Il s'agit donc de se pencher tout d'abord sur les postulats du fait majoritaire, et les effets pervers qu'il peut amener dans une société, avant d'entrevoir dans une deuxième partie à la fois les implications en terme de juste régulation politique, les alternatives possibles, comme la règle de l'unanimité et les bornes que se fixent eux-mêmes les régimes démocratiques contre cette tyrannie de la majorité...
[...] Les implications en terme de juste régulation politique, les alternatives possibles, comme la règle de l'unanimité. Comment résoudre le paradoxe inhérent à la démocratie qui fait remarquer à Tocqueville : "Je regarde comme détestable cette maxime qu'en matière de gouvernement la majorité d'un peuple à le droit de tout faire, et pourtant je place dans les volontés de la majorité l'origine de tous les pouvoirs." ? Il s'agit ici du point nodal du raisonnement : il existe un principe supérieur, transcendant à la variable majoritaire, et ce principe c'est la justice. [...]
[...] Le grief, fait par Tocqueville, à la perversité du système démocratique est le suivant : l'élection, et a fortiori l'élection au suffrage universel, fait courir le risque de la majorité tyrannique. Comme John Stuart Mill, il montre que l'essence des gouvernements démocratiques est le pouvoir omnipotent qu'y possède la majorité, au détriment de toutes les formes de minorité. Cette puissance se manifeste en une tyrannie qui fait du plus grand nombre le seul principe de légitimité, sans considération de toute règle ou de tout principe autre. Un problème insoluble de la démocratie totalitaire consiste alors à définir les contours de la majorité toute- puissante. [...]
[...] Or les démocraties modernes n'ont-elles pas favorisé le développement de garanties à l'équilibre effectif des pouvoirs ? On pense naturellement, dans le cadre du processus électif, au système d'alternance qui permet aux grandes forces politiques d'accéder au pouvoir par intervalles (cas du bipartisme dans les pays anglo-saxons par exemple). Par ailleurs la notion même de majorité aujourd'hui recouvre plutôt une sorte d'agglomération politique (et intellectuelle) qu'un courant de pensée unique qui envahirait littéralement la scène démocratique : les jeux d'alliances sont la clef de voûte du système. [...]
[...] Pourquoi, et comment se manifeste la tyrannie de la majorité ? La notion de tyrannie suppose l'effet d'une domination absolue, autoritaire, arbitraire. En fait le terme recouvre deux acceptions : d'une part la majorité comme faction (ou ensemble de factions) au pouvoir, institutionnalisée politiquement ; d'autre part la majorité comme entité diffuse, englobant à la fois partis et médias, correspondant à ce que Tocqueville redoutait déjà au début du siècle passé en Amérique : "Je ne connais pas de pays ou règne moins d'indépendance d'esprit et de liberté de pensée" . [...]
[...] "L'Empire moral de la majorité se fonde en partie sur cette idée qu'il y plus de lumières et de sagesse dans beaucoup d'hommes réunis que dans un seul, dans le nombre des législateurs que dans le choix. C'est la théorie de l'égalité appliquée aux intelligences", écrit Tocqueville. Le majoritarisme repose donc sur deux présomptions que certains jugent comme fausses. La première est de considérer que deux personnes sont plus intelligentes qu'une seule. La force, elle, est additive, deux personnes sont assurément plus fortes qu'une seule, et ce principe a été à l'origine de nombreuses tragédies au cours de l'histoire de l'humanité. [...]
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