Dans l'imaginaire politique occidental, la modernité est généralement conçue comme fondamentalement inclusive. L'extension au cours des XIXème et XXème siècles des droits politiques et sociaux à de plus en plus de catégories de la population jusque là exclues – telles les travailleurs, les femmes, les afro-américains, les jeunes, etc. – semble confirmer cette impression. Or, en se penchant sur la question de l'évolution des rapports sociaux de sexe durant les derniers siècles et particulièrement à travers le prisme de la démocratie, c'est à une lecture complètement inverse que nous arrivons.
En effet, loin de constituer un phénomène d'inclusion, la modernité est en fait basée sur l'émergence ou la transformation de différents systèmes d'oppression concomitants: capitalisme, patriarcat moderne, nationalisme, impérialisme, etc. Or, la plupart de ces systèmes se constituent originellement sur l'exclusion de différentes catégories de la population du politique : prolétaires, femmes, colonisés, etc.
Sur le plan plus spécifique de la démocratie, l'analyse de moments constitutifs du régime libéral moderne tels les révolutions étatsuniennes et françaises nous révèle que l'exclusion des femmes y est en fait fondamentale.
De plus, l'étude de la question de la démocratie libérale représentative tend à démontrer le caractère antidémocratique d'un tel régime. Ainsi, l'analyse de la représentation sous l'angle des rapports sociaux de sexe permet de soulever quelques enjeux reliés à ce régime : sous-représentation des femmes, parité, etc.
[...] Au sein de cette problématique, deux aspects différents doivent être distingués. Tout d'abord celle de la représentation politique en tant que telle. Par la suite la question de la sous- représentation des femmes dans les instances représentatives et des enjeux soulevés par ce problème. Le concept de représentation politique est spécifique au régime de la démocratie libérale. En effet, aucun autre régime politique (monarchie, aristocratie, etc.) ne prétend représenter quiconque : les dirigeants gouvernent toujours en leur nom propre, ou parfois au nom d'une entité transcendantale. Selon P. [...]
[...] Or, en se penchant sur la question de l'évolution des rapports sociaux de sexe durant les derniers siècles et particulièrement à travers le prisme de la démocratie, c'est à une lecture complètement inverse que nous arrivons. En effet, loin de constituer un phénomène d'inclusion, la modernité est en fait basée sur l'émergence ou la transformation de différents systèmes d'oppression concomitants: capitalisme, patriarcat moderne, nationalisme, impérialisme, etc. Or, la plupart de ces systèmes se constituent originellement sur l'exclusion de différentes catégories de la population du politique : prolétaires, femmes, colonisés, etc. [...]
[...] Pour ce qui est dans rapports de sexe, le nationalisme aura pour conséquence une instrumentalisation des femmes conçues comme perpétuitaires de l'essence nationale mais aussi en partie leur exclusion du politique. Harper, Stephen, Premier Ministre appuie l'engagement du Canada en faveur de l'Afghanistan», Discours prononcé à la Chambre des Communes le 17 mai 2006, en ligne, http://pm.gc.ca/fra/media.asp?id=1165, page consultée le 14 novembre 2010 Graeber, David, démocratie des interstices», Revue du MAUSS, nº 26 («Alter-démocratie, alter-économie : Chantiers de l'espérance»), Paris, La Découverte/MAUSS,, p.43 Dupuis-Déri, Francis, «L'esprit antidémocratique des fondateurs de la “démocratie” moderne», Agone, p Fauré, Christine, «L'exclusion des femmes du droit de vote pendant la Révolution française et ses conséquences durables», Évelyne Morin-Rotureau (dir.), 1789-1799 : Combats de femmes La Révolution exclut les citoyennes, Paris : Autrement p Voir Guilhaumou, Jacques, mécanisme démocratique», Marcel Detienne (dir.), Qui veut prendre la parole Paris : Seuil p sur la question de la participation des citoyennes. [...]
[...] C'est en ce sens que, comme mentionnés au début de ce bref survol des enjeux soulevés par la confrontation de la démocratie et des rapports sociaux de sexe, nous arrivons à une lecture critique de la modernité. En fait, c'est même l'ensemble de l'histographie occidentale orthodoxe qui doit être revisitée. Face aux conceptions éminemment normatives du Moyen- Age (Dark Ages), de la Renaissance et de la modernité (Enlightenment), cette étude superficielle des pratiques démocratiques et des rapports de sexe durant les derniers siècles permet de mettre de l'avant une conception historique tout autre. [...]
[...] Cette perspective permet un lien avec la notion de démocratie développée par J. Rancière. Selon ce dernier la démocratie n'est pas un régime mais une manière d'être du politique, caractérisée par un conflit entre ceux possédant titres à gouverner et ceux dépourvus de ces titres[18]. Cette conception de la démocratie comme égalité permet aussi une critique radicale de la représentation en elle-même puisque dans une démocratie libérale seuls les représentants possèdent des titres. De plus, cette approche permet une lecture des débuts de la modernité comme redéfinition des catégories de «avec titres» et «sans titres». [...]
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