La Tchécoslovaquie, fédération crée en 1918, a cessé d'exister le 1er janvier 1993, laissant derrière elle plus de soixante dix ans de vie commune entre les Tchèques et les Slovaques. Cette partition a été le fruit d'un accord entre les gouvernements des deux républiques, l'ODS ou Parti Civique Démocratique de Vaclav Klaus et le HZDS de Meciar. Il n'y a pas eu d'amendement constitutionnel, ni même de référendum. La scission a été très rapide et pourtant les causes, si diverses soit elles, semblent appartenir à du long terme. La mésentente des tchèques et des slovaques s'insère dans une crise latente qui s'exprima au début des années quatre-vingt dix lors de la « guerre du tiret » et dura jusqu'au divorce. Certes, la cause de cette séparation est due à une multiplicité de facteurs liés à une difficile sortie du communisme et à des difficultés dans la transition démocratique des deux pays, mais l'on peut voir que la faiblesse de la Tchécoslovaquie remonte à sa création, elle-même fragile. Les deux peuples n'avaient pas la même conception de l'Etat et de sa gestion. Plus que des idées différentes sur la forme de leur partenariat, les actions menées, de part et d'autre, l'étaient aussi. Dès le départ, les Tchèques se sont appropriés l'Etat, mettant sur le même plan nationalisme tchèque et nationalisme tchécoslovaque, tandis que les Slovaques s'enfonçaient dans un malaise identitaire. Ainsi, les Tchèques s'assurèrent un rôle central dans le fonctionnement de l'Etat commun alors que les Slovaques se sentirent exclus du système et des prises de décision politiques. Seule la ville de Prague essaya d'intégrer la Slovaquie dans l'Etat commun, à la fois sur le plan culturel et économique mais cela n'a pas suffit à empêcher l'éclatement de l'Etat commun.
Nous avons décidé dans ce devoir de nous attacher uniquement à la question identitaire en relation avec le divorce tchécoslovaque ; cela à partir des regards et des discours mobilisateurs des intellectuels. Nous définirons un intellectuel comme une personne qui, du fait de sa position sociale, dispose d'une forme d'autorité et s'engage dans la sphère publique pour défendre des valeurs. Selon les historiens Pascal Ory et Jean-François Sirinelli, un intellectuel est «un homme du culturel, créateur ou médiateur, mis en situation d'homme du politique, producteur ou consommateur d'idéologie» . Cependant, il faut admettre qu'il est difficile de poser une définition universelle de l'intellectuel. Le terme de discours est lui aussi un peu abstrait du fait de sa polysémie. Dans la langue courante, il renvoie autant à des discours solennels qu'à des paroles vaines. Cependant, lorsqu'on parle de « discours » religieux, laïc, politique, on se rend compte que le terme « discours » est souvent associé à une forme de langage dirigée dans un but précis, supposant ainsi une stratégie particulière. Le terme « discours » devra être ici compris non seulement comme un « type d'énoncés » mais également comme une énonciation particulière. Le discours a aussi une dimension sociale. Sa définition sémantique revient à le définir comme un ensemble d'usages linguistiques codifiés attaché à un type de pratique sociale. En effet, par exemple, les discours juridiques rendent compte de l'environnement juridique en adoptant un vocabulaire spécifique à cet environnement. Pour ce devoir, nous nous baserons sur les écrits et les discours oraux d'intellectuels tchèques, slovaques et extérieurs. Il s'agira essentiellement de discours politiques ou de discours explicatifs portés par les chercheurs. Nous aborderons la question identitaire sous plusieurs angles: au niveau national, où l'on parle davantage d'identité sociale et culturelle, et au niveau individuel, où l'identité renvoie au sujet, à ce qu'il a d'unique. L'identité est comme un prisme, elle renvoie à la représentation de soi mais aussi à celle des autres. C'est un phénomène construit.
Quels types de discours ont été créés à partir de la question identitaire tchécoslovaque ? En quoi nous renseignent-ils sur cette question ? Quels sont les pouvoirs de ces discours ? Comment essaient-ils de mobiliser une identité collective ? Y parviennent-ils ? Quelles sont leurs limites ?
Nous répondrons à ces questions autour d'une étude en trois parties : la première montre la difficulté à appréhender la réalité identitaire tchécoslovaque à travers les discours; l'objet de la deuxième partie est d'étudier les tentatives de mobilisation identitaire des discours politiques ; la dernière aborde les limites de ces discours politiques et l'émergence d'autres discours parallèles concurrents.
[...] Les deux peuples n'avaient pas la même conception de l'Etat et de sa gestion. Plus que des idées différentes sur la forme de leur partenariat, les actions menées, de part et d'autre, l'étaient aussi. Dès le départ, les Tchèques se sont approprié l'Etat, mettant sur le même plan nationalisme tchèque et nationalisme tchécoslovaque, tandis que les Slovaques s'enfonçaient dans un malaise identitaire. Ainsi, les Tchèques s'assurèrent un rôle central dans le fonctionnement de l'Etat commun alors que les Slovaques se sentirent exclus du système et des prises de décision politiques. [...]
[...] Les mots sont finement choisis, les expressions aussi. Il s'agit de toucher au maximum la corde sensible du public. Comme nous l'avons vu précédemment, V. Havel essaie d'être très proche des interlocuteurs et se met en avant en se basant sur ses propres expériences, qu'il essaie de faire partager. Son identité dissidente et son expérience des prisons socialistes confèrent un poids essentiel à ses paroles. La dimension sociale est sans doute celle qui confère le plus de légitimité aux discours des hommes politiques. [...]
[...] Il essaie par là même d'entrer au cœur de la réalité tchéco-slovaque. Sa distance en tant que français est un atout par rapport à sa crédibilité dans ses recherches. Cette distance est plus difficile à mettre en œuvre pour des chercheurs de nationalité tchèque ou slovaque étudiant leur pays. Petr Příhoda, chercheur tchèque témoigne de cette difficulté dans son article Mutual Perceptions in Czech-Slovak Relationshpis L'objet d'étude de cet article est la description des mauvaises perceptions et interprétations, ainsi que les stéréotypes de part et d'autre du côté tchèque et slovaque. [...]
[...] Nous aborderons la question identitaire sous plusieurs angles: au niveau national, où l'on parle davantage d'identité sociale et culturelle, et au niveau individuel, où l'identité renvoie au sujet, à ce qu'il a d'unique. L'identité est comme un prisme, elle renvoie à la représentation de soi, mais aussi à celle des autres. C'est un phénomène construit. Quels types de discours ont été créés à partir de la question identitaire tchécoslovaque ? En quoi nous renseignent-ils sur cette question ? Quels sont les pouvoirs de ces discours ? [...]
[...] Dans cet article[5], l'auteur part de cinq stéréotypes et les critique. Selon ces stéréotypes, les Slovaques, en comparaison avec les Tchèques, seraient plus tournés vers le nationalisme et le séparatisme; ils seraient plus chrétiens, plus de gauche et plus orientés vers l'est. Miroslav Kusý montre que certes le nationalisme slovaque existe, mais que sa version exaltée n'est pas partagée par toute la population, seulement par une minorité. Par rapport aux visées séparatistes, seulement 20 à des Slovaques les partageaient après 1989. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture