Le premier mot qui nous vient à l'esprit lorsque nous entendons « rapports Nord-Sud »,
c'est « inégalités ». Pourquoi ce mot ? Allons-nous nous analyser ici cet automatisme pour
tenter de l'infirmer et de prouver que la réalité est toute autre ? Il ne me semble pas que ce
soit l'objet de notre réflexion, car, en effet, nous pouvons affirmer sans crainte d'être
contredit, que les rapports Nord-Sud sont inégaux, sur quasi-tous les plans : stabilité politique,
viabilité économique, éducation, communication, précarité, droits des femmes, etc. La liste
n'est pas exhaustive. Ces inégalités, nous les connaissons, elles sont choquantes, mais nous
n'allons pas les étudier en détail ici.
La notion de rapports Nord-Sud, sans entrer dans le détail de ces termes, nous renvoie à un
nouveau clivage (dont on verra plus loin qu'il n'est pas si récent) remplaçant l'ancien
découpage du monde entre Est et Ouest. En effet, la guerre froide a scindé le monde en deux,
l'Ouest libéral démocratique luttant contre les hordes soviétiques totalitaires et collectivistes
de l'Est. Ceux qui ne trouvaient pas leur place dans cette dichotomie créèrent le mouvement
des Non-Alignés. Depuis la chute du Mur de Berlin, en 1989, le monde connaît une nouvelle
division, entre un Nord ultra-développé, économiquement riche et politiquement stable et
démocratique, et un Sud « en développement » (mais pas pour tous les Etats : certains sont en
recul), politiquement plus instable et ayant plus tendance à l'arbitraire et à la dictature. Nous
pouvons évidemment nous interroger sur le fait de savoir si le Sud doit suivre l'évolution du
Nord. Mais surtout : pourquoi ce nouveau découpage entre Nord et Sud ? Après la chute du
Mur, les Etats développés n'avaient plus aucune excuse pour ne pas se préoccuper de la
pauvreté endémique dans le monde. L'ONU, ayant retrouvé une capacité d'action, demande
des rapports sur la situation des pays les plus pauvres. La communauté internationale prend
conscience à ce moment qu'une véritable ligne de démarcation s'est établie entre un Nord et
un Sud tout d'abord géographiques. Ceci est très visible à partir de cartes établies selon l'IDH,
par exemple, ou bien selon le revenu par habitant en parité de pouvoir d'achat, ou bien encore
en termes de répartition des conflits armés dans l'espace mondial. Toutes ces variables se
recoupent et tendent à définir un Sud, comprenant la totalité de l'Amérique centrale et du Sud,
la quasi-totalité de l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Asie centrale et orientale, le sous-continent
indien et les îles d'Océanie. Le Nord, quant à lui, comprendrait l'Amérique du Nord, l'Europe
et la Russie, le Japon, et, plus étonnamment, quelques Etats géographiquement méridionaux tels
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que l'Afrique du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande (voire l'Argentine et le Chili pour
certains indicateurs). Notons que même dans ces deux grands ensembles existent des
disparités internes extrêmement fortes.
Les différentes conceptions de Nord(s) et de Sud(s) auraient-elles des répercussions sur les
rapports que ces Nord(s) et que ces Sud(s) entretiennent ?
Nous avons choisi d'étudier en premier lieu les faits, la réalité des disparités dans les
rapports entre Nord et Sud, et ce à partir d'une lecture cartographique de ces différences.
L'intérêt des cartes est ici de nous donner à voir des inégalités que nous savons flagrantes
mais qui se révèlent à nous d'une manière plus scientifique. Nous gardons évidemment à
l'esprit que le choix des données qui permettent la comparaison est subjectif. Les cartes ont
une grande valeur heuristique mais peuvent aussi, a contrario, être l'instrument d'une vision
du monde spécifique. En second lieu, nous étudierons ces conceptions en elles-mêmes et leurs
conséquences en matière de politique, d'économie, de stratégie, etc. Ces différentes
conceptions des rapports Nord/Sud nous permettront de juxtaposer des théories à la réalité des
faits précédemment étudiés. En effet, la façon d'aborder cette démarcation, ces différences,
ces inégalités, dénote forcément une vision du monde particulière, voire une idéologie. Nous
n'allons donc pas définir les termes de Nord et de Sud en introduction car ces définitions vont
sous-tendre notre exposé et nous aider à prouver qu'une définition a des conséquences
idéologiques.
[...] L'année 1990 marque en effet le début du véritable intérêt porté au Sud. les conceptions antérieures à 1990 Parmi les nombreuses conceptions de Nord(s) et de Sud(s), nous pouvons noter que l'une des plus anciennes a été portée par Montesquieu : il s'agit de la théorie des climats12 Déjà exprimée avant lui par Jean Bodin, cette théorie tente de démontrer que le froid des régions du Nord resserre les extrémités des fibres extérieures de notre corps et augmente donc par là notre force Dans le Nord, l'homme est peu sensible aux plaisirs et a beaucoup de connaissances et n'a donc pas besoin d'un Etat fort pour le diriger : il préfère la monarchie et la liberté Ainsi, l'homme du Nord a plus de connaissance de sa supériorité moins de désir de vengeance moins de soupçons, de politique et de ruse Dans le Midi selon l'expression de Montesquieu, l'air chaud relâche les extrêmités des fibres et diminue le ressort des hommes. [...]
[...] Les différentes conceptions de Nord(s) et de Sud(s) auraient-elles des répercussions sur les rapports que ces Nord(s) et que ces Sud(s) entretiennent ? Nous avons choisi d'étudier en premier lieu les faits, la réalité des disparités dans les rapports entre Nord et Sud, et ce à partir d'une lecture cartographique de ces différences. L'intérêt des cartes est ici de nous donner à voir des inégalités que nous savons flagrantes mais qui se révèlent à nous d'une manière plus scientifique. Nous gardons évidemment à l'esprit que le choix des données qui permettent la comparaison est subjectif. [...]
[...] Nous pourrions encore parler d'éducation, d'insécurité sociale, de précarité dans le travail, de droits des femmes ou encore des faiblesses de la démocratie au Sud, d'agriculture, etc. mais nous ne pouvons pas être exhaustifs. Intéressons-nous dès lors à l'une des solutions proposées par l'ONU pour mettre fin à ces inégalités, croissantes dans certaines parties du monde. les objectifs du Millénaire J.-C. VICTOR, Le dessous des cartes, Tallandier/ARTE, Paris p Ibid., p L'Atlas du Monde diplomatique, Armand Colin, Paris p et Site internet du PNUD : http://www.undp.org J.-C. [...]
[...] Les différentes conceptions de Nord(s) et de Sud(s) et leurs conséquences 9 L'Atlas du Monde diplomatique, Armand Colin, Paris p.50 A. ZACHARIE, Les objectifs du millénaire : vers un nouveau coup d'épée dans l'eau CNCD, Bruxelles L'Atlas du Monde diplomatique, Armand Colin, Paris p. 126- Nous verrons dans cette seconde partie que le découpage du monde entre un Nord et un Sud est bien plus ancien que nous ne le pensons habituellement : en effet, ce découpage n'est pas uniquement issu de la fin de la guerre froide. [...]
[...] BIBLIOGRAPHIE MANUELS ET ESSAIS S. BESSIS, L'Occident et les autres, histoire d'une suprématie, La Découverte, Paris J.-C. GUILLEBAUD, La trahison des Lumières, enquête sur le désarroi contemporain, Paris, Seuil pp. 95-100. S. HUNTINGTON, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob MONTESQUIEU, De l'Esprit des lois, texte établi par G. TRUC vol., Classiques Garnier, Paris L'Atlas du Monde diplomatique, Armand Colin, Paris W.W. ROSTOW, The stages of economic growth. [...]
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