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« L'électeur vote par plaisir », écrit le sociologue Philippe Braud, « beaucoup plus que pour défendre des intérêts ».
Pendant tout le XIXe siècle, l'État français oscille entre tentation démocratique (IIe République, par exemple) et percée autoritaire (lors de la première période du Second Empire, de 1852 à 1860). Ces tâtonnements, qui se traduisent par des changements successifs de régime, s'incarnent également dans les représentations et les sensibilités des cultures politiques françaises, à l'instar de la culture libérale. Cette dernière a ainsi justifié le vote comme un outil d'application de froide rationalité, dénuée au plus haut point de passions collectives jugées délétères et proprement pernicieuses. Cette logique rend légitime la restriction du vote : le suffrage censitaire est plébiscité par rapport au suffrage universel, puisque les « classes laborieuses », pour citer un classique de la vision libérale, sont avant tout des « classes dangereuses ».
[...] Ainsi s'est créée une civilisation du vote selon l'expression d'Élisabeth Dupoirier. Le vote est à la fois l'expression d'une légitimité, celle de la souveraineté du peuple ou de la souveraineté nationale (avec des variations importantes) en démocratie libérale, mais peut également être le moyen de contester un système en place, un gouvernement ou une oligarchie de fait : c'est la propension qui se développe avec la notion de vote contestataire . D'abord, le vote est bien l'expression d'une légitimité. Pour le général de Gaulle, par exemple, si la Cour suprême, c'est le peuple , ce dernier est également le dépositaire de la souveraineté : La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum (Constitution de la République art. [...]
[...] Or cette symbolique de l'exercice politique de la souveraineté est elle-même issue d'une longue maturation de la culture politique républicaine au sein de la société politique française. La droite du XXI[e] siècle, qu'elle soit orléaniste, bonapartiste ou légitimiste, pour reprendre la tripartition de René Rémond, n'est plus opposée au suffrage universel. Signe, s'il en est, que le vote est devenu un acte normal , c'est-à-dire une séquence d'activités routinisées, à laquelle l'électeur s'est progressivement et inégalement familiarisé . Et c'est parce que devenu partie prenante de la norme de la vie politique que le vote est également le canal de la contestation possible des dirigeants ou d'un système désigné, de l'énarchie autrefois vilipendé par Jean-Pierre Chevènement au capitalisme dénoncé par les franges radicales de la gauche contestataire (de Lutte ouvrière au Nouveau Parti Anticapitaliste). [...]
[...] Selon la perspective disciplinaire engagée, la matérialité du vote sera replacée dans tel ou tel contexte. Ainsi l'histoire électorale, par exemple, peut disputer la conscientisation du vote dans un processus démocratique à la socio-histoire des électeurs ; les socio-historiens du politique peuvent travailler , note Michel Offerlé, sur des terrains qui négligent les découpages chronologiques, puisque les phénomènes qu'ils objectivent ou les objets qu'ils entendent traiter ne peuvent être rabattus sur les coupures canoniques des régimes politiques . Le conflit est donc réel avec une histoire politique plus traditionnelle qui s'inspire de la stratification institutionnelle dans la longue matérialisation du vote et de ses ressorts pratiques, à l'instar de l'isoloir ou du recensement. [...]
[...] Pour autant, les mutations contemporaines qu'opère le régime de la démocratie libérale dans sa représentation du vote (notamment via la concurrence des systèmes dits illibéraux ) sont-elles à même d'enjoindre à repenser la fonction du vote au cœur de conceptions faisant l'objet d'un dépassement des cadres traditionnels d'expression du vote du déplacement de la sphère nationale à la sphère supranationale, où politique du symbolique et symbolique du politique engendrent, ce faisant, une dialectique nouvelle autour de la notion de vote ? [...]
[...] La culture politique libérale est sans doute celle qui a le plus de mal à se situer par rapport au vote. Issue d'un double mouvement (premièrement, l'héritage de la Révolution française avant la Terreur , c'est-à-dire 1793 pour reprendre la fragmentation de l'histoire de la Révolution qu'en fait l'historien François Furet dans Penser la Révolution française en 1978 ; secondement, une méfiance intrinsèque pour le régime démocratique entendu comme régime du suffrage universel de masses jugées incultes et, par conséquent, dangereuses), le libéralisme politique à la française tâtonne tout au long du XIX[e] siècle à propos de la question du vote. [...]
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