L'actualité française récente met en lumière un paradoxe révélateur : la France s'apprête à célébrer le centenaire de la loi 1905 qui avait marqué la séparation complète de l'Eglise et de l'Etat. Il s'agissait alors d'une première en Europe. Cependant, au début de cette même année, le ministre de l'intérieur Dominique de Villepin a ordonné à tous les préfets de se rendre à la messe afin d'honorer la mémoire du pape Jean Paul II.
Ces deux événements contradictoires témoignent de la complexité de la situation. La France constitue l'exemple le plus avancé du processus de sécularisation qu'a connu l'Europe occidentale. Pourtant, comme on le voit, Dieu est loin d'avoir totalement disparu de la scène publique. Les violents débats sur la question des signes religieux à l'école en sont un autre exemple. Et il ne s'agit pas d'une exception française : l'Allemagne a connu elle aussi plusieurs controverses à ce sujet ainsi que sur la question de l'avortement, en Hollande également l'instauration d'un programme de formation d'imams en mai 2000 fut précédée de débats intenses…
Dieu a-t-il perdu l'Europe occidentale ? La réponse n'est pas évidente. L'ambiguïté de la question ne vient pas du terme Europe : les pays ayant constitué le « bloc de l'ouest » durant la guerre froide ont une histoire commune assez homogène, même si les situations peuvent varier sensiblement d'un pays à l'autre.
En revanche, tout dépend des significations que l'on accorde au mot Dieu. Première possibilité, il peut s'agir de « l'Eglise», autrement dit des institutions religieuses et des pratiques qui y sont liées. Dans ce cas, on peut parler d'un déclin significatif qui touche l'ensemble des grandes religions au cours du XX e siècle. Le continent européen a connu au cours de son histoire agitée un processus de sécularisation. La religion ne structure plus nos sociétés comme auparavant.
Mais Dieu peut aussi incarner la foi des peuples européens. Dans ces conditions la réponse est beaucoup moins évidente, car d'une part la foi est un phénomène beaucoup plus difficile à étudier, et d'autre part on ne peut parler de véritable déclin. Il est dans ce cas plus juste de parler de mutation du sentiment religieux. Tout l'enjeu est alors de saisir la nature de ces changements.
Toute la complexité de la question vient donc des profondes recompositions que le phénomène religieux a connues au cours du XXe siècle. Notre approche peut être éclairée par une citation de Jean Delumeau, auteur de l'essai Le christianisme va-t-il mourir ? « Dieu, autrefois moins vivant qu'on ne l'a cru, est aujourd'hui moins mort qu'on ne le dit » observe-t-il avec ingéniosité.
Dans un premier temps, nous nous sommes efforcés de présenter l'évolution globale des pratiques religieuses en Europe, avant de nous intéresser aux évolutions du sentiment religieux proprement dit. L'étude s'achèvera par l'analyse de différentes situations au sein de l'Europe occidentale.
[...] La sécularisation de la société coïncide à l'époque moderne avec la fin de la fonction sociale de la religion. En France, cela se manifeste par une crise des vocations : il y a eu 130 ordinations annuelles dans les années 80, pour 600 places vacantes. Le mariage des prêtres aurait certes ralenti la vitesse de cet effondrement, mais il ne l'aurait pas empêché. Le protestantisme affronte en effet un problème identique de sécularisation, alors qu'il dispose d'un nombre suffisant de pasteurs, lesquels ne sont pas contraints au célibat. [...]
[...] Suffit-il de s'affirmer musulman pour appartenir à cette catégorie ? Ainsi, ces chiffres cachent les différences idéologiques qui peuvent exister à l'intérieur même d'une communauté : laïques, conservateurs ou extrémistes. Il apparaît cependant que la grande majorité s'attache à respecter les principes majeurs, les 5 piliers (prières quotidiennes voire même le Hajj- pèlerinage à la Mecque). On assisterait au déclin des confessions majoritaires tout en observant paradoxalement une vitalité des marges. Le judaïsme européen a donc vu apparaître en son sein à partir des années 1970 des groupements communautaires à forte identité religieuse. [...]
[...] Dieu a-t-il perdu l'Europe Occidentale ? Table Introduction I Si les pratiques religieuses ont fortement changé durant le 20ème siècle 1. La pratique religieuse a changé 11. Un siècle de sécularisation 12. La pratique religieuse aujourd'hui : quelques chiffres 2. Les institutions sont en crise 21. La désinstitutionalisation touche l'Eglise 22. Des institutions qui s'adaptent mal à la modernité II . Il ne faut cependant pas en déduire une perte du sentiment religieux en Europe 1. L'omniprésence de Dieu dans les sociétés européennes 11. [...]
[...] Cependant, il est indéniable que le phénomène de kit religieux connaît un essor, lié au pragmatisme des individus et à la leur volonté de se retrouver dans une religion plus personnelle. III . qui reste très présent dans l'ensemble de l'Europe Occidentale mais qui se manifeste différemment selon les pays 1. Un constat général : le retour du religieux 11. Le christianisme concurrencé L'Europe fut longtemps chrétienne. D'ailleurs elle fut même le seul continent à avoir été intégralement christianisé. Aujourd'hui d'autres religions viennent concurrencer le christianisme. Le judaïsme et plus récemment, l'islam, le bouddhisme et dans une moindre mesure les sectes viennent diversifier le paysage religieux européen. [...]
[...] Ce décalage persistant entre les populations d'Europe occidentale et les institutions religieuses induit donc une crise de ces institutions. C'est pour cela qu'on peut parler de crise religieuse. Mais cela n'implique pas pour autant une crise de la croyance en Dieu. II . Il ne faut cependant pas en déduire une perte du sentiment religieux en Europe L'omniprésence de Dieu dans les sociétés européennes 11. Une recomposition du religieux dans des sociétés démocratiques sécularisées . A la fin des années 1960, la sécularisation et la déchristianisation des sociétés européennes semblaient manifester la marginalisation des croyances religieuses. [...]
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