Dans les années 70, le débat sur l'avortement en France devient incontournable. Le moment est arrivé où un thème resté tabou pendant des siècles apparaît inévitablement sur l'espace public. Le contexte socio-historique ainsi que la situation politique que traverse la France explique en partie comment un sujet aussi polémique surgit dans la société, mais a en plus débouché sur la libéralisation de l'avortement, avec l'adoption de la loi Veil le 17 janvier 1975 substituant celle de 1920.
Pour cette étude de cas de l'avortement en France, nous allons examiner comment un problème public comme l'avortement émerge de la sphère purement sociale pour émerger dans la sphère politique, en observant comme il va évoluer au sein de celle-ci. On va donc se demander quelles ont été les étapes du processus de politisation de l'avortement en France et par quels mécanismes le consensus législatif à l'Assemblée (à savoir, son résultat final) a-t-il été possible ?
[...] III) La loi Veil, indispensable face à des nouveaux problèmes publics. La médicalisation comme protection de la santé publique et comme dispositif de contrôle de la procréation L'arrivée de Simone Veil comme ministre de la Santé va enfin déclencher l'institutionnalisation de l'avortement en France. Malgré les vives polémiques contre la libéralisation, dans son discours du 26 novembre 1974, elle défend fermement cette pratique. D'après ses déclarations, il suffit d'écouter les femmes pour comprendre la nécessité de légaliser l'avortement afin qu'il ne soit plus pratiqué dans la clandestinité. [...]
[...] La loi de 1920, avec son caractère répressif qui visait à réduire la pratique de l'avortement, n'a pas réussi à le faire comme le montrent les chiffres. Pour remédier cette inefficacité, les précurseurs de la loi Veil vont profiter du fait que tous les acteurs sociaux sont d'accord sur la nécessité d'empêcher que les femmes voient là une technique de contrôle des naissances» afin de la réduire. Comme l'avortement revient à finir avec la vie d'un embryon, le problème qui se pose pour la puissance publique est qu'elle est censée être garant[e], à travers la Constitution, de la protection de l'être humain dès sa conception C'est pour cela que la Loi Veil se veut, plus qu'une loi de libéralisation, une loi de dépénalisation qui admettrait l'existence de situations exceptionnellement graves dans lesquelles le recours à l'avortement doit être permis. [...]
[...] En effet, le problème qui se pose est de savoir quelles raisons pour avorter sont tolérées en dehors des motifs strictement cliniques. Pour sortir de cette aporie le concept de détresse selon lequel la femme [peut] demander un avortement uniquement dans des circonstances extrêmement douloureuses enlève une part de responsabilité aux médecins. D'après la loi Veil : peut demander une interruption de grossesse la femme que son état place dans une situation de détresse Un autre élément qui a rendu possible la médicalisation est celui de la clause de conscience. [...]
[...] Ceci permet la reconduction de la loi en 1979 : le résultat final du processus de politisation a bien été un consensus législatif. En somme, nous avons constaté comment il y a trente ans, l'avortement a su trouver sa place dans l'agenda politique français après un processus complexe. Si au début, on ne peut pas dire que l'avortement se trouvait dans le champ politique, nous avons observé les étapes à travers lesquelles il est devenu un clair enjeu politique. Ceci s'explique parce que dès les années 70, il résulte évident que l'avortement ne concerne pas quelques cas isolés de femmes honteuses et abominables, mais qu'il s'agit d'un phénomène d'une grande ampleur, d'une affaire sociale et sanitaire qui requiert l'intervention politique. [...]
[...] Par ailleurs, il faut ajouter que les critiques à l'égard de ce premier projet Messmer ont contribué à ce que la loi Veil postérieure soit reformulée et modifiée par rapport à ce premier projet de façon à ce qu'elle soit relativement moins polémique et donc moins compliquée à adopter. Ainsi, les divergences présentes dans ce nouveau débat national ne vont pas finir par devancer l'adoption de la loi Veil qui résulte d'un compromis consensuel entre les différents acteurs politiques. Nous voyons bien que dans le cas de l'avortement, la politisation a été faite par le champ politique lui-même. [...]
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