Pourquoi la démocratie en Inde? La réinvention du gouvernement représentatif hors-Occident

Résumé du document

Le système politique indien actuel, parlementaire, démocratique, et dans une certaine mesure, fédéral est avant tout le résultat de cinquante ans de politique démocratique. Jusqu'en 1999, douze élections générales ont eu lieu pour la chambre basse du Parlement et beaucoup plus pour les législatures régionales. De nouveaux partis se sont formés ; de nouvelles causes sont apparues pour mobiliser la population. Bien que la Constitution de 1950 soit demeurée largement inchangée, son interprétation a évolué. Les changements sociaux produits par l'action du gouvernement, d'un côté, et par des transformations globales, de l'autre, forment le fond de ces évolutions

Extraits

[...] - Christophe Jaffrelot, La Démocratie en Inde ; religion, caste et politique - Ramaswamy Sudarshan, Le Droit et la démocratie en Inde in Revue internationale des Sciences sociales, juin 1997. - B. Cohn, some Notes on Law and Change in North India in Economic Development and cultural Change, vol.8, - JDM. Derrett, Indian Law and Tradition in Traditions and Politics in South Asia - O. Mendelsohn, the Pathology of the Indian legal System in Modern Asian Studies, vol - Patrick Heller, Degrees of Democracy ; some comparative lessons from India in World Politics, juillet 2000. [...]

[...] Mais si les sentiments religieux restent suffisamment puissants pour que les électeurs votent sur cette base, les majorités deviendront plus larges et permanentes et l'élément aléatoire de la démocratie sera perdu. La théorie politique de la démocratie présuppose donc implicitement l'existence de quelque chose comme une société civile marquée par la fusion et la fission constante d'associations fondées sur l'intérêt, et l'impermanence du vote des groupes et des individus. En revanche, l'exemple indien montre qu'il n'y a pas de relation linéaire entre démocratie et économie libérale. La langue de la démocratie indienne est puissante précisément parce qu'elle est élastique et ambiguë. [...]

[...] On admettait que la démocratie politique présentait un certain isomorphisme avec les mécanismes du marché. Le projet de démocratie adopté par la coalition au pouvoir après l'indépendance a d'ailleurs été déterminé par cette lecture du lien entre la démocratie et le développement capitaliste en Europe. La construction politique était censée se dérouler comme la répétition, dans les conditions particulières de l'Inde, de la grande trajectoire de la modernité occidentale, observée avec envie par les élites dirigeantes du pays. L'histoire de l'Occident était lue d'une manière assez spéciale ; on considérait que la modernité était un processus en trois temps : - production industrielle capitaliste, - institutions politiques démocratiques libérales, - évolution de la société dans le sens de l'individuation et du déclin graduel des formes communautaires d'appartenance au profit des formes modernes de défense des intérêts, fondés sur des associations volontaires. [...]

[...] En 1969, le troisième rapport de la Commission des réformes administratives sur les relations Centre-Etats commence par cette phrase : l'Inde constitue une entité distincte depuis des temps immémoriaux Son auteur, K. Hanumanthaiya, rappelle que les différents rois, empereurs et dirigeants du pays ont souvent nourri l'ambition de placer l'ensemble de l'Inde sous un seul pouvoir politique Pour les pères fondateurs de l'Inde moderne, l'Inde est d'emblée une nation, en construction certes, mais une nation et son fédéralisme n'a de sens que parce qu'il exprime l'extrême diversité du pays. Pour cette raison, il n'existe en Inde qu'une seule citoyenneté, aucun des Etats de l'Inde n'ayant le droit d'accorder une citoyenneté duale. [...]

[...] Nehru s'engage en faveur d'un Etat secular c'est-à-dire que l'Etat doit traiter sur un même plan toutes les religions du pays. En Inde, cette idée s'oppose à la notion de communalisme Au total, grâce à sa démocratie parlementaire et politique, l'Inde parvient à canaliser les demandes et pressions multiples et contradictoires des divers secteurs de la société. Les institutions et mécanismes démocratiques dont elle se dote lui permettent de se prémunir contre les explosions sociales et les déchirements internes propres aux dictatures. Elles constituent donc l'une des bases essentielles de sa cohésion. [...]