La France postrévolutionnaire est bâtie sur l'idéal d'indivisibilité et d'égalité. Jules Ferry, père de « l'école gratuite, laïque et obligatoire » et de l'identité républicaine a conféré au maître la fonction de rendre égaux les jeunes Français. Loin des conceptions philosophiques de Kant dans "Réflexions sur l'éducation", pour qui l'homme devait s'achever par lui-même ou de Rousseau, qui, dans "Emile ou de l'éducation", notait l'importance d'adapter l'éducation à l'âge de l'enfant et à ses capacités, la conception républicaine de l'école a rejeté les traitements différentiels au profit d'une uniformisation nationale.
De ces visions opposées, et eu égard à l'évolution de la société, est née une contradiction. Les inégalités sociales et le déclassement deviennent prépondérants en France, ce qui devrait conduire à des traitements différentiels. Toutefois, l'idéal d'égalité et la recherche d'un socle commun ne permettent pas de prendre en compte ces évolutions.
Est-il du ressort de l'école et a-t-elle les moyens de réduire les écarts sociaux grandissants entre les élèves ?
[...] Parmi ceux-là n'ont pas de travail au bout de trois ans. Dans les pays nordiques et anglo- saxons, la formation au projet professionnel fait partie intégrale de l'emploi du temps de tous depuis le collège. En Australie, au Canada, en Finlande ou encore en Norvège, une à deux heures par semaine sont consacrées à ces questions. La réforme Berthoin de 1959 ne s'était pas attaquée à la question de l'orientation. Elle sera traitée par la réforme Fouchet-Capelle de 1963 avec le report de l'orientation décisive de deux années, en 3e. [...]
[...] De plus, le phénomène est cumulatif : les écarts entre jeunes élèves ne font que s'accroître tout au long de la scolarité. Le système éducatif ne parvient pas à les réduire Outre, l'inégalité, il faut se demander le rôle que l'école doit jouer pour lutter contre le déclassement. Bien qu'Eric Maurin (La peur du déclassement, 2009) différencie la peur du déclassement avec le déclassement réel, qu'il qualifie de marginal, Louis Chauvel justifie cette peur au regard de la montée des risques et de perdre son statut. [...]
[...] Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières. Condorcet insista, dans son rapport sur l'instruction publique, sur l'importance du savoir élémentaire qui s'oppose à la fois à l'obscurantisme et au savoir cumulatif, qui permet ainsi de classer et d'ordonner les informations et d'éviter la critique d'Alain Finkielkraut, dans La défaite de la pensée : une paire de bottes vaut Shakespeare Deux siècles après Condorcet, l'école est en crise. L'école dans son principe n'est jamais remise en cause, toutefois, on l'accuse de reproduire les inégalités et de ne pas diffuser le savoir espéré. [...]
[...] En 1960, le baccalauréat était la clé d'entrée dans les classes moyennes intermédiaires pour de la population des bacheliers. Aujourd'hui, le baccalauréat est la norme dans des catégories employés ou ouvriers, et éventuellement chômeurs. Le déclassement, s'il est intergénérationnel, serait plutôt preuve de la perte d'importance de la famille dans les destinées individuelles, ce qui serait un signe positif en termes d'égalité des chances. Toutefois, ce déclassement ne touche pas que les enfants de cadre mais aussi ceux des ouvriers donc les mesures correctives doivent être du même ordre que celles qui touchent les inégalités. [...]
[...] Un dernier constat, tiré des pays nordiques et anglo-saxons, permet d'expliquer le déclassement. Dans ces pays, le flux croissant de diplômés s'est développé au rythme de la croissance des emplois qualifiés. Ainsi, il n'y a pas eu de déclassement par rapport aux diplômes. Au contraire, dans les pays d'Europe méditerranéenne, dont la France, la croissance des diplômes ne s'est pas accompagnée d'une croissance des emplois correspondants. Marie Duru-Bellat a montré dans L'inflation scolaire que la fluidité sociale ne dépendait pas des systèmes scolaires. [...]
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