En décembre 2005, Mahmoud Ahmadinejad, président actuel de la République islamique d'Iran, déclarait : « nous n'avons pas fait la Révolution pour avoir la démocratie ». En effet, la révolution islamique de 1979 a instauré, sous l'impulsion de l'ayatollah Khomeiny, un régime théocratique en Iran, c'est-à-dire un régime politique dans lequel le pouvoir est présenté comme d'essence divine, et où la caste sacerdotale cumulant les fonctions temporelles et spirituelles, domine les représentants civils. Dans ce type de régime, la souveraineté est d'origine divine et non pas populaire, et c'est d'abord sur ce point que le régime iranien s'éloigne d'un régime démocratique. Ce dernier est en effet fondé sur la participation effective du peuple au système politique, le pluralisme politique, mais surtout le respect et la protection des droits fondamentaux, en particulier des libertés individuelles. Alors, quels étaient les intentions des religieux lors de la révolution de 1979, dans laquelle Ahmadinejad continue, semble-t-il, de s'inscrire, et qu'en est-il de l'Iran aujourd'hui ?
[...] Les libertés fondamentales de la population sont d'autant plus restreintes que le régime se radicalise. Les opinions différentes de la ligne tracée par le régime ne sont pas acceptées. Ainsi selon l'historien Ervand Abrahamian, les tribunaux révolutionnaires ont fait exécuter 497 opposants politiques, qualifiés de « contre-révolutionnaires » ou de « semeurs de corruption sur terre » entre février 1979 et juin 1981. Les quatre années qui suivront, ce seront 8000 opposants ? dont des participants de la première heure à la révolution ? qui seront exécutés. Des exécutions de « prisonniers de conscience » (Amnesty International), des nettoyages d'université dans un objectif de « révolution culturelle » et d'islamisation de l'enseignement supérieur qui passe par le remplacement des enseignants par des doctrinaires (maktabi) puis leur fermeture totale pendant deux ans, auront également lieu. Enfin, la fatwa lancée contre Salman Rushdie, auteur des Versets sataniques, et la réaction du pouvoir face aux critiques lancées par l'ayatollah Montazeri à l'encontre du pouvoir en place prouvent à quel point le régime peut se montrer agressif lorsque on remet en question leur modèle. Le régime se durcit aussi du fait des évènements extérieurs : la prise d'otage à l'ambassade américaine marque la radicalisation du régime ; la guerre contre l'Irak renforce le pouvoir en place (...)
[...] II) Une quête de la démocratie difficile A. La présidence de Khatami, un pas vers la démocratie ? Une volonté d'ouverture Les différents présidents de la République islamique inscrivent globalement leur politique dans la lignée de celle en vigueur sous Khomeiny. Khatami, pourtant, se démarque par sa volonté de démocratiser –relativement-‐ la société iranienne. Son arrivée au pouvoir en 1997 symbolise un véritable changement et marque le début d'une période réformiste. La presse est plus libre. Le nouveau Président, très populaire, n'hésite pas à parler de développement politique de citoyenneté ou de société civile semblant vouloir redonner au peuple la place qui est sienne dans un régime démocratique en garantissant ses droits et libertés. [...]
[...] Le régime en profite pour consolider ses institutions, éliminer ses éventuels concurrents et renforcer son appareil répressif. La guerre devient en fait, surtout dans sa deuxième phase, un combat pour le triomphe de la Révolution islamique. Une modification de la Constitution au détriment de la souveraineté populaire Dans la lignée d'un certain nombre de changements constitutionnels en cours depuis 1988, une révision constitutionnelle est adoptée par référendum, le 28 juillet 1989. La tendance générale qui se dégage de cette réforme est celle du renforcement du caractère présidentiel du régime. [...]
[...] Une Constitution théocratique Cette nouvelle Constitution est, comme le souhaitait Khomeiny, à cent pour cent islamique. Le Guide, plus haute autorité de la République islamique, nommé par une Assemblée d'experts pour une période indéterminée, a des pouvoirs extrêmement étendus : il définit les politiques générales du régime et supervise leur bonne exécution ; il peut seul faire appel à un référendum ; il nomme le commandement suprême des armées, peut déclarer la guerre, proclamer la paix et ordonner la mobilisation ; il nomme et révoque les jurisconsultes religieux membres du Conseil des Gardiens, l'autorité suprême du pouvoir judiciaire, le directeur des médias (radio et télévision), le chef d'Etat-‐major général, le commandant en chef des Gardiens de la révolution (organisation paramilitaire du régime) ; il arbitre les conflits et organise les relations entre les trois ; il signe les décrets de nomination du Président ; il confirme les candidats autorisés par le Conseil des Gardiens à se présenter à l'élection présidentielle, il peut révoquer le Président de la République dans certaines circonstances ; et il détient le droit de grâce et de réduction de peine (article 110 de la Constitution). [...]
[...] Les Iraniens, malgré les différentes luttes menées, ne sont pas encore parvenus, à ce jour, à se doter d'institutions qui soient véritablement démocratiques et respectueuses de leurs droits fondamentaux. Pourtant, au regard des évènements récents –dans la lignée du printemps arabe notamment-‐ le système ne semble plus inébranlable ; la société civile iranienne, de plus en plus mature et organisée, travaille à la démocratisation du régime. Bibliographie : Lexique de science politique, Vie et institutions politiques, sous la direction de Olivier Nay, Dalloz (2008) Mohammad-‐Reza Djalili et Thierry Kellner, Histoire de l'Iran contemporain, La Découverte Repères (2010) Khosrokhavar Farhad, L'Iran, la démocratie et la nouvelle citoyenneté Cahiers internationaux de sociologie, 2001/2 111 Article L'étrange démocratie iranienne site internet http://www.libres.org Quelle voie pour la démocratie en Iran et son environnement stratégique ? [...]
[...] Si les Iraniens semblaient s'être sentis plus concernés que d'accoutumée par la campagne électorale, ils se mobilisent encore plus les jours suivants la proclamation des résultats pour dénoncer cette injustice, aux cris de à bas la dictature ou encore rendez moi mon vote La répression est brutale et massive, mais le monde entier est marqué par la spontanéité et la maturité politique des Iraniens, soutenus par le fameux Mouvement Vert conduit par Mir Hossein Moussavi, venus réclamer leurs droits bafoués, contrairement à ce que le régime s'évertue à faire croire. Cette crise a mis le régime iranien au pied du mur. Aujourd'hui, il semble pourtant avoir rétabli son autorité, mais cette mobilisation de la société civile, qui a ressurgi lors du printemps arabe, a remis en question et durablement soulevé le problème de la légitimité du régime. [...]
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