« Assemblée de notables réactionnaires » selon Edouard Henriot, « maison de retraite pour privilégiés de la politique » pour Noël Mamère, « anomalie parmi les démocraties », si l'on en croit Lionel Jospin ou encore « séquelle de l'histoire constitutionnelle » selon Yves Mény, le Sénat essuie souvent de très dures attaques et ses détracteurs sont légion. Acceptée et encouragée dans les pays fédéraux, la présence d'un Sénat dans un pays unitaire comme la France peut surprendre de prime abord, mais son existence est vue comme un contre pouvoir nécessaire. Institution venant directement de l'Antiquité, le Sénat est chargé non de représenter le peuple, mais « d'assurer la représentation des collectivités territoriales de la République » dispose l'article 24 de la Constitution. Présent, excepté sous la Seconde République, sous tous les régimes depuis la Constitution de l'an III instituant le Directoire, le Sénat a vu son existence confirmée par les Français, qui ont refusé le projet constitutionnel de 1946 prévoyant sa suppression. Pourtant, le Sénat subit aujourd'hui d'innombrables critiques en France, où son rôle est parfois méconnu.
Faut-il alors envisager la suppression de la chambre haute? Le bicaméralisme est-il aujourd'hui encore justifié en France ?
[...] Il y a représentation territoriale certes, mais assez fortement inégalitaire. On ne peut de fait que noter une prime à la ruralité et aux communes dont la population est relativement faible. Le Sénat est alors déconnecté en quelque sorte de la réalité : les petites communes sont par trop représentées par rapport au reste de la France. Maurice Duverger, grand pourfendeur du Sénat, le qualifiait de chambre des agriculteurs afin de faire ressortir l'inégalité fondamentale de représentation qui caractérise la chambre haute en France. [...]
[...] Ce phénomène contribue à décrédibiliser le Sénat en lui donnant un caractère de gérontocratie. De plus, le Sénat est une assemblée très inégalitaire en termes de parité hommes/femmes : les sénatrices ne sont que 56 depuis 2004, soit 17% seulement des sièges. Conjuguée à la moyenne d'âge élevée des sénateurs, ce chiffre exprime à merveille le manque de représentativité dont souffre le Sénat. Une chambre à caractère démocratique limité Le Sénat n'est pas élu au suffrage universel direct, mais indirect : les sénateurs sont élus par un collège assez large de Grands Électeurs, dont l'immense majorité est constituée par des conseillers municipaux. [...]
[...] Les discussions avec l'Assemblée entraînent, quasiment systématiquement, des compromis sur les textes soumis à l'approbation des parlementaires. Comme l'exprime Christian Poncelet, actuel président du Sénat, le bicaméralisme équilibré, fondé sur l'existence de deux assemblées parlementaires à part entière, mais différenciées, est la garantie d'un double regard sur la loi qui transcende souvent les clivages politiques En outre, le travail des sénateurs est considérable, puisque l'on estime que les 2/3 des lois sont rédigés par les sénateurs. On peut le voir à travers la controverse récente portant sur les tests ADN : le Sénat a réécrit de manière très importante le texte afin d'éviter les excès éventuels du texte d'origine, ce qui n'eut pas été fait sans chambre haute ) Une représentation nécessaire des territoires Le Sénat vient représenter la France non dans sa population, mais dans les collectivités locales, dans ses territoires. [...]
[...] Seule l'élection des sénateurs au suffrage universel direct serait capable de leur donner la légitimité dont jouissent le président de la République et les membres de l'Assemblée nationale. Un vote à la proportionnelle apparaît alors comme un moyen intéressant d'assurer une représentation nationale plus diverse et d'entendre des voix dissonantes, et pourrait enfin éteindre le débat entre partisans du scrutin proportionnel et thuriféraires du scrutin majoritaire. Le fait que des formations politiques qui recueillent durablement et régulièrement un nombre important de suffrages soient totalement exclues de l'Assemblée ou y tiennent une place marginale limite le caractère démocratique du système. [...]
[...] Doit-on supprimer le Sénat ? Assemblée de notables réactionnaires selon Édouard Henriot, maison de retraite pour privilégiés de la politique pour Noël Mamère, anomalie parmi les démocraties si l'on en croit Lionel Jospin ou encore séquelle de l'histoire constitutionnelle selon Yves Mény, le Sénat essuie souvent de très dures attaques et ses détracteurs sont légion. Acceptée et encouragée dans les pays fédéraux, la présence d'un Sénat dans un pays unitaire comme la France peut surprendre de prime abord, mais son existence est vue comme un contre pouvoir nécessaire. [...]
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