En 1882, l'Egypte cède ses provinces érythréennes à l'Italie qui profite des troubles agitant le nord de l'Erythrée pour occuper les hauts plateaux et établir une nouvelle colonie en Erythrée. En 1889, la signature du traité de Wuchale avec Ménélik II, empereur d'Ethiopie, formalise la présence italienne dans la Corne de l'Afrique.
La colonisation par l'Italie fixe les frontières de l'Erythrée moderne, elle crée une entité politique, modernise le pays du point de vue administratif, routier, portuaire et ferroviaire et suscite une petite bourgeoisie instruite. La colonisation intègre l'Erythrée au système capitaliste italien à travers l'agriculture et l'exploitation des ressources minières. Parallèlement la destruction du secteur artisanal national, alors en plein développement, l'importation de produits manufacturés annihile l'économie urbaine traditionnelle et les différents corps de métier. Mais ce ne sont pas tant les aspects économiques que politiques et notamment la politique impérialiste qui a nourri le mécontentement et la formation d'une prise de conscience nationale érythréenne. En effet, la défaite de l'Italie lors de la Seconde guerre mondiale pose la question du sort de l'Erythrée devant l'ONU : la GB propose un partage de l'Erythrée entre l'Ethiopie et la Somalie selon les frontières religieuses , l'URSS, escomptant une victoire communiste en Italie, soutient une rétrocession de l'Erythrée à l'Italie sous tutelle ou comme colonie , les Etats arabes se déclarent pour un Etat indépendant. En 1941, l'Erythrée est placée sous l'administration britannique, le peuple qui croyait recouvrer son indépendance, se trouve soumis à une politique de division confessionnelle. En s'appuyant sur l'Eglise, l'administration britannique va permettre l'intrusion de l'Ethiopie en Erythrée. Dès 1943, l'empereur subventionne un parti « unioniste » appuyé sur le clergé chrétien. Les britanniques affichent une attitude détachée de toute convoitise vis-à-vis du pays mais ils entretiennent des relations étroites avec l'Ethiopie notamment dans le cadre d'une convention politico-militaire signée en 1947. Les appétits d'Hailé Sélassié à l'égard de l'Erythrée ne sont pas ignorés des britanniques et s'expliquent surtout par des raisons économiques : « contrairement à l'Ethiopie soumise à la féodalité impériale, l'Erythrée possède une base industrielle et un littoral actif disposant d'un équipement portuaire moderne. De plus l'Erythrée connaît un développement rapide des villes ».
Des chrétiens, autour de Woldead Wolde Mariam, constituent avec des musulmans, le Parti progressiste libéral, hostile à l'union. De même, en 1946, est créée la Ligue musulmane qui fusionne avec le Parti progressiste libéral en 1949. L'opposition à l'union est manifeste. En 1952 l'un des premiers syndicats d'Afrique noire, l'Union générale des travailleurs érythréens, est créé. L'administration britannique avait promis aux Erythréens l'autodétermination, ils le lui rappellent à travers des revendications pacifiques caractérisées par un mouvement socioculturel à travers le pays (publications, associations…): des groupes éducatifs et des partis politiques se forment, des manifestations montrent que l'agitation persiste.
Une commission des Nations Unies est envoyée sur place pour déterminer les aspirations de la population. Ses conclusions sont contradictoires et la décision est laissée à l'Assemblée générale des Nations Unies qui recommande que l'Erythrée devienne une « entité autonome fédérée à l'Ethiopie ». La résolution 390 est votée le 15 septembre 1952. L'Erythrée n'est pas indépendante mais quelques droits démocratiques lui sont accordés ainsi qu'une certaine autonomie : elle a sa propre constitution, son parlement, ses langues officielles (le tigrignia et l'arabe), ses droits, ce qui posera problème pour un empire autocratique. Progressivement, à la suite d'une série d'assassinats et d'intimidations, l'autonomie sera vidée de tout contenu. La fédération à l'Ethiopie durera jusqu'en 1962, date à laquelle l'Empereur éthiopien fait pression sur l'Assemblée érythréenne pour abolir la fédération et soumettre ainsi entièrement l'Erythrée au pouvoir impérial. L'opposition proteste auprès des Nations Unies mais doit s'exiler. De l'étranger, va naître la lutte de libération nationale. En novembre 1962 l'annexion du territoire érythréen par l'Ethiopie provoque le début de la guérilla menée par le Front de libération de l'Erythrée (FLE). En 1975, la guerre totale est déclarée par le colonel Menguistu, après que l'empereur a été déchu. En 1991, l'Ethiopie perd sa « guerre coloniale ». Le 24 mai 1993, l'indépendance de l'Erythrée est proclamée à la suite d'un référendum populaire, approuvé par 99,8% des Erythréens (Cf., document 5, pp. 26-28). Issayas Afeworki, est élu président par l'Assemblée nationale.
Après trente ans de guerre, l'Erythrée moderne est née.
Selon quel processus, la situation de la province érythréenne, point de convergence entre plusieurs conflits, internes et externes, a-t-elle mené à la construction d'un Etat aux frontières coloniales ?
Il conviendra d'étudier la formation géopolitique de l'Etat érythréen [I] pour envisager ensuite sa construction « sociopolitique » [II].
[...] On ne peut pas qualifier le conflit Erythrée-Ethiopie de moindre car il existe en effet un risque de remise en question d'un territoire, l'Erythrée, qui se revendique Etat pour ne pas disparaître en se fusionnant avec un Etat plus grand, l'Ethiopie. Ainsi, dès le 1er septembre 1961, un contingent de onze hommes armés, dirigés par le patriote Hamed Idriss Awaté forme le Front de Libération de l'Erythrée (FLE) après que dans un premier temps les nationalistes érythréens avaient fait prévaloir une lutte pacifique à travers un mouvement appelé le Mouvement de Libération de l'Erythrée (MLE, créé en 1658). [...]
[...] N.H Kurdi, op.cit, p156. Ibid, p168. [...]
[...] Williamson, L'Erythrée : un peuple en marche, l'Harmattan, Paris 199p, p19 Menelik II reviendra ensuite sur l'accord. N.H. Kurdi, L'Erythrée, une identité retrouvée, Karthala, Paris 191p, p84 A.A. Mazrui, C. Wondji, Histoire générale de l'Afrique, UNESCO, Paris 639p, p116-117 de la résolution 390 du 2 décembre 1950, cité par A. Fenet, La question de l'Erythrée, PUF, Paris 157p, p24 N.H. Kurdi, L'Erythrée, une identité retrouvée, Karthala, Paris 191p, p151 J. Herbst, War and the State in Africa International Security, Vol.14, No.4, Spring 1990 N.H. [...]
[...] Le Congrès de Sadoha-Ela a lieu le 24 juin 1970 à l'initiative du mouvement de rénovation qui se rapproche de Osman Saleh Sabbé, afin de renforcer la lutte armée et d'instaurer une réelle organisation politique et idéologique. En février 1972, les rénovateurs concluent une alliance avec Osman Saleh Sabbé. La nouvelle organisation adopte le nom de Front de libération de l'Erythrée –Front de libération populaire (FLE-FLP) et rallie les combattants contestant la politique du Commandement général. Ce mouvement donne un nouveau dynamisme à la lutte armée. Le secrétariat général est remplacé par une Mission extérieure. [...]
[...] Cette menace, à l'instar des Etats européens étudiés par Herbst par comparaison aux Etats africains, a mené à une guerre dont le seul but était de faire d'un territoire aux frontières coloniales déjà établies un Etat à part entière. Contrairement, donc à la majorité des pays de Sud, et contrairement à la thèse de Herbst, l'Erythrée est une des exceptions africaines où l'Etat est entièrement né de la guerre. La guerre aurait donc été menée entre deux Etats (puisque selon les thèses majoritaires l'Erythrée disposait de tous les éléments internes d'un Etat et ce sont surtout ses frontières qui étaient remises en cause) dont l'un était potentiel et latent. [...]
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