Un des paradoxes du régime démocratique est que ce régime ne semble pas avoir d'autre moyen pour garantir une pacification des rapports individuels (tout en conservant la liberté et l'égalité comme principes essentiels) que d'utiliser les mécanismes des la compétition et du conflit. La démocratie serait – elle intrinsèquement pacifique parce que son objectif reste la paix, ou parce que, en érigeant une culture du conflit en principale caractéristique du débat démocratique, elle remédie et empêche par là même l'installation de la violence ?
La démocratie ne peut prétendre à un objectif de pacification sans pourtant organiser la concurrence et la compétition pour l'exercice du pouvoir.
L'idéal de paix démocratique apparaît moins adapté aux sociétés démocratiques modernes dans lesquelles la violence à changé de visage et au sein desquelles la culture du conflit s'est effacée, et la notion de citoyenneté a perdu de sa signification...
[...] De même, on pourrait soutenir que la démocratie permet l'expression d'une certaine forme d'agressivité latente, présente dans toute société, et qu'il s'agit d'encadrer pour éviter un passage à la violence. C'est ce que qu'explique notamment la psychologie politique, en montrant qu'admettre le droit de grève, c'est admettre de plein droit un recours au rapport de force (pas nécessairement violent). Que l'élévation de la liberté comme valeur suprême, peut n'être que l'excuse, pour défendre, au plan économique et social, la compétition. (P. Braud, Le Jardin des délices démocratiques). Le conflit est non seulement présent, assumé, mais il ritualisé et organisé. [...]
[...] L'encouragement du pluralisme et de la confrontation paraît également de plus en plus nécessaire dans des sociétés où les médias jouent une place importante dans le façonnement de l'opinion publique et du débat politique, et où l'accès à des sources d'information diversifiées sont essentielles. En fait, l'enjeu pacifique des démocraties semble donc aujourd'hui renouvelé : la pacification, qui apparaissait comme le but de la démocratie, n'apparaît plus autant nécessaire. La démocratie elle-même utilise la paix procurée par le consentement général à la base de ce régime pour imposer son pouvoir ou sa violence sur les citoyens. L'idéal de paix n'est plus à rechercher, la pacification devient synonyme de désertion civique (M. [...]
[...] Les démocraties modernes ont participé aux guerres coloniales les plus violentes. Cependant, il semble que tout se passe comme si la démocratie cherchait à encadrer la violence qu'elle s'autorise dans certaines limites. Les démocraties, même belliqueuse, affirment leur attachement à la notion de droit international humanitaire, inspiré par le principe médiéval de jus in bello, qui pose comme nécessaires certaines règles dans la conduite de la guerre. D'autre part, l'entrée en guerre dans les pays démocratiques est soumise à l'autorisation du Parlement. [...]
[...] En effet, en donnant aux citoyens la souveraineté, la démocratie se prémunit d'une entrée en guerre car celle-ci toucherait en premier lieu ceux là mêmes qui la déclarent et serait donc improbable. Tocqueville entrevoit d'ailleurs cette même corrélation lorsqu'il explique que les intérêts supérieurs du commerce et de l'industrie, et la diffusion de la démocratie font que la guerre et de moins en moins fréquente, puisqu'elle est considérée comme mauvaise, autant pour le vainqueur que pour le vaincu. Les hommes qui vivent dans les pays démocratiques n'ont pas naturellement l'esprit militaire ( ) ; se lever en masse de soi même et s'exposer volontairement aux misères de la guerre et surtout que a guerre civile entraîne, c'est un parti auquel l'homme des démocraties ne se résout point ; De la démocratie en Amérique). [...]
[...] Gauchet, La démocratie contre elle même). La nécessité du conflit démocratique se mesure en premier lieu à l'observation de son contraire. L'idéal d'unanimité, d'union, a été celui des grands régimes totalitaires. La recherche permanente de l'unité et du consensus par tous les moyens, convient beaucoup mieux au régimes autoritaires qu'aux démocraties, qui resteront, de fait, par leurs caractéristiques fondamentales, nécessairement plus désordonnées, divisées, conflictuelles. Le conflit fait partie de la démocratie, la recherche de la paix ne doit pas être le masque de l'ordre. [...]
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