« Cette constitution forme un tout et c'est pourquoi toute modification, sous prétexte de toilettage, ne peut que préoccuper ceux qui souhaiteraient que la France soit gouvernée » écrivait Michel Debré alors que les premières critiques s'abattaient sur la constitution née en 1958. Il s'agissait pour lui de discréditer toute tentative de fragiliser le nouvel équilibre institutionnel et de prévenir le retour discret d'un régime d'assemblée. Pourtant, les mêmes critiques continuent 50 ans plus tard de s'abattre sur la constitution, fustigeant la prépondérance du président et la soumission du parlement à l'exécutif.
[...] Il s'agit dès lors d'effectuer une redéfinition des pouvoirs du président et du premier ministre pour établir un partage plus clair des responsabilités. Cela s'illustre tout d'abord avec la reconnaissance d'un domaine réservé du président de la République, comprenant les affaires étrangères et militaires. Sont constitutionnalisées la prééminence et la compétence du président dans ce domaine, ne faisant du premier ministre que l'organisateur de la défense national disposant à cet effet des forces armées Le rapport Balladur intègre à la demande de Nicolas Sarkozy une originalité : la possibilité pour le chef de l'Etat de se présenter une fois par an devant le Congrès pour présenter et défendre sa politique. [...]
[...] Car même la timidité des réformes que proposent les rapports Vedel et Balladur a choqué et choque encore les parlementaires par leur radicalité, ce qui nous interroge sur la possibilité d'un changement de la Ve République. La confrontation des constructions intellectuelles à la réalité : l'impossible application ? La question se pose : ces timides révisions institutionnelles ont-elles une chance d'aboutir ? Alors que les propositions soumises à l'appréciation des parlementaires par le rapport Vedel n'ont pas abouti faute de soutiens, qu'arrivera-t-il aux propositions du comité Balladur, livrées aux querelles partisanes et aux intérêts des parlementaires ? [...]
[...] La commission Balladur, reprenant les idées du rapport Vedel propose une répartition de l'ordre du jour qui laisse le parlement le fixer deux semaines sur quatre. Cette réforme, en plus de renforcer le rôle du parlement, participe aussi de la révision du statut du parlementaire que proposent les rapports. Il s'agit par cette révision constitutionnelle de donner au parlementaire un nouveau statut, aligné sur les modèles étrangers. En ce qui concerne l'opposition, les rapports cherchent à la doter d'un véritable statut, sur le modèle anglais : là où le rapport Vedel préconise l'initiative de la création d'un comité parlementaire à une minorité des voix et le vote de certaines lois à la majorité qualifiée pour donner plus de poids aux votes de l'opposition, le rapport Balladur va plus loin, permettant à l'opposition de décider une fois par mois de l'ordre du jour et préconisant l'instauration d'une dose de proportionnelle dans l'élection des sénateurs plutôt que des députés afin de briser la solidité de majorités autrement écrasantes. [...]
[...] Une révision constitutionnelle sera finalement votée, mais qu'en sera-t-il du rapport Balladur ? Restera-t- il comme la principale source d'inspiration de la révision, ou sera-t-il, à l'instar du rapport Vedel qui lui a servi de modèle, remisé au rang des vaines constructions intellectuelles, élaborées avec soin, mais inadaptées à la réalité politique française ? Conclusion Du rapport Vedel au rapport Balladur, rien n'a changé dans le paysage politique français: aux mêmes maux sont proposés les mêmes remèdes, aux mêmes remèdes sont opposée la même résistance farouche du malade. [...]
[...] D'un rapport à l'autre, les mêmes résistances se dressent, les parlementaires se murent dans les habitudes acquises depuis 50 ans, rétifs à des changements qui leur accorderaient plus de pouvoirs. Le rapport Balladur se présente donc comme une copie actualisée du rapport Vedel, dans son esprit comme dans son itinéraire, avec quelques touches présidentialistes en plus qui auront été rapidement gommées lors des modifications effectuées pour parvenir à un compromis. Du rapport Vedel au rapport Balladur, ce sont finalement la timidité des réformes et la résistance au changement qui s'illustrent plus que l'épanouissement d'un régime et d'une démocratie sûrs d'eux-mêmes. [...]
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