Existe-t-il une gouvernance locale ? De prime abord, cette question nous parvient avec d'autant plus d'actualité que le terme de « gouvernance » est devenu omniprésent dans les différents secteurs de la vie économique, sociale et politique. A l'heure où sont dénoncées les « technocraties » complices de l'ordre économique au détriment du bien commun et de l'intérêt général, la « gouvernance locale » apparaît comme l'espoir d'une meilleure politique, plus proche des besoins locaux et des citoyens. Ainsi, récemment, l'annonce du plan « Power 8 », visant à restructurer l'entreprise Airbus, géant européen de l'aéronautique, a souligné l'importance de cette notion. Alors que sont prévus des licenciements sur les différents sites de production, l'idée d'une « gouvernance locale », centrée sur un financement régional des sites et une prise de participation supérieure des pouvoirs publics dans le capital, a été définie à de multiples reprises par les hommes politiques comme une solution possible pour sortir de la crise.
De la « corporate governance » comme « nouvelle religion d'entreprise » à la « gouvernance mondiale » évoquant l'action régulatrice des institutions internationales, partout on retrouve l'idée que les affaires du monde engagent de nouveaux modes de prises de décision, différents de ceux réalisés par un « gouvernement » au sens traditionnel. « Présente partout mais visible nulle part », la notion de gouvernance a été fréquemment utilisée ces vingt dernières années pour caractériser tout un lot d'expérimentations du « gouverner autrement ». Plus grande concertation des différents acteurs, procédures plus démocratiques, concertation explicite, logiques de partenariat, démarches par projets, autant d'orientations prises par cette nouvelle gouvernance, ancrée dans le local. D'une certaine manière, l'idée de « gouvernance locale » s'emble même s'être imposée comme un nouveau paradigme de l'action publique. Pourtant, force est de constater que la notion recouvre des réalités très diverses. Terminologie et référentiel conceptuel encore assez vague, ce type de gouvernance politique apparaît tout autant lourd d'enjeux que potentiellement vide de sens : existe-t-il une véritable « gouvernance locale » ? Toute la difficulté à cerner la réalité de ces politiques provient du fait qu'aucune théorisation ne vient délimiter les contours de la notion. Au contraire, la « gouvernance locale » semble le résultat d'une compilation de politiques publiques différentes dont le seul point commun est la dimension locale. « Mot-valise » ou voie d'avenir des politiques publiques ? Force est de constater que la « gouvernance locale » ne laisse pas indifférent. Définissant les contours de relations démocratisées entre l'Etat et la société, la notion interroge autant qu'elle surprend. Si la « gouvernance locale » répond effectivement à une volonté de démocratiser les processus de prise de décision, notamment dans le cadre de politiques territorialisées et de logiques de décentralisation, elle demeure néanmoins une « coquille vide de sens » quand elle ne s'accompagne pas d'une participation réelle du « local » aux décisions.
Ainsi, nous interrogerons tout d'abord l'existence de la « gouvernance locale » dans son historicité. Bien qu'il s'agisse d'une notion récente et actuelle, ses intentions et ses applications sont plus anciennes (I). Dès lors, après avoir mis en lumière le contexte d'émergence de la notion, nous pourrons montrer en quoi la « gouvernance locale » existe bel et bien aujourd'hui, notamment en France, sous des formes particulières, malgré toutes les limites et incertitudes dont elle est porteuse (II).
[...] De plus, l'architecture institutionnelle locale peut paraître lourde, source d'opacité. Un déficit de gouvernance peut justement apparaître dans les interstices d'un pouvoir éclaté, dans l'enchevêtrement d'échelons administratifs multiples (communes, structures intercommunales, départements, régions), à tel point que les citoyens en arrivent au constat d'une démocratie biaisée, où les décideurs sont tellement nombreux qu'ils en deviennent invisibles (constat de Robert Dahl, Who Governs 1961). Une clarification exigeante des domaines de compétence ainsi qu'une coopération poussée en vue de l'intérêt local entre ces différents acteurs semblent des conditions difficiles à réunir pour réaliser pleinement la gouvernance locale Décentralisation, implication des citoyens, et participation sont en effet les trois termes trop rarement réunis pour activer les dynamiques locales d'une véritable gouvernance. [...]
[...] Origines et applications anciennes de gouvernance locale Dans un premier temps, l'origine de la notion de gouvernance nous rappelle que la gouvernance locale est une forme d'organisation du politique redécouverte récemment plutôt que découverte pour la première fois. Si ce type d'« organisation ouverte des autorités fait face à des impératifs démocratiques modernes de transparence et de participation politique, on peut retrouver des traces de gouvernance locale bien avant l'avènement du concept en lui-même, dans la deuxième moitié du siècle. Tout d'abord, l'utilisation du terme gouvernance remonte au XIII° siècle. Alors synonyme de gouvernement la gouvernance est pensée comme le pilotage des affaires communes par les pouvoirs alors en place, c'est-à-dire les seigneuries. [...]
[...] Plus précisément, dans les faits, la France de l'Ancien régime, par exemple, expérimente déjà des formes originaires de gouvernance locale. Avant la constitution des Etats qui a imposé une forte centralisation des pouvoirs, il était commun de penser, au Moyen-âge, que l'air de la ville rend libre Emancipées de la tutelle seigneuriale grâce aux paroisses franchisées dès le siècle, les villes apparaissent sous cet angle a posteriori comme une forme historique où s'expérimente la gouvernance locale Ensuite, la Révolution française mettra en place les cadres territoriaux du département, qui demeurent aujourd'hui, afin d'obtenir un quadrillage administratif rationnel du pays. [...]
[...] Terminologie et référentiel conceptuel encore assez vague, ce type de gouvernance politique apparaît tout autant lourd d'enjeux que potentiellement vide de sens : existe-t-il une véritable gouvernance locale ? Toute la difficulté à cerner la réalité de ces politiques provient du fait qu'aucune théorisation ne vient délimiter les contours de la notion. Au contraire, la gouvernance locale semble le résultat d'une compilation de politiques publiques différentes dont le seul point commun est la dimension locale. Mot-valise ou voie d'avenir des politiques publiques ? Force est de constater que la gouvernance locale ne laisse pas indifférent. [...]
[...] L'intérêt principal : combiner gestion publique et expérimentation politique Cependant, en réponse au processus de déclin ou de dépérissement graduel de l'Etat - providence, les pouvoirs publics ont réorienté leur action vers le citoyen - usager des services publics. Ainsi, le mouvement de décentralisation en France pose les bases d'une plus grande gouvernance locale et répond à ce contexte de crise des moyens d'action de l'Etat central. On remarque ainsi pour commencer que la critique émise par Pierre Rosanvallon sur le pouvoir régulateur de l'Etat (La Crise de l'Etat - providence), au début des années 80, est concomitante aux lois de décentralisation Deferre, en 1982. [...]
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