Qu'ils soient admirés pour le statut qu'ils incarnent ou critiqués pour l'élitisme dont ils semblent être le résultat, les hauts fonctionnaires sont en France un corps de métier qui intrigue.
En effet, ces fonctionnaires non ordinaires de par les hautes responsabilités qu'ils occupent au sein de la fonction publique, représentent une partie infime de la population, part qui pourtant n‘est pas proportionnelle à l'importance des responsabilités qu'ils endossent en ce qui concerne le fonctionnement du pays (et surtout de l'État, auquel les rattache leur appartenance à la fonction publique). Ainsi, ces quelques petits milliers d'individus occupent des fonctions très importantes, mais ne sont pourtant pas élus par les citoyens, leur nomination étant la plupart du temps effectuée en Conseil des ministres, en fonction des résultats obtenus aux examens ou de leurs compétences. La légitimité qu'ils possèdent ne vient donc pas d'un mandat quelconque qu'ils auraient récolté suite à une campagne, le devoir de neutralité politique étant théoriquement très important. Pourtant, si leur statut est parfois critiqué en faisant référence à des avantages ou des rémunérations considérées comme injuste, leur rôle, bien qu'aux contours parfois un peu flous, est lui de manière générale considéré comme nécessaire au bon fonctionnement de l'administration de la France.
Ainsi, il semble intéressant de se demander quelles compétences précises possèdent et doivent posséder ces individus pour prétendre au titre de haut fonctionnaire, et de voir de cette manière comment sont formés ces derniers, dans le but de savoir si la légitimité qu'ils possèdent se base sur de réels savoir-faire, ou si d'autres facteurs entrent en jeu lors du renouvellement de ces élites. Cette analyse nous permettra de constater qu'au-delà de compétences objectives théoriquement nécessaires, d'autres paramètres spécifiques au recrutement de la haute fonction publique doivent être pris en compte, révélant ainsi de fortes inégalités d'accès à des postes en conséquence très formatés.
[...] De même, bien que la filiation directe ne soit parfois pas significative, la présence dans la famille proche d'un cadre de la haute fonction publique peut également jouer dans le parcours du candidat. Irène Bellier ( L'ENA comme si vous y étiez ) montre que sur la période 1988-1990, si les fils d'énarques ne dépassent pas les dans les promotions étudiées, au moins 19% d'entre eux ont un parent proche ( oncle, grand-père ) dans la haute fonction publique. On peut donc voir que parler de reproduction sociale serait certainement excessif, et que la part d'hérédité professionnelle est moins importante que la surreprésentation des catégories supérieures, mais elle n'est pas non plus négligeable dans l'étude des inégalités que l'on observe au sein du recrutement des hauts fonctionnaires. [...]
[...] , Thomas Lebège et Isabelle Walter analysent les inconvénients de ce système de formation et met en avant la nécessité de les réformer au risque de les voir sombrer. Ainsi, de nombreuses tentatives d'ouvertures sont réalisées par les directeurs en vue de démocratiser l'accès à ces écoles ( ENA, Sciences Po, Polytechnique Mais le processus est difficile à mettre en marche, pour une France qui n'est pas prête à se séparer de ce système d'élitisme social. [...]
[...] Ainsi, les inégalités démontrées plus haut sont le signe que certaines catégories sont favorisées par les formes de ces concours, ce qui va à l'encontre du principe d'égalité. Ce constat, Pierre Bourdieu le développe dans son ouvrage Noblesse d'Etat , où il donne une analyse démontrant que les modes de recrutement des grandes écoles sont ajustés aux dispositions sociales typiques des membres des catégories supérieures. Et cette affirmation peut être mise en relation avec les résultats trouvés par Jean-Michel Eymeri, et les autres sociologues ayant effectué des recherches sur ce même sujet, où la surreprésentation des classes supérieures se retrouve inévitablement. [...]
[...] Si à cela on ajoute les candidats dont le chef de famille est chef d'entreprise, on obtient un pourcentage de candidats issus de la catégorie supérieure supérieur à 70%. On peut donc voir qu'avant même de réussir le concours, les candidats qui se présentent se trouvent déjà dans une représentation disproportionnée des catégories socioprofessionnelles. Et cette tendance se confirme lorsque l'on analyse les résultats d'admission à cette école. Toujours pour le concours externe, et sur la même période, le taux de réussite moyen de toutes les catégories socioprofessionnelles confondues est de 7,9%. [...]
[...] La réussite au concours dépendra donc du mérite de chaque individu. B. Une méritocratie source d'inégalités : exemple de l'ENA Si l'on s'accorde sur le fait que la réussite au concours d'entrée des grandes écoles pour accéder au poste de haut fonctionnaire récompense le seul mérite à être conforme aux exigences de l'examen des individus, on ne peut néanmoins nier le constat empirique qui fait état de profondes inégalités de représentation des catégories socioprofessionnelles de la société, comme le montre la surreprésentation des catégories supérieures et la part significative des individus issus de la haute fonction publique La surreprésentation des catégories supérieures En prenant l'exemple de l'ENA sur la période 1987-1996 ( d'après l'étude réalisée par Jean-Michel Eymeri, La fabrique des énarques,2001), on peut voir qu'en effet, les résultats de ce concours ( l'un des plus sélectifs de France pour le concours externe) révèlent de fortes inégalités, tout d'abord dans la répartition des élèves se présentant au concours. [...]
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