Dans ce contexte de moralisation du monde, il apparaît légitime de s'interroger sur le caractère moral du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, se définissant comme le principe selon lequel chaque peuple dispose d'un choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique (Pacte sur les droits civils et politiques du 16 décembre 1966).
Soumettre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes au recuisit de la morale nous amène ainsi à nous interroger à la fois sur ses fins, ses modalités d'application et ses conséquences.
Comment se définit le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? A quoi s'oppose-t-il ? Est-ce un principe découlant d'un prétendu droit naturel à vocation universelle ou est-ce un pur artifice juridique positif ? Par-delà ses visées premières, peut-il être dévoyé dans son application et aboutir à des conséquences de nature immorale ? Comment s'assurer de la moralité de ce principe institué et érigé au rang de premier des droits de l'homme sur la scène mondiale ?
Si les visées primordiales du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes apparaissent comme étant morales (I), ce principe est soumis à divers dévoiements qui peuvent le faire verser dans l'immoralité (II). Dès lors, il est nécessaire de redéfinir les conditions d'application de ce droit fondamental afin d'en assurer la moralité à la fois en principe et en fait (III).
[...] Une telle restriction de l'applicabilité du principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes mettrait déjà ce principe à l'abri de nombreux dévoiements et le recentrerait sur ses missions primordiales : non- ingérence et autodétermination Une révision des finalités Toutefois, l'affirmation de peuples titulaires d'un droit à disposer d'eux- mêmes opposable aux Etats ingérants ou indigènes ne doit pas avoir pour conséquence l'abolition de la structure étatique. En effet, l'application de ce principe devrait toujours se faire dans une perspective de state building. En effet, loin d'être une évolution sur le plan de la morale internationale, l'effacement des Etats n'est pas une garantie de paix perpétuelle. A ce titre, Kant concluait son étude sur les possibilités d'une paix perpétuelle par l'idée que cette dernière ne peut être acquise que par des accords entre les Etats qui doivent survivre comme éléments de pluralité et de diversité irréductibles. [...]
[...] Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est-il un principe moral ou immoral ? En ce début de XXIème siècle, la morale semble avoir droit de Cité dans les relations internationales ; en effet, l'on en voit depuis quelques années des exemples évidents et nombreux. Dès la fin des années 1980, la chute du communisme fut considérée par d'aucuns comme la promesse d'un monde nouveau de droits et de liberté. En Février 2003, les débats qui ont précédé l'intervention américaine en Irak étaient également scandés par des invocations incessantes à la morale. [...]
[...] Ainsi, l'Union Européenne pourrait s'ériger en modèle si elle parvenait à recréer un espace public démocratique à l'échelle européenne, comportant tous les attributs de la vie politique : débat citoyen, élections, et partis politiques, permettant ainsi à tous les peuples d'Europe de disposer librement d'eux-mêmes tout en réalisant un idéal commun de Justice. Références ALBALA, N., Souveraineté des Etats et souveraineté des peuples, Paris, Le Monde Diplomatique, Septembre 2005 BETTATI, M., Le droit d'ingérence : la mutation de l'ordre mondial, Paris, Odile Jacob CANTO-SPERBER, M., Les conditions d'une morale internationale, Conférence donnée à l'ENS, à l'occasion des Lundis de la philosophie (2006) Commission des Droits de l'Homme, Le Droit des Peuples à disposer d'eux-mêmes, Note du Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l'Homme, 59e session CORTEN, O. [...]
[...] Se révèle alors le tour paradoxal que peut prendre le principe de droit des peuples à disposer d'eux-mêmes puisque c'est par l'ingérence que celui-ci est respecté. Ainsi, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes se caractérise primordialement par des visées éminemment morales : protéger les peuples et les individus des atteintes et des abus de Souveraineté afin de préserver leurs droits fondamentaux et d'abolir le droit du plus fort. II Mais le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, parce que défini de manière trop floue, peut aboutir à des injustices, en contradiction avec ses buts premiers 1. [...]
[...] Nombreux sont ceux dans ces régions qui revendiquent ainsi la souveraineté des peuples sur les richesses naturelles et le renforcement de l'Etat comme puissance publique protectrice. En effet, l'Etat représente encore souvent le cadre, au moins potentiel, d'exercice du pouvoir démocratique et d'affirmation des peuples. Ainsi, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes à permis à des peuples dans le monde de reconquérir leur indépendance et leur liberté : la Yougoslavie en 1991, la Tchécoslovaquie en 1993, l'Erythrée en 1993 et le Timor Oriental en Un droit contre les abus de Souveraineté Mais si jusqu'à maintenant, il n'était pas nécessaire de faire une distinction nette entre Etat et peuple, celle-ci est essentielle pour comprendre le second but dudit droit des peuples. [...]
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