Le 28ème congrès du Parti Communiste Français a déclaré la nécessité de mettre au cœur de tous les enjeux contemporains l'exigence de la démocratie défi¬nie à la fois comme but et comme moyen. Il prétend, disant cela, se dissocier de toute une conception qui aurait prévalu dans tout le cours de sa politique anté¬rieure, opérer une rupture avec des thèses dont l'effondrement du socialisme en U.R.S.S. et en Europe de l'Est aurait démontré le caractère inefficace et archaïque.
Qu'en est il exactement? Quelle est la nature du tournant politique que recou¬vre une telle affirmation? Mais qu'est ce donc que la démocratie? Quels sont les rapports entre démocratie et socialisme? Entre démocratie et lutte pour le socia¬lisme?
Comment définir la Démocratie ?
Etymologiquement, démocratie ne signifie rien d'autre que «pouvoir du peu¬ple» sans aucunement préjuger des modalités d'exercice de ce pouvoir et sans préciser par qui est constitué le «peuple».
La civilisation athénienne, qui nous a légué ce terme, y incluait une double limitation. D'une part le pouvoir ainsi dénommé s'exerçait directement au niveau d'une division administrative géographiquement restreinte (le mot grec «demos» ne désigne pas «le peuple» en général, il signifie proprement une section territo¬riale, une commune et la fraction de la population qui la compose): il s'agissait essentiellement d'un mode de gestion collective des affaires d'une commune, au mieux de l'ensemble de la cité d'Athènes, et non pas d'un pouvoir d'Etat beau¬coup plus étendu et complexe correspondant à celui des grandes nations moder¬nes. D'autre part, et beaucoup plus fondamentalement, le «peuple» qui assumait ce type de pouvoir n'était composé que des «hommes libres», élevés à leur majo¬rité au rang de citoyens ( en opposition avec les esclaves et les métèques) qui ne constituaient que moins du dixième de la population active de la Cité et en ex¬cluaient la plus grand partie des masses réellement productives. Ainsi, dès l'ori¬gine, le caractère de classe de la «démocratie» (de la classe des propriétaires d'es¬claves, qui constituaient la grande majorité des «hommes libres» et détenaient de par leur puissance et leur disponibilité les réelles prérogatives du pouvoir) était il nettement marqué.
Après une éclipse de dix-sept siècles, le mot «démocratie» est réapparu dans le vocabulaire politique de l'Europe occidentale au tout début de la Renaissance. Les philosophes qui reflétaient à l'époque les idées de la bourgeoisie en voie de forma¬tion en ont façonné une signification qui puisse correspondre aux aspirations mon¬tantes de cette nouvelle classe sociale. Lorsque la bourgeoisie, après avoir bénéfi¬cié d'une première phase de développement dans le cadre et sous la protection relative de la monarchie absolue, a commencé à ressentir la nécessité de se libérer du joug de celle-ci, ses représentants les plus avancés ont opposé l'idée de démo¬cratie aux systèmes existants fondés sur l'aristocratie ou l'autocratie. S'exprimant au nom du peuple -de l'ensemble des classes sociales exclues des privilèges féo¬daux- en termes de catégories abstraites et universelles, ils ont proclamé la légitimité de la démocratie comme système de gouvernement du peuple par le peuple, éventuellement assorti de modalités d'aménagement des rapports sociaux jugées nécessaires pour en rendre l'exercice effectivement possible.
La démocratie était ainsi conçue comme le moyen de la liberté politi¬que (des libertés d'opinion, d'expression, de réunion etc...), l'instrument de la justice sociale et de l'égalité en droits. Elle apparaissait liée à l'affir¬mation des droits de l'homme et du citoyen, à la nécessité d'instaurer un «Etat de droit» opposé à l'arbitraire politique, à la dictature d'une caste privilégiée ou d'un tyran.
Mais, dans la pratique, dès le renversement des anciens régimes et l'af¬firmation de son propre pouvoir, la bourgeoisie a singulièrement restreint l'exercice de la démocratie de telle sorte qu'en soient pratiquement ex¬clues les «classes inférieures». Celles-ci étaient d'emblée jugées indignes de participer à l'exercice du pouvoir politique dès lors que leur statut so¬cial (défini selon les critères de la fortune ou du revenu, de l'imposition, de la propriété foncière ou manufacturière) ne lui paraissait pas pouvoir leur en faire partager les responsabilités (1)
[...] Correspondance Engels; Marx et divers -Ed. Costes; tome I ; p.30 Lénine -Deux mondes - œuvres, tome 16, p.323-324,328-329 Lénine - La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky- in œuvres Choisies Tome II p Lénine - Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne œuvres, tome 28, p Nous avons vu que, dans ce cadre et sous la pression constante de l'idéologie dominante, si ce vote peut donner une indication sur l'évolution de l'état d'esprit des masses, il ne peut permettre au parti révolutionnaire de conquérir sous cette forme et par ce moyen la «majorité» des voix et des sièges dans une élection de type parlementaire bourgeois. [...]
[...] Lénine a souligné le rôle de la lutte pour la démocratie intégrée dans la lutte pour la révolution socialiste. Nous ne pouvons hésiter ici à donner une série de citations pour bien montrer comment s'est exprimée sur cette question la pensée de Lénine, et afin que l'on ne puisse la tronquer ni la falsifier. prolétariat ne peut vaincre autrement qu 'en passant par la démocratie, c 'est à dire en réalisant la démocratie intégrale et en rattachant à chacun des épisodes de sa lutte des revendications démocratiques formulées de la façon la plus énergique. [...]
[...] Mais cette démocratie est toujours comprise dans le cadre étroit de l'exploitation capitaliste et, de ce fait, elle reste toujours, au fond, une démocratie pour la minorité, pour les seules classes possédantes, pour les seuls riches. La liberté, en société capitaliste, reste toujours à peu près ce qu'elle fut dans les Républiques de la Grèce antique: une liberté pour les propriétaires d'esclaves. Les esclaves salariés d'aujourd'hui, par suite des conditions de l'exploitation capitaliste, restent si accablés par le besoin et la misère qu'ils ont d'autres soucis en tête que la «démocratie», la «politique»; que dans le cours ordinaire, pacifique, des événements, la majorité de la population se trouve écartée de la vie politique et sociale. [...]
[...] Mais derrière cette première donnée se dissimule une réalité beaucoup plus fondamentale. Chaque parti est, à un degré plus ou moins net, représentatif d'intérêts de classe. La multiplicité des classes sociales dans une société, les divergences d'intérêts ou de conceptions qui peuvent se faire jour au sein de chacune d'elle, aboutissent à un foisonnement de partis politiques, d'où les circonstances particulières et les traditions politiques qui se forment font émerger durablement quelques «grands» partis. Certains de ces partis proclament ouvertement les intérêts qu'ils défendent. [...]
[...] A cela s'ajoute aussi dans plusieurs cas la croissance du nombre des élus locaux ou municipaux. L'organisation de la classe ouvrière se développe, se démultiplie. Les partis ouvriers accroissent sans cesse leurs effectifs. Leur action et leur influence sont renforcées par l'existence d'organisations syndicales de plus en plus puissantes millions de syndiqués en Grande Bretagne millions en Allemagne, un million en France à la veille de la Première Guerre mondiale) prolongées par l'activité de masse de diverses autres formes d'organisation spécifiques de la classe ouvrière (coopératives, mutuelles, etc . Lénine. [...]
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