« Le respect et l'intégrité de la souveraineté de l'État sont des buts internationaux cruciaux, cependant, le temps de la souveraineté absolue et exclusive est terminé. Il faut trouver un équilibre entre la gouvernance interne des États et les nécessités d'intervenir dans un monde de plus en plus interdépendant ». Cette citation de l'ancien Président du Conseil de Sécurité de l'ONU, Javier Pérez de Cuellar, met en évidence deux tendances : d'une part, la protection par le droit international de la souveraineté de l'État, qui caractérise l'indépendance d'un État souverain par rapport aux autres ou à des instances supranationales, et d'autre part la nécessité de la remettre en cause dans notre monde actuel où certaines valeurs fondamentales sont partagées. C'est dans ce contexte où la souveraineté a évolué que le droit d'ingérence est apparu : le terme créé par le philosophe Jean-François Revel en 1979 désigne la reconnaissance du droit qu'ont une ou plusieurs nations, dans le cadre d'un mandat accordé par une autorité supranationale, de violer la souveraineté nationale d'un autre État. La définition du droit d'ingérence par opposition à la souveraineté prouve bien que les deux notions se contredisent par essence. Dans le même temps, l'existence même du droit d'ingérence sans remise en cause directe de la souveraineté sous-entend que de nouveaux principes autorisent la combinaison des deux concepts, ou du moins atténuent leur incompatibilité apparente.
[...] L'émergence d'un droit international qui régule les relations entre Etats souverains et qui théorise l'ingérence 1. Vitoria et Grottius : les fondations du droit international et la théorisation de l'ingérence. La colonisation espagnole des Amériques fait naître de multiples débats sur la notion d'ingérence. Deux avis s'opposent, le premier retient que la guerre juste l'est aussi lorsqu'il s'agit d'évangéliser des populations païennes et qu'il est permis de faire subir mauvais traitement, le second est celui de Francisco de Vitoria. C'est à travers les thèses de Francisco de Vitoria (1492-1546) que les premiers fondements du droit public international sont mis en place. [...]
[...] Du concept de peuple souverain, on va de plus en plus vers la notion d' individu en tant que sujet de droits. Avec les révolutions française et américaine des droits de l'Homme, le peuple devient souverain et l'Etat nation prend tout son sens. En d'autres termes, la liberté est incarnée dans une souveraineté d'en bas celle de la nation. On assiste à l'émergence des droits de l'homme comme source vraie et ultime de toute légitimité (selon les termes des Etats généraux français), envisagés dans leur universalité et consignés dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. [...]
[...] Vers une redéfinition de la relation même entre droits d'ingérence et souveraineté de l'Etat : la fin d'une contradiction ? 1. Un monde interdépendant qui redéfinit la notion de souveraineté et rend l'ingérence acceptable de facto La définition de la souveraineté a évolué dans un contexte de globalisation. La vision stratocentrée de la souveraineté empêche de penser de nouvelles formes d'organisation dans un monde interdépendant. Pourtant, aujourd'hui force est de constater qu'on assiste à un déclin de l'efficacité des Etats au profit de celle des organisations internationales. [...]
[...] La souveraineté de l'Etat telle qu'elle est conçue au Moyen Age est un principe d'autorité suprême incompatible avec le droit d'ingérence ; toutefois, l'émergence d'une réflexion centrée sur l'homme et les idéaux de paix vient progressivement questionner la légitimité d'une souveraineté d'Etat absolue Le bouleversement de la Seconde Guerre mondiale marque l'affirmation des droits de l'Homme comme valeur et référence suprêmes, qu'il faut protéger au prix d'une redéfinition de la souveraineté. Mais ne va-t-on pas vers un devoir d'ingérence se muant en véritable danger pour la souveraineté nationale ? I. D'une ingérence arbitraire, incompatible avec une souveraineté pensée comme absolue à sa progressive théorisation A. [...]
[...] L'inscription du droit d'ingérence dans les traités internationaux - La Charte de San Francisco de 1945 met en place ce qu'on peut appeler le droit d'ingérence légal en prévoyant des procédures d'intervention collective et un droit de légitime défense dans ces circonstances très spéciales, telles que la menace de la paix, la rupture de la paix, ou un acte d'agression Les mesures que peuvent alors prendre les Nations Unies dans ce cas sont interruption des relations économiques, des voies de communication, des relations diplomatiques et si ces mesures sont insuffisantes, l'étape supérieure est le rétablissement de la paix au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres. Cependant, ce droit d'ingérence ne remet pas la en question la souveraineté de l'Etat concernant ses affaires internes. Elle est même fermement réaffirmée dans la résolution 2131 (titre : interdiction d'intervention d'une tierce puissance dans les affaires intérieures d'un Etat). [...]
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