La prise en compte des origines n'est pas nouvelle dans l'histoire des statistiques françaises. En effet, l'introduction dans le recensement d'une question relative à la nationalité des personnes résidantes sur le sol français remonte à 1851.
La nationalité était alors enregistrée en trois catégories : les Français de naissance, les Français par naturalisation et les étrangers, sans plus de précisions, en particulier concernant ceux qui se déclarent naturalisés. Ce n'est qu'en 1962 qu'on leur demandera de déclarer leur nationalité d'origine.
Les statistiques relatives aux origines se développent surtout au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et à l'arrivée massive d'immigrés en provenance d'Algérie sur le territoire français.
Néanmoins, à partir des années 1990, on se rend compte que la catégorie « immigrés » du recensement n'est pas assez précise pour rendre compte de la réalité sociale et en particulier de la question des relations interethniques. Il s'agit notamment de prendre en compte les personnes de la seconde génération, communément dénommées comme étant « issues de l'immigration ».
Pourtant, à l'heure actuelle, établir des statistiques ethniques est prohibé par la loi Informatique et Libertés de 1978, selon laquelle « Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques. ».
Il s'agit donc de se demander s'il faut aller plus loin dans la collecte de données statistiques, ou en d'autres termes : doit-on établir des statistiques ethniques ?
[...] Selon leurs détracteurs, donner une réalité sociologique à des groupes ethniques reviendrait finalement à leur conférer une réalité sociale, voire politique. Cela favoriserait donc l'émergence d'un certain communautarisme au sein de la société française, ce qui serait contraire à notre tradition républicaine. Les statistiques ethniques feraient alors jaillir des sentiments identitaires parmi les populations discriminées. Sentiments qui pourraient se propager à d'autres groupes sociaux caractérisés par exemple par leurs orientations sexuelles ou encore leur religion. Il y a également débat autour de la récolte des statistiques ethniques : fichier de gestion ou fichier d'enquête ? [...]
[...] De plus, le refus de prendre en compte les catégories ethniques risquerait de conduire à négliger les phénomènes sociaux qui sont pourtant réels. Ainsi cela rendrait par nature nul l'ensemble des politiques publiques de lutte contre les discriminations ou des inégalités, ces dernières n'étant pas prouvées. Il existe effectivement un lien étroit entre les politiques publiques et l'utilisation d'outils statistiques nouveaux. On peut d'ailleurs se demander si l'utilisation de statistiques ethniques ne serait pas un moyen de définir et de qualifier juridiquement les discriminations. [...]
[...] Conclusion On constate que le débat autour de la question des statistiques ethniques est surtout une opposition entre une vision politique et scientifique du problème. Comme le rappelle très bien Gwénaële Calès, directrice scientifique du Centre d'analyse stratégique, tout ce qui fait progresser la connaissance n'est pas nécessairement bon à prendre Les échanges se cristallisent également autour de la méthode pour définir et mettre en place ces statistiques. Pourtant, au-delà de ces questions techniques, et tout en se gardant de raisonner sur une mise en place de catégories ethniques trop manichéenne, il ressort qu'une meilleure prise en compte des origines dans les statistiques est aujourd'hui essentielle pour répondre de manière pertinente aux défis de la société française de demain. [...]
[...] En particulier à l'égard de toute politique de quota, qui serait une réponse inadaptée aux problèmes de discriminations. Il ne faut pas que seul le critère ethnique entre dans les processus de recrutement des entreprises. Enfin, un des risques d'établir des statistiques ethniques est leur utilisation pour des motifs tout autres que ceux pour lesquels elles ont été mises en place originellement. On pense en particulier à la dérive au Royaume-Uni, où les catégories tendent à être utilisées pour répondre à des impératifs de politique intérieure plutôt qu'à des motifs socio- démographiques. [...]
[...] Il y a certes un changement dans l'état de droit mais pas dans l'état de fait. La société française est consciente du décalage entre le discours sur l'intégration et la réalité sociale, mais elle est encore réticente à mettre des mots dessus. Pourtant, à sa manière, les gouvernements successifs ont tenté de lutter contre les discriminations et les ségrégations, sans pouvoir clairement les identifier et les caractériser, par exemple par l'intermédiaire de politiques territoriales à l'image des Zones d'Education Prioritaires (ZEP) élaborées en 1981. [...]
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