La question de l'élitisme a produit de nombreux ouvrages au cours des XIXe et XXe siècles ; de nombreux auteurs se sont intéressés à cette dimension de nos systèmes politiques, dimension qui fait se concentrer en un même groupe social et culturel le pouvoir politique à proprement parler, mais aussi un pouvoir d'influence, et de domination sur les autres groupes sociaux. D'autre part, ces élites républicaines sont bien souvent placées à la tête des administrations, chargées de veiller au bon fonctionnement du système étatique, et soucieuses du bien-être de tout citoyen. Selon Giovanni Busino, « pour l'écrasante majorité des chercheurs, le mot « élite » désigne actuellement tous ceux qui se trouvent au sommet de la hiérarchie sociale, y exercent des fonctions importantes, lesquelles sont valorisées et reconnues publiquement au travers de revenus importants, de différentes formes de privilèges, de prestige et autres avantages officiels ou officieux. »
Ainsi, la définition du terme élite ne semble pas poser de problèmes majeurs. L'usage moderne du terme élites n'est d'ailleurs apparu qu'à la fin du XIXe siècle, auparavant, ce terme désignait la fleur ou la crème, le meilleur d'un groupe, sans y associer de fortes connotations sociales (inégalitaires). En revanche, de plus en plus, le terme d'élite, et ceux qui en dérivent, comme élitisme ou élitaire, tendent à se charger de lourdes connotations négatives, car ils semblent désigner un modèle social et politique inégalitaire, ou certains individus sont privilégiés par rapport à d'autres. Ces différents termes opposent individus et masse, minorité et majorité. En effet, l'élite est constituée d'individus capables de diriger, de penser, mais elle ne représente qu'une faible minorité de la population entière. L'un des problèmes liés aux élites est alors cette tyrannie de la minorité.
[...] Les citoyens décident donc de leurs représentants, leurs élites, pour des critères d'opinion politique, de couleur politique, par la voie la plus démocratique, l'élection par le vote. Finalement, L'appartenance à une élite est une affaire d'opinion, l'appartenance à une aristocratie est une affaire d'institution et de nature. (Raymond Polin) Enfin, et c'est là le dernier point de divergence dans la nature même des élites, concernant ces deux modèles, ces deux principes considérant l'élite républicaine comme un citoyen vertueux, et l'élite courtisane comme un individu ambitieux et vil. [...]
[...] Tous les ordres créés (médailles, uniformes ) par la République pour distinguer les individus sont de l'ordre du paraître également : une pièce de tissu ou un rond d'or peuvent-ils constituer des preuves de sa supériorité ? Il le semblerait La division interne aux élites est également résonance de la société de cour d'Ancien Régime. En effet, les courtisans se disputaient les faveurs du roi, se disputaient donc un ordre hiérarchique au sein de leur élite, au sein de leur société. Paradoxalement, intégrer une élite c'est adopter les mêmes comportements que les autres membres de l'élite, mais c'est aussi se distinguer d'eux par différents processus. [...]
[...] Peut-on en dire autant pour notre démocratie ? Evidemment, cette question est très discutable, car le mérite est toujours considéré comme la condition principale d'entrée dans les élites (diplômes, faits politiques antérieurs, faits sociaux de bravoure, etc.), mais bien d'autres facteurs entrent tout de même en jeu aujourd'hui : toutes les recherches historiques montrent que l'origine sociale et l'ascendance familiale facilitent l'accès à l'élite (Giovanni Busino), de même, c'est la capacité financière aujourd'hui qui aide à entrer dans les élites (nécessaire pour établir une campagne politique par exemple), et les manières de gagner de l'argent sont diverses Enfin, ces différents effondrements des mythes républicains ont pour conséquence un discrédit de l'élite auprès du peuple, pourtant vrai faiseur d'Etats, car le suffrage universel porte en lui cette conception que le peuple, en délivrant sa souveraineté à une élite, construit le pouvoir politique. [...]
[...] Le modèle républicain veut que le citoyen de l'élite soit totalement libre de faire ce qu'il veut, jusqu'au point-limite où sa volonté le pousserait à détériorer la situation de la société et/ou de l'Etat. Par nature, une élite [républicaine] est liberté, liberté créatrice. (Raymond Polin) Ainsi, dans une démocratie, l'élite doit être capable de créer tout en se renouvelant sans cesse. Ce modèle est à la fois importé des démocraties européennes, mais aussi de la démocratie américaine, qui met plus l'accent sur l'efficacité de l'action entreprise, comme preuve de réussite et preuve de l'activité irréprochable du citoyen, le but recherché étant l'efficacité et l'action. [...]
[...] Si la cour était une société du paraître, la société élitiste moderne peut aussi être considérée comme une société où l'apparence prime sur les réalisations. Certes, au départ nous jugeons des capacités d'un individu de l'élite, sur ses actions, les faits qu'il a accomplis, mais progressivement, la masse des individus juge (et a toujours jugé) sur l'apparence physique et morale qu'il se donne. Ces comportements ridicules des courtisans décrits par La Bruyère ou Saint-Simon, des courtisans qui recherchent à se vêtir avec des matières précieuses, qui courent, vont dans tous les sens, recherchent la compagnie et la faveur des gens importants, ne cessent de porter des masques et des parures face aux autres, peuvent être comparés aux comportements de nos élites, des hommes et des femmes qui eux aussi recherchent la faveur des uns, et démontrent leur puissance par une richesse ostentatoire. [...]
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