« Il faudrait avoir perdu tout esprit de rigueur pour essayer de définir le romantisme » écrit Paul Valéry. Effectivement, même si on parle du romantisme au singulier, ses facettes restent multiples. S'il est un mouvement artistique qui promeut la liberté et le lyrisme, il semble être plus largement un mouvement d'idées, voire même une « manière de sentir » (Baudelaire). Ainsi les romantiques ne se cantonnent pas à la sphère artistique (Michelet revendique le droit à une Histoire plus subjective ; Nietzsche une philosophie de la création), et certains se lancent dans la politique.
De l'engagement politique des romantiques, l'Histoire a retenu deux figures majeures de la littérature européenne. En Grande Bretagne, il s'agit du poète George Gordon Lord Byron (1788-1824), qui, après avoir été à la chambre des Lords, meurt héroïquement en défendant la Grèce qui réclame son autonomie face à l'Empire ottoman. En France, c'est Victor Hugo (1802-1885) qui, s'il est proche de Charles X et du duc d'Orléans à ses débuts, défend plus tard les pauvres et condamne la peine de mort en tant que député puis sénateur.
[...] De même que pour Hugo, l'engagement de Byron s'inscrit donc dans sa forme dans les règles de l'art romantique, à l'image des héros fougueux mis en valeurs à cette époque. Plus que dans la forme d'engagement, c'est bien dans les valeurs romantiques véhiculées dans l'engagement des deux poètes que se trouve l'unité d'engagement, à travers les thèmes de l'ouverture, du respect des masses populaires et de la liberté. Ces valeurs pour la plupart héritées des lumières, est revisitée par les romantiques qui leur redonnent leur noblesse à travers des œuvres ou des pratiques telles que la vie de bohème, symbole de liberté de vie loin des valeurs bourgeoises et plus proches du peuple. [...]
[...] Malgré toutes les divergences notoires entre l'engagement presque révolutionnaire (du moins révolté) de Byron et celui plus conservateur de Hugo, malgré les combats différents que mènent les deux poètes, ce qui fait l'unité du romantisme, ce sont les valeurs d'individualité, de liberté, de tolérance et d'humanité qui restent communes aux deux artistes. On peut alors bien parler d'un engagement romantique : il s'agit de l'affirmation des idées et valeurs romantiques, en partie issues de l'art romantique, à travers des actes sociaux et politiques. Plus largement, sans nécessairement s'engager politiquement à proprement parler, le mouvement romantique est porteur de l'idéal d'une société aux valeurs nouvelles et plus modernes. [...]
[...] Si Hugo et Byron n'ont pas la même façon de penser et d'agir, ils demeurent tous les deux fidèles à des valeurs romantiques. Leurs engagements véhiculent ces valeurs communes, que ce soit dans la forme de leur engagement ou dans les idées qu'ils défendent. Hugo et Byron n'ont certes pas la même manière de s'engager : même s'ils sont tous les deux des hommes politiques, le premier s'engage par la littérature et le second par le combat physique et révolutionnaire. Cependant, ils s'affirment de la même façon par des figures du romantisme. [...]
[...] S'il adhère ensuite à la république en tant que député en 1848, qu'il s'oppose au coup d'Etat de Napoléon III en 1852 (ce qui le forcera à l'exil) et qu'il se fait élire sénateur en 1876, il gardera une tradition conservatrice (il reste au parti conservateur, bien qu'il s'oppose fréquemment à celui-ci). Il faut donc prendre en compte deux étapes de la vie politique de Hugo. Dans la première il s'oppose radicalement à Byron en se positionnant clairement à droite. Mais est-il véritablement engagé ? Non : on ne retrouve pas dans les Odes et Balades la force des Châtiments, ni celle des Misérables. L'engagement de Victor Hugo vient donc après dans sa deuxième période. [...]
[...] Par conséquent, ce sont presque les rapports sociaux qu'ils veulent changer. L'engagement romantique est donc plus largement cette volonté de changer le monde une façon d'ouvrir les esprits pour que les romantiques, artistes ou non, puissent s'exprimer et vivre en étant libérés des carcans et coutumes de la société dans laquelle ils vivent. De ces différences de valeurs, de ce décalage entre les romantiques et la société ne pouvait naitre que la volonté de changer les choses, et cette volonté s'est également exprimée en politique. [...]
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