaques, une théorie utilitaire du pouvoir se dessine : le peuple se donne au roi pour la satisfaction de ses besoins. Le roi devient le ministre de la communauté et non plus de Dieu, aussi, lorsque le peuple résiste à un Prince tyrannique, il défend ses propres droits naturels en même temps que la vraie foi. [...]
[...] Et c'est en 1982 que le Conseil constitutionnel a réaffirmé la valeur de droit positif de l'article 2 de la Déclaration et donc du droit de résistance à l'oppression. Plus largement, l'accès au juge administratif ou judiciaire représente un contrôle individuel des actions de l'Etat. Le recours pour excès de pouvoir qui tend à faire annuler pour cause d'illégalité les actes unilatéraux des autorités administratives est un exemple du droit de résister au pouvoir réglementaire. Toutefois, seule la Convention européenne des Droits de l'Homme prévoit ce recours au juge comme un droit fondamental. [...]
[...] Cette rupture s'accomplit contre l'augustinisme politique qui ne conçoit l'autorité politique que comme un remède imparfait de la faute originelle. La pensée d'Augustin disqualifie, en effet, le politique en considérant que le pouvoir temporel est dépourvu d'une finalité propre, il n'est qu'un simple instrument destiné à contenir les hommes marqués par le péché pendant la vie terrestre. La résistance ne trouve donc aucun fondement dans la théorie augustinienne puisque le pouvoir politique, aussi oppressif soit-il, n'est pensé que comme le moins mauvais moyen d'assurer la coexistence avant la vie éternelle. [...]
[...] Fondée comme un devoir religieux puis comme un droit naturel et enfin civil, la résistance est bien aujourd'hui, dans les démocraties occidentales, l'exercice d'un droit qui se traduit par l'institution de constitutions, de juridictions ou autres mécanismes de contrôle des actes du pouvoir. Peut-elle pour autant se limiter à cette existence ? Lui attribuer un mode exclusivement légal serait redonner une confiance totale dans le Gouvernement, assujettir l'homme et lui nier ce droit naturel, voire ce devoir, cette obligation morale qu'il a de conserver son essence et ses droits. Jean de Salisbury, Policraticus, IV Ibid Le droit de la guerre et de la paix. [...]
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