La société française a été fortement marquée par le catholicisme dans son histoire, l'Eglise ayant depuis fort longtemps joué un grand rôle dans les relations sociales. Le christianisme, implanté dès le IIe siècle en France, s'enracine au fil des siècles dans la société. A partir du IXe siècle, la France donne l'exemple d'un peuple vivant à l'unisson avec sa foi, ses symboles catholiques et vivant au rythme du calendrier liturgique. La France est alors bien la « Fille aînée de l'Eglise », formule qui ne date pourtant que de la fin du XIXe siècle. La Révolution Française ainsi que la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l'Etat ont fait de la France un pays laïc, mais dont la population reste encore, dans ces heures troublées, majoritairement catholique. Malgré cela, on peut constater depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale (et même un peu avant), une forte baisse de la pratique religieuse et de la place de l'Eglise catholique dans la société française dans son ensemble. Cela est notamment très visible au regard de la pratique dominicale, du nombre de baptêmes, mariages, ou encore de celui des séminaristes. Selon un récent sondage paru dans le Monde des religions, un français sur deux aujourd'hui se déclare catholique. La croyance en Dieu est passée de 71% de la population il y a encore quelques années à 51% en 2007. Les français sont de moins en moins nombreux à s'affirmer catholiques et de plus en plus à se dire « sans religion ». Malgré cette baisse de la pratique et cette mise à distance vis-à-vis de l'institution opérée par la société française, on peut constater que les catholiques français ont toujours une bonne opinion de l'Eglise et du pape, 76% d'entre eux ayant une bonne image de l'Eglise et 71% de Benoît XVI. On peut voir là un paradoxe de la relation moderne entre l'Eglise et les catholiques français : ceux-ci font une nette dissociation entre un jugement favorable à l'institution et une adhésion tout aussi massive à des évolutions ou des propositions tout à fait contraires à son enseignement. Ainsi, la majorité des fidèles sont favorables au mariage des prêtres ou à l'ordination des femmes. Les catholiques épousent les valeurs dominantes de la société moderne, ce qui peut expliquer en partie le décalage grandissant entre certaines positions de l'Eglise et la société française. Certains affirment à l'aide de ces données que la société française n'est plus une société catholique. La baisse de l'influence de l'Eglise dans la société peut s'expliquer notamment, depuis 1945, par l'exode rural, les changements dans les mœurs, une volonté d'émancipation ou encore une montée de l'individualisme, même si on verra que le problème est bien plus complexe. Il semble aussi fondamental d'évoquer un nouveau phénomène sociétal : on assiste depuis quelques années à la montée d'une spiritualité individuelle. L'enjeu actuel pour l'Eglise est peut-être de se réapproprier cette volonté de « croire », ce besoin de spiritualité croissant de la société française, qui reste malgré tout marquée par les valeurs du christianisme. 1945 semble une date importante car elle marque l'entrée de la société française dans l'ère moderne, celle de la consommation de masse, des nouvelles technologies et augure de multiples transformations économiques, sociales, qui vont avoir une grande importance pour l'institution catholique.
On peut alors se demander comment la France a pu passer à des situations aussi contrastées en si peu de temps : d'une Eglise puissante en 1945, très bien implantée dans la société française, à aujourd'hui une Eglise abandonnée par ses fidèles et qui est décriée par une grande partie de la population, notamment pour son décalage avec les nouvelles valeurs d'une société du XXIe siècle.
Afin de répondre à cette question complexe, on verra tout d'abord que jusque dans les années 1960, l'Eglise garde une place non négligeable dans la société même si elle est affaiblie, puis on tentera d'analyser et de comprendre la crise de la fin des années 1960 et des années 1970 avant de s'interroger sur la place de l'Eglise dans la société française actuelle.
[...] De plus, une certaine prise de conscience de la déchristianisation qui touche la France commence avant 1945. En 1943, l'abbé Godin publie son livre France, pays de mission et développe déjà l'idée que la France n'est plus chrétienne. De nouvelles expériences vont être mises en place afin de palier à cette crise catholique, comme celle des prêtres ouvriers, que nous développerons plus tard. Ainsi, malgré la période trouble de la guerre, l'Eglise de France ne s'est pas trouvée remise en cause et continue à garder une place importante dans la société française. [...]
[...] Monseigneur Lefebvre, chef de file des intégristes, rejette l'œcuménisme et la liberté religieuse prônés par Vatican II et s'éloigne de l'Eglise officielle. Dans les années 1955-1975, la vigueur de l'intégrisme est réelle face à la perte de l'Empire colonial et à la montée de l'individualisme démocratique Cette distanciation perdure et Monseigneur Lefebvre crée la Fraternité sacerdotale Saint Pie X en 1970 et institue une réelle Eglise parallèle, des écoles, des lieux de culte (l'église Saint Nicolas du Chardonnet par exemple, conquise en 1977 à la suite de l'expulsion des occupants légaux et de son occupation). [...]
[...] En effet, depuis les années 1930, ces mouvements ont une grande vitalité. Ceux-ci, comme la JAC, JOC ou la JEC (Jeunesse Agricole, Ouvrière ou Etudiante Chrétienne) ou d'autres mouvements d'action catholique ont joué un grand rôle dans la société française. Ils ont formé les éléments catholiques de la Résistance française comme nous avons pu le noter, mais ont aussi œuvré à une certaine forme de rechristianisation de la société. Par exemple, les militants JAC, encadrés par leurs aumôniers, ont été des agents actifs de l'ouverture au monde et de la modernisation des campagnes française. [...]
[...] Ce dernier annonce en effet la tenue d'un concile pour permettre de réfléchir aux problèmes de l'Eglise, qui s'ouvre le 11 octobre 1962. Les encycliques pontificaux Mater et magistra en 1961 sur la question sociale et Pacem in terris en 1963 adressé au monde, même non catholique, eurent un grand retentissement car les catholiques ont alors l'impression que l'Eglise a réellement la volonté d'être en phase avec la société actuelle. Le pape souhaite lui même l'aggiornamento de l'Eglise, c'est-à-dire sa mise à jour, afin de s'adapter au monde d'aujourd'hui. [...]
[...] L'Eglise ne veut plus structurer comme avant l'ordre social. Beaucoup évoquent l'irrésistible érosion de l'Eglise catholique et de son influence au sein de la société française. A cet égard, les titres d'ouvrages de l'époque sont évocateurs : G. Mury publie en 1960 Essor et déclin du catholicisme français, F.Houtart L'éclatement de l'Eglise etc. On assiste également à une certaine forme de rébellion de catholiques et de non catholiques face à l'Eglise. Entre 1955 et 1975 s'exprime une volonté de changement dans l'Eglise de France, de l'idéologie et de l'institution ecclésiale. [...]
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