"Ebauche sur l'Origine des Espèces" (1844) de Charles Darwin

Résumé du document

En quittant le Continent, et plus particulièrement la France, pour s'installer dans l'Angleterre de la première moitié du 19ème siècle, le transformisme et l'histoire du transformisme connaissent une certaine accélération, en particulier sous l'influence de Charles Darwin. Si la publication de l'Origine des Espèces en 1859 constitue la principale œuvre de ce dernier, cinquante ans après la Philosophie Zoologique de Lamarck, ici c'est un texte rédigé quinze ans auparavant, en 1844, qui retient notre attention. Ce « résumé provisoire » des thèses sur l'évolution des espèces – qui n'est pas destiné à la publication au moment de sa rédaction – constitue la première ébauche de l'auteur dans la mise en forme de ses théories transformistes. Cet Essai de 1844 de 240 pages succède à un premier schéma élaboré par Darwin en 1842, dans une version revue, rédigée, et augmentée. Retrouvé après la mort du naturaliste en 1909 par son fils Francis Darwin, ce manuscrit est édité pour la première fois en Angleterre sous le titre The Foundation of the Origin of Species. Le titre de l'époque illustre parfaitement le contenu de cette Ebauche de 1844, où l'on peut saisir déjà plusieurs années avant l'Origine des Espèces, la genèse et l'évolution de la pensée de Darwin. Cette première version rédigée des théories darwiniennes est donc fort proche dans son plan et son argumentation du texte de 1859, mais elle en diffère aussi en de nombreux points, fruit du travail de Darwin pendant cet « intervalle » de quinze ans de recherches. Ce texte de 1844 se compose de deux parties : une théorique, où l'auteur avance ses différentes hypothèses, et une seconde partie où l'auteur, conformément à la méthode d'induction baconienne, tente d'illustrer son propos par une première observation de la nature, nécessaire à la construction de théories valables. Plus globalement, le manuscrit de 1844 est pour l'essentiel rédigé, mais certaines parties demeurent sous formes de notes, ce qui traduit bien la volonté de Darwin de ne pas élargir la lecture de ce texte à un éventuel intéressé. La rédaction est faite de phrases longues et souvent complexes. Le vocabulaire et le langage se rapprochent fréquemment de la théologie naturelle, dans une rhétorique argumentative. Ainsi, synthétiquement, cet ouvrage aspire à traiter des variations des espèces à l'état naturel, par ce qui est la première formulation d'une théorie de la sélection naturelle, et par analogie avec les espèces dites domestiques.
Cela étant, cet extrait permettra de nous demander dans quelles mesures ce texte annonce la « révolution scientifique » de 1859, tout en étant le reflet, d'une part, de l'état des connaissances de Darwin en 1844, et d'autre part de la société scientifique de l'époque.
Ce faisant, au moyen de cet extrait, et dans la perspective de répondre à ces interrogations, nous nous intéresserons tout d'abord à la construction pratique et théorique du manuscrit de 1844, avant de nous pencher sur la mise en forme et le contenu de ce dernier, pour terminer par un aperçu des limites du texte, et sa brève comparaison avec l'Origine des Espèces de 1859.

Extraits

[...] Il convient de situer ce passage dans le contexte épistémologique de la Grande- Bretagne des années 1830. De nombreux ouvrages paraissent alors sur la méthode inductive nécessaire à l'élaboration d'une théorie scientifique reconnue (cf. Herschel ou Whewell en 1837 in History of Inductive Sciences), l'accumulation patiente et méthodique d'un ensemble de faits appuyant les théories. Or, l'Essai de Darwin en 1844, et cet extrait sur les variations à l'état de nature, ressemblait plus à des hypothèses qu'à un recueil de faits tangibles. [...]

[...] Cette double considération vient d'une part de l'observation des variations comme plus parfaites et donc moins nombreuses que les variations artificielles, et d'autre part des obligations intellectuelles de l'époque. La théorie de Darwin demeure une combinaison de la sélection et de la transmission héréditaire avec modifications. Les lois de variations ne sont plus que des conditions secondaires du changement. En 1844, Darwin considère la sélection naturelle est une réponse organique aux changements, s'exerçant par intermittence, surtout sur des petites populations, et souvent en situation d'isolement géographique. [...]

[...] La suite de l'ouvrage, et la fin de sa première partie est consacrée à l'étude des instincts et des attitudes mentales. Quant à la seconde partie descriptive, elle se fonde dans les chapitres quatre et cinq sur des observations géologiques, puis sur la distribution géographique dans le sixième chapitre, avant de poursuivre sur les différents modes de distinctions et de classifications des espèces dans les septième, huitième et neuvième chapitres. Le dixième et dernier chapitre servant alors de conclusion et de récapitulation à l'ouvrage. [...]

[...] Retrouvé après la mort du naturaliste en 1909 par son fils Francis Darwin, ce manuscrit est édité pour la première fois en Angleterre sous le titre The Foundation of the Origin of Species. Le titre de l'époque illustre parfaitement le contenu de cette Ebauche de 1844, où l'on peut saisir déjà plusieurs années avant l'Origine des Espèces, la genèse et l'évolution de la pensée de Darwin. Cette première version rédigée des théories darwiniennes est donc fort proche dans son plan et son argumentation du texte de 1859, mais elle en diffère aussi en de nombreux points, fruit du travail de Darwin pendant cet intervalle de quinze ans de recherches. [...]

[...] Dans la nature, le changement de milieu est une cause, analogue à l'action des hommes, considérée par ailleurs par Darwin comme aveugle et capricieuse, et qui provoquent des variations sur les espèces naturelles. En dépit de cela, la principale de difficulté pour Darwin est de connaître les causes organiques de ces variations. Car s'il a observé et constaté les variations, il ne parvient pas à les déterminer, et reconnaît cette lacune. C'est dans cette poursuite de la recherche des causes, que la sélection naturelle et l'étude de l'hérédité jouent un rôle capital dans l'exposé de ses théories. [...]