« Ils ont échoué parce qu'ils n'avaient pas commencé par le rêve » affirmait le candidat Hollande citant Nicolas Shakespeare, un romancier anglais. Si redonner l'espoir aux citoyens peut sembler être un objectif légitime, surtout en période de crise, on peut cependant s'interroger sur les limites que comporte cette affirmation, qui semble encourager à promettre l'impossible. Une telle conception conduit à une dichotomie entre le dire et le faire, entre la parole et l'action. Promettre le rêve, c'est s'extraire d'emblée de la réalité, de la sphère du possible dans laquelle le politique est supposé évoluer.
On peut ainsi observer une première dichotomie entre ce qui est promis, et ce qui est réalisé. Il existe une seconde dichotomie dans la vie politique, entre ce qui est dit et ce qui est fait. Ce mensonge a des motivations diverses, allant de la protection des intérêts de l'État à la dissimulation de la corruption.
[...] Un élu peut, de la même façon, assurer aux habitants qu'il reçoit dans sa permanence que leur demande de logement social va évoluer, bien qu'il sache que tel ne sera pas le cas. Ces pratiques sont justifiées officiellement par la volonté de préserver l'espoir. Toutefois, elles nuisent probablement davantage à l'espoir dans le long terme qu'ils ne le préservent dans le court terme. Promettre l'inversion de la courbe du chômage pour ne pas désespérer la population, ça n'est que repousser le désespoir à plus tard, lorsque la population se rendra compte par elle-même que la situation ne s'améliore pas. [...]
[...] Dans le reste de l'Europe, on trouve de nombreuses autorités de contrôle. La France publie depuis peu le patrimoine de ses ministres, multiplie les déclarations d'intérêts et renforce la prévention des conflits d'intérêts en interdisant le cumul de fonctions électives et de responsabilités dans une entreprise. La lutte contre la fraude fiscale est renforcée. Les institutions multiplient les rapports sur les conflits d'intérêts et leur prévention. Les hommes politiques donnent à voir tout ce qu'il y a à voir, pour restaurer la confiance. [...]
[...] Ils ordonnent le flot d'informations qui découlent du mouvement de transparence généralisé. Si les données doivent être analysées par les médias, ça n'est pas parce que le peuple est ignorant, mais parce qu'il n'a ni le temps ni les moyens de le faire, or on a vu qu'une telle analyse est indispensable. De plus, une transparence totale nuirait aux secrets d'État. Lors de l'affaire Wikileaks, le journal Le Monde avait ainsi expliqué que le choix des informations à diffuser était une tâche complexe, qu'il ne fallait bien sûr pas tout publier, mais différencier ce dont la publication nuirait à autrui, comme les listes des agents secrets sous couverture, et ce dont l'accès devait être donné à tous. [...]
[...] La dichotomie entre le dire et le faire est une pratique rejetée dans nos démocraties modernes, par opposition aux dictatures. Aucun crédit n'était par exemple accordé à la parole de Bachar Al Assad lorsqu'il affirmait n'avoir pas utilisé d'armes chimiques contre sa population, de même qu'aucun crédit n'est apporté à la parole de Kim Jong-un. Au contraire, la parole d'une démocratie est entendue par les autres démocraties qui estiment qu'elle s'appuie sur une éthique qui conduit les gouvernants à ne mentir que si c'est légitime. [...]
[...] Cette tyrannie de la transparence nuit à la confiance dans le politique plus qu'elle ne la restaure. Ensuite, une transparence totale du monde politique peut être un frein à l'efficacité de son fonctionnement. Par exemple, les commissions de l'Agence nationale de surveillance du médicament, une autorité administrative indépendante, font depuis peu l'objet d'un enregistrement et d'une publication en ligne. Cela change nécessairement le dialogue entre membres de la commission, beaucoup moins libres de leurs dires. Par exemple, les membres s'exposent à des risques de procès si leurs propos qu'ils tiennent entre scientifiques sur un sujet pour laquelle la certitude n'est pas établie sont ensuite interprétés comme des recommandations. [...]
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