En 2005, deux milliards d'hommes, soit 40% de la population mondiale, vivaient dans un pays qui pouvait être considéré comme fédéraliste, ou se réclamait du fédéralisme – ''fédéralisme'' étant entendu comme une union volontaire d'Etats ou d'entités qui, sur une base contractuelle, forment un ensemble politique préservant largement les droits propres des Etats ou des entités qui décident de se rassembler.
Si le fédéralisme ne se limite pas, historiquement, à une certaine forme de démocratie, les échecs des systèmes fédéralistes centralisés, et autoritaires, tels ceux de l'ex-URSS ou de la Yougoslavie, tendraient à accréditer l'hypothèse d'un lien entre fédéralisme et démocratie.
Le contexte actuel de mondialisation, qui accentue les pressions sur l'Etat-nation traditionnel, pose de nouveau la question de la meilleure forme de gouvernement ou, à tout le moins, de la forme la plus efficace ; à cette question, l'histoire récente, en donnant naissance à de nouvelles structures politiques, a tenté d'apporter des réponses pragmatiques. Le système fédéraliste, même s'il est une forme relativement ancienne de gouvernement, a en effet connu à la fin du XXé siècle, une expansion sans équivalent. Une expansion allant de pair avec celle des régimes démocratiques…
Après plus d'un siècle d'Etats-Nations, le système fédéral se présente comme une voie de compromis, adoptée en commun, et instituée au profit non seulement des Etats, provinces, Land ou cantons fédérés, mais aussi de l'Etat fédéral lui-même, qui trouve là un moyen de se renforcer en affermissant ses bases, en rendant au peuple une part de la souveraineté, et en garantissant une meilleure représentativité de son gouvernement.
Dans quelle mesure peut-on dès lors considérer le fédéralisme comme une synthèse pragmatique entre démocratie représentative et démocratie directe?
[...] La flexibilité de ce système fédéral est de celle dont a besoin le centre pour être fort, et le gouvernement pour être efficace. C'est ainsi que le géographe et analyste de la vie politique André Siegfried a pu parler à son sujet de démocratie témoin par sa valeur d'exemple, et par l'approfondissement de la démocratie qu'elle favorise, au point d'en incarner l'un des postes avancés. L'ajustement du politique, rendu nécessaire par la glocalisation, notamment, répond à l'aspiration des citoyens à une plus grande proximité des unités politiques, plus efficaces parce que plus aptes à leurs attentes. [...]
[...] Parmi ses avantages, la place accordée à l'opposition, la reconnaissance de la diversité. Parmi ses inconvénients, le risque, en accordant l'autonomie, d'entretenir les velléités sécessionnistes, ou encore de donner naissance à un conglomérat d'unités autonomes sans conscience collective. Là où l'unitarisme et le centralisme s'étaient heurtés au paradoxe de créer de la division, le fédéralisme synthétise et combine les avantages de l'unité et de la diversité, de l'homogénéité et de l'hétérogénéité, et emprunte à la démocratie représentative une part de souveraineté, à la démocratie directe quelques unes de ses vertus, appliquées à de plus vastes espaces, pour redonner à l'action politique sa véritable portée, celle qu'elle perd aujourd'hui dans la plupart des Etats unitaires, celle qu'elle n'aurait jamais dû perdre de vue. [...]
[...] L'échec, en 1953, de la Fédération d'Afrique centrale unissant le Nyassaland aux deux Rhodésie, est, à ce titre, révélateur : c'est une mobilisation populaire qui a mis à bas la fédération, avant la sécession du Nyassaland en 1963, la proclamation de la République du Malawi, et son intégration au Commonwealth en 1966 la greffe fédérale n'a pas pris, précisément parce que le fédéralisme était, là encore, imposé de l'extérieur, par Londres, et le processus démocratique s'est enclenché, contre la volonté de l'ancienne métropole, par l'affirmation de la volonté propre des anciens peuples colonisés, qui affermissaient sur cette question décisive de la forme qu'allait prendre leur gouvernement, leur conscience démocratique. C'est donc au nom de la démocratie qu'une telle structure fédérale a été rejetée. [...]
[...] Le système fédéral leur a donné droit de parole et droit de regard. Et l'Etat fédéral s'est trouvé soudainement mieux intégrer ses citoyens, mieux les représenter L'équilibre, le mouvement de pendule ou d'interaction entre ces différents niveaux de l'action politique, créé ce qu'on pourrait appeler la dynamique des systèmes fédéralistes : Le principe de souveraineté, écrit Carl J. Friedrich, professeur des sciences du gouvernement à l'Université d'Harvard, dans l'article de l'Universalis qu'il consacre au fédéralisme, va d'un pôle à l'autre, gouvernement local et fédéral, et tire sa force de cette pulsation même, le pouvoir se renforçant par la démocratie qu'il favorise, l'opposition qu'il suscite, la participation qu'il engendre En effet, le fédéralisme opère une certaine réhabilitation de l'action politique, et s'affirme comme une parade, permettant d'écarter les citoyens de la tentation, de la tendance abstentionniste. [...]
[...] Quelles leçons doivent être tirées de l'échec de certaines de ces tentatives fédérales ? Un nécessaire ajustement du politique L'une des conséquences les plus évidentes de ces échecs, c'est le nécessaire ajustement du politique, la prise en compte des normes socio- politiques, telle la position des habitants du Nyassaland, dans la création de nouvelles formes politiques. Car l'efficacité du système fédéral dépend de l'étendue du consentement des citoyens, qui seront les administrés du système fédéral. Malgré leurs aspects respectifs, les différents types de fédéralisme présentent tous, à l'exception des systèmes fédéralistes de façade -qui confirment la règle-, cette caractéristique d'offrir aux citoyens un véritable pouvoir de décision, d'autogouvernement, tout en conservant la forme représentative des anciens systèmes unitaires, mais cette fois-ci à une autre échelle. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture